La Chronique Agora

Les produits du passé sont condamnés

▪ Selon le président chinois Hu Jintao, le système monétaire basé sur le dollar est "un produit du passé".

Il a raison. Et la semaine dernière, deux grandes agences du crédit US — Moody’s et Standard & Poor’s — ont souligné ce point. Selon eux, la notation "triple A" du crédit américain serait perdue si le pays continuait à emprunter autant d’argent.

Amen, mon frère…

Mais comment les Etats-Unis peuvent-ils emprunter moins ?

Ben Bernanke déclare que l’économie américaine enregistrera probablement une croissance de 3% à 4% cette année. Pas mal, hein ? On peut cesser de s’inquiéter, non ?

Attendez une minute. Nous ne savons pas si l’économie américaine va croître cette année… pas plus que Ben Bernanke. Mais même si elle se développait de 3% à 4%… est-ce que ça signifierait qu’on profiterait d’une authentique reprise ? Le système monétaire basé sur le dollar pourrait-il tenir finalement ? Pourrait-il surprendre les Chinois en était un produit du futur, en plus d’être un produit du passé ?

▪ Voyons comment fonctionne le modèle économique actuel aux Etats-Unis. On dépense 10 000 milliards de dollars en renflouages et relances. Cela met tout le pays en route vers la faillite… les Chinois vous disent que votre monnaie est morte… et les agences de notation menace de dégrader votre crédit d’un rang ou deux. Et pour tous ces ennuis, disons que vous obtenez 4% de croissance.

Hm… une croissance de 4% revient à environ 560 milliards de dollars de PIB supplémentaires aux Etats-Unis. Mais n’y regardez pas de trop près. Une bonne partie de ce PIB supplémentaire est constituée d’usines à gaz financées par le gouvernement, qui n’ajoutent rien de réel à la richesse du pays.

Mais pour que cette "croissance" se poursuive, il faut continuer à accumuler des déficits — environ 1 000 milliards de dollars supplémentaires par an. Attendez… quel genre d’activité Ben Bernanke gère-t-il ?

Elle coûte plus en dépenses déficitaires qu’elle ne génère de croissance positive du PIB.

Eh bien, peut-être qu’on perd de l’argent tous les ans… mais on compense à long terme !

Mais… on s’attend à ce que les déficits atteignent de 5% à 10% du PIB US pendant des années. Peut-être pour toujours. Si le taux de croissance se situe dans la fourchette des 3%-4%, ça signifie que la dette dépasse toujours la croissance. C’est même exactement ce que projettent quasiment tous les économistes.

A quoi bon, dans ce cas ? Eh bien, peut-être que les déficits peuvent être réduits… et que le taux de croissance prendra de la vitesse ? Ma foi, tout est possible. Et puisque nous commençons 2011 avec une attitude positive, nous sommes prêts à croire n’importe quoi.

▪ C’est peut-être ce que croyaient les spéculateurs sur l’or la semaine dernière. Ils ont vendu le métal jaune, faisant chuter son cours. L’or grimpe lorsque la confiance dans le système financier chute. Si l’or baisse, ça doit dire que la confiance dans l’équipe Bernanke/Geithner augmente.

Si l’on se base sur les preuves actuelles, il nous faudrait prendre l’autre côté de ce pari. Si Bernanke & Co. ont une petite idée de ce qu’ils font, ce n’est guère apparent dans les chiffres officiels. Même maintenant, alors que la Grande correction entame sa cinquième année, ils semblent encore incapables de voir ce qui se passe.

Bernanke :

"Nous avons eu des problèmes, à l’origine, en accordant trop de mauvais prêts. Il faut donc faire de bons prêts. Nous devons avoir des emprunteurs solvables".

Peut-être qu’en privé, Bernanke a une vision plus claire des choses. Mais nous ne pouvons pas mettre son téléphone sur écoute ou connaître ses rêves. Tout ce que nous avons, c’est ce qu’il dit… et ce qu’il fait. Jusqu’à présent, il n’a ni dit ni fait quoi que ce soit qui nous pousse à lui faire confiance.

Il a raison ; les ennuis sont arrivés à cause de mauvais prêts. Mais pourquoi les a-t-on faits ? Parce que la Fed prêtait de l’argent trop bon marché ! Cela a encouragé la spéculation et la prise de risque — surtout par les banques, qui devaient savoir qu’elles seraient renflouées si elles avaient des problèmes.

Et comment la Fed pouvait-elle remédier à la situation ? Facile. Elle pouvait augmenter les taux — comme l’avait fait Paul Volcker. Elle pouvait mettre les spéculateurs sous pression. Elle pouvait augmenter les réserves exigées. Elle pouvait permettre aux banques de faire faillite… leur envoyer un message qu’elles n’oublieraient pas.

Mais qu’a fait Bernanke ? Le contraire. Il a récompensé les spéculateurs imprudents en rachetant leurs mauvaises dettes (ajoutant 1 700 milliards de dollars de titres adossés à des créances hypothécaires pourries aux comptes de la Fed). Il a baissé les taux plus encore… mettant le taux effectif à zéro pour les emprunteurs privilégiés. Et il a créé l’illusion d’une "reprise" — en stimulant les prix des actions et des matières premières.

De mauvaises politiques. Mauvaises à court terme. Pires à long terme.

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