La Chronique Agora

Lettre à vos héritiers

** Les nouvelles sont pleines d’inflation. En Chine le taux d’inflation des prix à la consommation a atteint un sommet de 11 ans — à plus de 7%. Le coût de la vie grimpe rapidement dans l’Empire du Milieu. Les salaires grimpent encore plus vite. Tout à coup, les exportations à bas prix de la Chine ne font plus baisser les prix de la planète — au contraire ; elles les font grimper !

* "Les prix du thé sur le point de grimper en flèche", titrait le Financial Times hier. "Le coût de l’acier devrait grimper, les producteurs ayant accepté de payer le minerai 70% plus cher", disait un autre article.

* Le pétrole est de retour au-dessus des 95 $. Le blé a vu son prix multiplié par trois depuis l’an dernier. L’indice des matières premières frôle des sommets record.

* Il y a quelques années, personne ne se souciait du prix du thé en Chine. A présent, les prix grimpent partout dans le monde… et les gens sont nerveux.

* Hier, nous avancions une théorie. Si l’avenir est vraiment aussi morose que les économistes semblent le penser, pourquoi les marchés boursiers n’ont-ils pas plus baissé, nous demandions-nous ? Les places mondiales regardent vers l’avant ; pourquoi ne voient-elles pas de problème arriver ?

* Notre réponse, c’est que les marchés voient les problèmes arriver de deux directions différentes. D’un côté, la déflation tire les valeurs vers le bas — les maisons, les actions, les mauvaises dettes (et les dettes des entreprises constituent la prochaine débâcle, prévient le Wall Street Journal).

* Mais de l’autre côté, l’inflation met à mal la valeur de la devise elle-même. Qui veut avoir des billets verts quand ils perdent 4% par an et que l’inflation grimpe ? Historiquement, en période d’inflation, mieux vaut détenir des actions dans des entreprises profitables qui peuvent augmenter leurs prix plutôt que des liquidités.

* Avec des canons à gauche… des canons à droite… toutes ces volées de balles et ce bruit de tonnerre… quelle direction devraient prendre les actions ? Peut-être qu’elles voient l’ensemble du tableau… et restent sans bouger ?

** Dans le Financial Times, hier matin, on trouvait une brève description de l’étude Barclays Equity Gilt, que la banque publie depuis 53 ans. L’étude examine la performance de long terme des actions britanniques ; elle en a déduit que depuis près de 100 ans — entre 1899 et 1985 — les actions de Grande-Bretagne ont fait perdre de l’argent aux investisseurs. Comparé aux prix de détail, le rendement réel des valeurs sur toute cette période était négatif. On peut expliquer cela en partie par le fait que la Grande-Bretagne avait atteint son sommet. Elle avait été le principal empire de la planète durant les 100 années précédentes au moins. Ses habitants s’étaient enrichis. Mais à l’aube du nouveau siècle, tant les Etats-Unis que l’Allemagne lui faisaient une concurrence féroce. Le PIB de l’Amérique a dépassé celui de la Grande-Bretagne aux environs de 1900. Quelques années plus tard, c’était au tour de celui de l’Allemagne. Ensuite, durant la Grande Guerre de 1914, le Royaume-Uni a passé le bâton impérial aux USA.

* La Grande-Bretagne avait du mal à tenir le rythme. Comme nous venons de le voir, en termes réels, ses actions ont chuté durant les 85 années suivantes. Idem pour sa devise. La livre sterling a perdu 99,3% de sa valeur depuis 1899.

* Aux Etats-Unis, les billets verts ne s’en sont guère mieux tirés. Nous n’avons pas les chiffres équivalents, mais le dollar a perdu au moins 95% de sa valeur durant la même période. Ces derniers temps, la devise US chute plus rapidement encore que la livre. En 1985, nous rappelons-nous vaguement, une livre et un dollar valaient à peu près la même chose. 23 ans plus tard, la livre vaut près de deux fois plus qu’un dollar.

* Quelle leçon tirons-nous de tout cela ? Pour commencer, si les Etats-Unis ont réellement atteint leur sommet, Warren Buffett a tort. Il déclare que vendre les Etats-Unis à découvert n’est "pas intelligent". Mais si les USA ont atteint leur sommet, comme nous le pensons, 100 ans après celui de la Grande-Bretagne, vendre les Etats-Unis à découvert, c’est exactement ce qu’il faut faire. Vendez leurs actions. Et vendez leur devise.

* Ecrivez une petite note… mettez-la dans une enveloppe scellée… et adressez-la à vos héritiers : "à ouvrir en 2100".

* "Chers descendants",

* "En cet an de grâce 2008, j’ai vendu les Etats-Unis à découvert. Warren Buffett m’a dit de ne pas le faire, mais je ne l’ai pas écouté. Avais-je raison ? Eh bien… j’ai mis ci-joint un billet d’un dollar en souvenir. Au moment où j’écris ces lignes, si j’en avais trois ou quatre de plus, je pourrais acheter une tasse de café. Si j’en avais 920, je pourrais acheter une once d’or. Bonne chance".

* Combien pensez-vous que le dollar vaudra en 2100 ? Nous n’en savons rien. Si seulement nous pouvions rester ici assez longtemps pour le découvrir !

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