Nos cerveaux seront-ils trop petits face à l’intelligence artificielle ? L’homme a toujours réussi à créer son propre travail. Cette fois encore, le futur ne sera pas différent.
Regardez ces valeurs « techs » ! Selon Bloomberg :
« Cette année, entre les cinq ‘FAANG’ (Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google) et les entreprises rivales chinoises dites ‘BAT’ (Baidu, Alibaba, Tecent), les gains enregistrés par les principales valeurs technologiques du monde se sont élevés à près de 1,7 Md$ en valeur de marché.
C’est plus élevé que l’intégralité de l’économie canadienne et supérieur à la valeur des 30 plus grandes entreprises allemandes réunies. Les huit géants de la technologie : Facebook Inc., Amazon Inc., Apple Inc., Netflix Inc., et Google Alphabet, ainsi que leurs homologues asiatiques Baidu Inc., Alibaba Group Holding Ltd., et Tencent Holdings Ltd. ont amassé autant d’argent en 2017 que Pacific Investment Management Co. (l’un des plus grands gestionnaires de fonds au monde) en près de 46 ans.«
L’avenir suscite principalement deux réactions : l’exaltation chez certains… et l’inquiétude chez d’autres.
Le premier groupe imagine toutes les merveilles que la nouvelle technologie – en particulier l’intelligence artificielle – apportera. Le second s’inquiète de tous les emplois dont les machines nous privent. Le premier identifie les avantages ; le second est terrifié par le gouffre.
La production de pétrole a commencé à se redresser l’année dernière. Pourtant le nombre de travailleurs sur les plateformes pétrolières n’a pas augmenté. Pourquoi ? Les nouvelles technologies ont automatisé une grande partie du travail. Maintenant, seulement cinq trépans effectuent un travail équivalent à 20 trépans d’il y a quelques années.
Le personnel des plateformes pétrolières était bien payé. C’est pourquoi leurs propriétaires sont si désireux de le remplacer. Les machines ne vous poursuivent pas en justice lorsqu’elles se cassent une jambe, elles ne fument pas pendant les heures de travail. Elles ne passent pas le samedi et le dimanche en famille.
Mais comme les machines remplacent les emplois bien rémunérés, les travailleurs autrefois bien payés ne peuvent que se retrouver au bas de l’échelle des salaires. Cela explique également pourquoi la seule véritable croissance d’emploi est survenue dans le secteur des services – là où barmen et voituriers occupent des emplois peu qualifiés et faiblement rémunérés.
Des robots nous ouvriront la porte du paradis
Les gens sont forcés d’accepter des emplois qui ne peuvent être occupés par des robots. On s’attend à ce que le nombre de robots utilisés comme main-d’oeuvre quadruple d’ici à 2025. D’après une estimation largement diffusée, la moitié des emplois existants disparaîtront d’ici à 2030.
Ensuite, des robots plus intelligents que nous, nous assisteront dans tous les domaines de nos vies. Ils nous diront comment nous brosser les dents et pour qui voter. Ils corrigeront notre grammaire, diagnostiqueront les pannes de nos voitures… ils nous conseillerons des remèdes pour nos démangeaisons de peau. Ils sortiront nos poubelles, prépareront un ragoût avec de la mousse d’arbre… et nous ouvriront les portes du paradis.
Récemment, au Conseil des Relations Internationales, on a posé la question suivante à Daniel Kahneman : quelles sont les perspectives d’avenir ? Ces ordinateurs super intelligents nous garderont ils comme animaux de compagnie ?
« Bon, vous savez, certains économistes disent que nous sommes déjà passés par là. Les changements technologiques ne causent pas vraiment de chômage. Les pessimistes – et j’en suis un – ont tendance à croire que cette fois, c’est différent. Je pense que beaucoup de gens pensent que c’est différent en raison de la rapidité et du type de changements sociaux qui vont se produire, quand on créera ce que Yuval Harari* appelle des gens superflus, qui n’auront vraiment plus rien à faire.
Cela pourrait arriver au cours des prochaines décennies et cela va changer le monde dans une proportion inimaginable. Cela ne tiendra pas à une seule chose. Il suffit d’un ensemble d’avancées localisées. Comme celles qui sont en train de se produire : les voitures autonomes n’en sont qu’un exemple.«
A La Chronique Agora, nous ne sommes ni inquiets ni curieux. Premièrement, tous les hommes sont superflus et l’ont toujours été. Nous nous fabriquons notre propre travail. Il ne nous est pas donné par l’économie ou par le gouvernement.
Deuxièmement, nous soupçonnons que la promesse de l’intelligence artificielle est en grande partie absurde. Les machines peuvent apprendre à faire des tâches simples – comme conduire un camion. Oui, et vous ferez probablement en sorte que l’une d’elle passe l’aspirateur chez vous.
La belle affaire…
Plus de robots mais plus de demande pour le « fait main »
Oui, des machines seront capables d’écrire des articles stupides pour des journalistes paresseux… et de faire des calculs intelligents pour des ingénieurs. Et alors ? Au 19e siècle, les machines ont remplacé les hommes pour effectuer des tâches routinières. Les gens se sont inquiétés et lamentés lorsque l’automobile a supprimé la nécessité de ramasser le crottin de cheval. Mais plus les robots ont été capables de faire quelque chose, plus les gens ont réclamé des choses « fabriquées à la main ». A présent, plus les machines seront capables, plus les humains voudront ce dont elles sont incapables.
Dans un monde peuplé de voitures autonomes, nous serons follement tenaillés par le désir de prendre nous-mêmes le contrôle du volant. Lorsque nous aurons tous des robots-valets garantissant que notre cravate est bien coordonnée à notre costume, nous trouverons toujours le moyen d’associer des couleurs si infâmes et choquantes que les machines grilleront leurs fusibles et refuseront de travailler pour nous.
Le monde d’aujourd’hui ne manque pas de puissance de calcul, qu’elle soit naturelle ou artificielle. Il y a des tonnes de gens intelligents. Davantage de doctorats, plus de brevets, plus de groupe de réflexion… Plus de cellules grises que jamais s’appliquent à déceler les défis cruciaux de notre époque.
Davantage d’ordinateurs également, dont la vitesse de traitement nous aurait stupéfiés il y a 10 ans encore. Le programme Apollo Space utilisait un ordinateur d’une puissance de traitement équivalente à celle d’une Nintendo NES des années 1985. Aujourd’hui, un iPhone a la même puissance de traitement qu’un Superordinateur Cray. La puissance de calcul totale mise désormais à la disposition de l’humanité est d’environ un quadrillion (un million de milliards) de fois supérieure qu’à l’époque où Neil Armstrong marchait sur la lune.
Et alors ? Sommes-nous plus heureux ? Sommes-nous plus riches ? Le monde est-il meilleur ?
Nos téléphones nous donnent l’heure à la dixième de seconde près mais les gens sont toujours en retard. Nos ordinateurs corrigent nos fautes d’orthographe et notre conjugaison, mais la moitié des choses que nous lisons sont toujours insensées ou insignifiantes. Le nouveau tracteur de la marque New Holland que nous avons acheté pour le ranch il y a tout juste un an est tombé en panne sans raison apparente, alors que notre vieux Ford de 1972 est toujours en très bon état de marche.
Le service à bord des avions s’est-il amélioré ? La musique est-elle meilleure que celle des Beach Boys en 1965 ou du Nocturne n°8 de Chopin en 1842 ? Les flics sont-ils plus calmes ? Les juges sont-ils plus sages… les filles plus jolies… les présidents plus sensés que du temps où Eisenhower était à la Maison Blanche ?
Le problème de nos jours… et cela a toujours été le cas… ce n’est pas que nos cerveaux sont trop petits… en fait, avec toutes cette puissance de calcul supplémentaire… il se pourrait que nous ayons un trop-plein d’intelligence.
Nos coeurs ne peuvent suivre.
Nous persistons dans notre conseil. Détendez-vous. Laissez les robots prendre le dessus. Soyez aimable et digne. Laissez-les passer l’aspirateur et balancez-les en bas de l’escalier d’un bon coup de pied lorsqu’ils ne s’y attendront pas.
* auteur de Sapiens – Une brève histoire de l’humanité et de Homo Deus – Une brève histoire de l’avenir