▪ Les sherpas des dirigeants politiques anglo-saxons ruent dans les brancards. Nous assistons à une véritable vague de démissions dans l’entourage de Barack Obama — à six semaines des élections sénatoriales, cela fait plutôt mauvaise impression… Se produit également un déferlement de critiques du système financier (et de ceux qui le symbolisent) dans l’entourage du Premier ministre britannique David Cameron.
Se pourrait-il que ces éminents personnages trouvent certaines réalités économiques difficiles à assumer ? Se pourrait-il qu’ils éprouvent du remord à couvrir trop de mensonges officiels ? Ou pressentent-ils que des jours sombres se préparent pour les gouvernements en place ? Préféreraient-ils donc que leur nom ne soit pas associé à de nouvelles mauvaises décisions qui engendreront une débâcle électorale ?
Quand les rats quittent le navire… mais vous en savez aussi long que nous à ce sujet !
▪ Wall Street continue en tout cas d’agir comme si aucune menace ne planait sur les marchés. La Fed glisse déjà sa main dans son veston pour tirer son carnet de chèques (du moins le croient-ils)… Il ne vient à l’idée de personne que Ben Bernanke pourrait se contenter d’en retirer un mouchoir pour s’éponger le front !
Il y aurait effectivement de quoi sentir perler la sueur du côté de la Federal Reserve : le dollar dévisse dans un même élan sous les 1,33/euro (plancher de début août) puis sous les 1,34 tandis qu’il se rapproche de la parité avec le franc suisse.
De sourdes rumeurs commencent à ressurgir au sujet de « stocks fantômes » de biens immobiliers saisis (qui n’apparaissent pas dans les comptes) mais non revendus que détiendraient les banques. Elles éviteraient depuis 18 mois de les remettre sur le marché afin de ne pas faire s’effondrer davantage le prix des logements.
▪ Ce n’est certainement qu’une mauvaise coïncidence mais la FHFA (Agence fédérale des finances immobilières) révélait hier dans son rapport mensuel que le prix médian des maisons a chuté de 0,5% au mois de juillet après un recul de 1,2% (révisé de -0,3%) au mois de juin. Sur les 12 derniers mois, les prix dévissent de 3,3%… et cela pourrait être bien pire car le taux d’expropriation a battu un record historique cet été aux Etats-Unis !
Les banques seraient donc loin de jouer la transparence. Cette situation, soigneusement cachée aux yeux de l’opinion publique serait l’une des causes expliquant leur réticence à prêter de l’argent pour soutenir l’économie. Elles connaissent en effet de façon précise le nombre de cadavres qui pourrissent dans leurs placards et elles ne sont pas certaines de pouvoir masquer l’odeur encore très longtemps.
▪ La plupart des observateurs politiques américains — et la presse financière s’en fait l’écho — notent avec une certaine inquiétude que les rapports de la Maison Blanche avec les banques se sont fortement distendus (c’est l’ultime étape avant l’évocation de rapports « tendus »).
Les pontes de Wall Street ne sont plus invités à la Maison Blanche… Les dîners de collecte de fonds, organisés dans les appartements les plus somptueux de Manhattan, ont pratiquement disparu… la presse conservatrice ne manque pas de souligner l’impopularité du président américain et le divorce d’avec ses principaux soutiens financiers de la campagne de 2008.
Comme pour illustrer ce constat de la façon la plus irréfutable, Larry Summers, l’idole ultra-libérale des banquiers de Wall Street et le principal conseiller économique du président américain Barack Obama, a confirmé mardi son intention d’abandonner ses fonctions à la fin de l’année. Cela revient à dire qu’il quitte la Maison Blanche avec effet immédiat… puisqu’il ne manquera pas de faire valoir son droit à épuiser ses congés (nous plaisantons, bien entendu).
Moins de 24 heures plus tard, c’était au tour de Herbert Hallison — sous-secrétaire adjoint à la stabilité financière — de faire part de sa démission dans un message adressé aux fonctionnaires de son ministère et dont une copie a aussitôt été transmise à la presse.
Ces deux très proches conseillers de Barack Obama tirent leur révérence quelques semaines seulement après Christina Romer, autre conseillère du président, et Peter Orszag, patron du Bureau du budget. Une telle hémorragie parmi les sherpas de la politique économique américaine est a priori sans précédent.
▪ Traversons maintenant l’Atlantique et rendons-nous dans la deuxième capitale économique de la planète : il régnait une vive animation dans les tours de verre de la City ! Les financiers étaient scotchés devant leurs écrans alors que le ministre britannique du Commerce, Vincent Cable, traitait ce mercredi les banquiers de « filous » et de « parieurs » qui ont coulé le système financier tout en empochant des bonus astronomiques financés par le contribuable.
Il affirme qu’il est grand temps de moraliser le « monde trouble » des entreprises cotées en Bourse et que « la colère de l’opinion à l’encontre des banques est justifiée ».
Il a en outre reproché aux marchés d’être « irrationnels et biaisés » (ce que nous dénoncions une fois encore — pure coïncidence — dans notre chronique de la veille). Il fustige dans un même élan les « investisseurs à courte vue » et les dirigeants de grandes institutions financières « parfois prêts à oublier leurs devoirs lorsqu’on leur agite un chèque sous les yeux »… Ambiance !
Ce genre de réquisitoire tendrait à suggérer que rien n’a vraiment changé depuis l’automne 2008 — ni les hommes, ni leurs pratiques.
Vincent Cable, qui se présente comme un « libéral », n’en est pas à ses premières déclarations choc. Il avait déjà reproché aux marchés (et donc à ses principaux acteurs) de prendre des risques insensés et d’instaurer une réalité virtuelle qu’ils sont les seuls à maîtriser plutôt que de s’efforcer de rendre les règles du jeu plus équitables et de réorienter la City vers sa fonction première : financer des projets ayant une utilité sociale et fixer le juste prix des actifs… au lieu de passer leur temps à manipuler la volatilité des cours.
Nous ne saurions mieux dire !
▪ Les marchés européens ont semblé succomber à une vague inquiétude mercredi. Le CAC 40 a rechuté de 1,3%, l’Euro-Stoxx 50 et l’Eurotop 100 ont reculé de 1,5% (Madrid et Milan perdant 1,9%)… mais Wall Street continuait de résister à la mi-séance. Nous n’aimerions pas être dans la peau des derniers acheteurs !