La Chronique Agora

Les vendeurs à découvert ne sont pas responsables de la crise bancaire

** Dans la bataille contre l’effondrement total des marchés financiers, les autorités de réglementation mondiales se sont battues becs et ongles ces jours-ci. Tout d’abord, la Fed a fourni 180 milliards de dollars de plus aux banques centrales étrangères.

– En mettant ses dires en action — et en fournissant les armes nécessaires — la Fed vise à accomplir la mission pour laquelle elle a été créée en 1913 : être le prêteur de dernier recours, quand plus personne dans le système financier n’accepte de prêter.

– Les banques commerciales ne prêtent plus. Elles luttent pour leur survie. Les fonds souverains, qui se sont effondrés plus tôt cette année après avoir cru que le plancher avait été atteint, conservent leurs liquidités. Le private equity attend de pouvoir récupérer la carcasse des entreprises en faillite (ou d’acheter les entreprises qui souhaitent se vendre pour survivre). Il ne reste donc plus que les banques centrales qui acceptent de prêter.

– Il y a quantité d’emprunteurs. Mais dès que la Fed injecte des liquidités dans le système, elles s’écoulent ailleurs. La semaine dernière aux Etats-Unis, les investisseurs ont retiré près de 80 milliards de dollars des fonds monétaires. Le total des actifs détenus par les fonds d’investissement monétaires a chuté de 2,5%.

– Les fonds monétaires sont presque des investissements en liquide. De fait, être en fonds, c’est bel et bien être en fonds. Quand les investisseurs fuient le marché monétaire à court terme, ils ne sont plus qu’à un pas de perdre toute confiance dans les marchés financiers. Le dernier pas — et nous en parlons uniquement parce que nous pensons y assister quand les banques régionales commenceront à faire faillite aux Etats-Unis — c’est de retirer tout l’argent que vous avez à la banque pour le ramener chez vous.

** Mais nous n’en sommes pas encore là. Et la Fed tente de mettre un terme au marché baissier de la confiance qui s’est emparé de Wall Street et du reste de la planète depuis un an. Cela va-t-il fonctionner ? Cela a au moins remonté le moral des investisseurs pendant une journée. Le Dow Jones a grimpé de près de 400 points.

– La Fed se bat contre une crise des liquidités. Ce n’est pas la bonne guerre, et c’est une guerre qu’elle pourrait ne pas gagner, sans faire remonter l’inflation. Ce à quoi nous assistons vraiment, c’est une crise de la solvabilité. Rendre plus de crédit disponible n’améliorera pas la qualité des capitaux qui sont responsables du chaos actuel dans le système financier (l’immobilier américain).

– Deux autres mesures prises par les autorités de réglementation ont permis d’éviter la débâcle totale jeudi dernier. Tout d’abord, les autorités américaines et britanniques ont mis un terme aux ventes à découvert.

– Evidemment, puisque ce sont les vendeurs à découvert qui sont responsables de la destruction de la valeur des actionnaires chez Lehman et AIG. Ce sont les vendeurs à découvert qui ont assuré des titres adossés aux créances hypothécaires. Ce sont les vendeurs à découvert qui ont acheté cette dette avec les capitaux des actionnaires.

– C’est vraiment gênant quand des soi-disant capitalistes jouent la carte des victimes et rendent les vendeurs à découvert responsables de la punition méritée qu’ils reçoivent. Ils vont ensuite pleurer dans les jupons de l’Etat pour obtenir un renflouement (payé par les contribuables). C’est tout simplement honteux.

– Ne vous méprenez pas sur notre discours concernant les ventes à découvert. Elles doivent être mieux régulées. Mais vendre un titre à découvert est une façon utile de tenir les dirigeants responsables de leurs actes. Rendre les vendeurs à découvert responsables de l’effondrement du système d’investissement bancaire (emprunt, effet de levier, et ainsi de suite) reviendrait à rendre la gravité responsable de votre mauvaise mine quand vous avez abusé de l’alcool.

– Quoi qu’il en soit, cette mise au point a entraîné un rebond dans nombre de valeurs financières. Mais de sérieux problèmes demeurent.

– Nous n’avons aucune idée de ce qui va se passer ensuite. La Fed a envoyé ses meilleures troupes au front dans la guerre contre la déflation des prix des actifs. En théorie, la liste des réserves que la Fed peut mobiliser est infinie. Voilà ce que signifie avoir un monopole sur l’argent. Vous pouvez en créer autant qu’il vous en faut.

– Nous pensons que les investisseurs les plus malins vont utiliser ces rebonds des marchés baissiers pour réduire leur exposition aux actions. Les positions en liquide vont se solidifier. Et tandis que quelques-unes des plus grandes entreprises financières vont être recapitalisées par les dollars des contribuables, beaucoup d’autres vont simplement faire faillite et être liquidées.

– Les bonnes nouvelles ? L’énorme accumulation de liquide va normalement réintégrer le marché. Mais où ? Nous pensons que ce sera dans les valeurs avec des bilans transparents, des actifs réels et des entreprises avec un véritable potentiel de bénéfices. Nous pensons également qu’il y en a beaucoup ici en Australie.

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