Par Jean-Claude Périvier (*)
A qui refiler la "patate chaude"?
Le développement de la "valorisation matière" et énergétique entraîne des mouvements transfrontaliers d’échanges de déchets et de matériaux recyclés ou à recycler. Ainsi, plus de 135 millions de tonnes de textile, plastiques, ferrailles et métaux non-ferreux sont échangées chaque année sur la planète. Les matières secondaires constituent aujourd’hui un des flux les plus importants à sillonner les mers.
La valorisation matière est liée à la nécessité d’économiser les ressources naturelles. Les matières organiques, le bois, les papiers/cartons, le verre, les plastiques, les métaux, les batteries, les DEEE, les textiles et certains solvants sont les principaux matériaux destinés à être recyclés.
Globalement, les marchés des matériaux issus de la récupération progressent et s’internationalisent. Ils pèsent actuellement plus de 600 millions de tonnes, emploient 1,5 million de personnes et représentent un chiffre d’affaires de 160 milliards de dollars. Et ce marché du déchet, quel que soit le mode de traitement et de valorisation, ne peut que prendre de l’ampleur. Il va falloir réduire la quantité et la nocivité des déchets tout en réduisant leurs coûts et l’impact de leur prise en charge. Déjà la prévention constitue un objectif totalement en phase avec les nécessités et les principes d’une gestion durable des déchets.
Le recyclage est-il toujours possible ?
La tendance au recyclage est forte, même si elle n’est pas nouvelle. Qui ne se souvient des chiffonniers et des ferrailleurs de notre enfance ? Nous étions plus écolo il y a 100 ans !
Il y a deux à trois siècles, le traitement des déchets n’existait pas. L’idée même était exclue. Les principaux déchets étaient les gravats (souvent réutilisés) et les déchets organiques. On jetait ces derniers dans les ruisseaux et les rivières, ils nourrissaient les poissons, ou étaient entrainés vers la mer. La population était peu nombreuse, et surtout rurale, ce qui facilitait l’élimination des déchets.
De révolution industrielle en révolution industrielle, du 19ème au 21ème siècle, et avec un comportement de quasi-prédateur, le monde est entré dans un processus d’exploitation sans limites des ressources naturelles — qu’elles soient renouvelables ou non. La modernisation des techniques a permis d’aller toujours plus loin, plus vite, de creuser toujours plus profond. Il suffisait de découvrir et d’exploiter. Alors que la population du monde va encore augmenter, que les ressources en énergies fossiles vont s’épuiser, que les terres agricoles diminuent sous le poids d’une urbanisation croissante et de la désertification, la gestion des déchets urbains des mégapoles s’annonce comme un défi sans précédent.
Les déchets, en constante augmentation, sont devenus des nuisances qu’il a fallu collecter de manière aussi discrète que possible, faire disparaître en les cachant ou en les enterrant, ou en les détruisant. Conscients de ce défi, les pays ont donc demandé à des entreprises spécialisées de collecter, trier, mais aussi valoriser et recycler… de transformer autant que possible le déchet en ressource.
C’est un business encore récent, mais une tendance de fond qui se prépare en ce moment. Et elle assure aux entreprises qui se seront positionnées un avenir prometteur et profitable. Et si vous en étiez actionnaire ?
Comment se débarrasser des déchets en récupérant la matière première ?
Depuis août 2005, tous les pays européens ont l’obligation d’appliquer la directive sur le retraitement des déchets électroniques (DEEE). Rappelez-vous : il y a peu de temps, vous ne saviez pas quoi faire de votre ancienne télé ou machine à laver. Quand vous vouliez la remplacer, vous aviez beau essayer de la revendre à votre meilleur ennemi, rien à faire ! Elle vous restait sur les bras. Si vous étiez courageux, vous alliez alors à la décharge, ou vous appeliez le service des enlèvements.
Mais maintenant, c’est fini ! Vous pouvez désormais vous défaire de vos appareils électroniques lors de l’achat d’un nouvel équipement. Des points de collectes sont prévus. Il était temps : chaque Européen produit près de 20 kg de déchets électriques et électroniques par an, et leur croissance annuelle serait de 3% à 5% ! Comme l’exige la réglementation, les DEEE doivent désormais faire l’objet d’une filière de collecte et de traitement dédié afin d’être valorisés en limitant les impacts sur la santé et l’environnement. Mais vous imaginez que ce n’est pas uniquement dans ce but louable que le système change. En effet, ces déchets, tels que vos téléphones portables et vos ordinateurs en fin de vie, contiennent de 5% à 18% de leur poids en cuivre !
Les matières premières ont plusieurs vies
Cette contrainte de recyclage tombe à pic pour répondre aux besoins croissants en cuivre. Une manière de profiter et de ne pas subir la hausse régulière des cours de cette matière première. La demande mondiale de cuivre n’a cessé de progresser ces dernières années ; l’Europe et les Etats-Unis sont désormais concurrencés par la Chine, premier pays utilisateur de cuivre dans le monde depuis 2002, et par les émergents, Russie et Turquie en tête.
Le cuivre est un bon exemple de recyclage, car il est un constituant majeur des produits de haute technologie. 35% des besoins mondiaux sont aujourd’hui assurés par le recyclage de déchets contenant du cuivre. Ce métal est recyclé et réutilisé facilement sans aucune perte de qualité ni de performance. Il n’existe en effet aucune différence entre le métal recyclé et le métal issu de l’extraction minière.
Le recyclage concerne beaucoup de matériaux : le verre, l’acier et l’aluminium sont recyclables à l’infini, les papiers et cartons d’emballages à 90%. Comme je vous le disais tout à l’heure, le recyclage n’est ni nouveau ni brusquement né d’une prise de conscience de la précarité des ressources naturelles. Mais l’accélération est forte depuis quelques décennies, et tout un tissu industriel de PME spécialisées s’est créé à côté de quelques grands groupes.
Investir dans l’une d’entre elles, c’est parier quasiment sans risque sur l’avenir du recyclage.
Meilleures salutations,
Jean-Claude Périvier
Pour la Chronique Agora
(*) Parallèlement à sa carrière dans le conseil aux entreprises et l’intelligence économique, Jean-Claude Périvier s’intéresse à la Bourse et à l’investissement depuis 1986. Analyste de talent, il excelle à détecter et anticiper les tendances futures… pour en déduire les meilleures opportunités de gain. Sa toute nouvelle lettre d’information, Défis & Profits, sera lancée très prochainement : vous y découvrirez les recommandations ultra-profitables correspondant à ces tendances de pointe !