La Chronique Agora

Les problèmes s'accumulent pour Goldman Sachs

▪ Lorsqu’on braque une lampe torche sur un groupe de cafards, les insectes s’éparpillent et vont se cacher. Mais lorsqu’on braque une lampe torche sur un groupe d’escrocs des banques d’investissement, ils se contentent de vous fixer et de vous répondre : "les accusations de la SEC (Securities and Exchange Commission) ne sont fondées sur aucune loi ni aucun fait, nous allons les contester et défendre l’entreprise et sa réputation".

Comme le sait désormais la totalité du monde de l’investissement, Goldman Sachs est le dernier cafard à courir sous la lumière de la lampe torche. Vendredi dernier, la SEC a accusé Goldman d’avoir escroqué les investisseurs d’un milliard de dollars.

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Les détails de la plainte de la SEC accusent Goldman d’avoir omis de communiquer des "informations vitales" au sujet d’un titre adossé aux créances hypothécaires appelé Abacus. Selon la SEC : "à l’insu des investisseurs, Paulson & Co [un fonds de couverture]… qui devait faire des bénéfices si les [titres d’Abacus] faisaient défaut sur leurs obligations de paiement, a joué un rôle important dans le choix des titres qui devaient constituer le portefeuille… en résumé, Goldman Sachs a arrangé une transaction à la requête de Paulson, dans laquelle Paulson a lourdement influencé la sélection du portefeuille afin de satisfaire ses intérêts économiques".

Goldman a répondu de façon classique — en criant : "c’est n’importe quoi !" et en affirmant être la victime d’un terrible malentendu. Est-ce que quelqu’un y croit ? Pour reformuler la question, est-ce que quelqu’un croit vraiment que cette accusation de fraude est la seule du genre ? Cette question nous rappelle un autre fait au sujet des cafards : il n’y en a jamais qu’un. N’importe quelle entreprise financière capable de commettre une fraude aussi flagrante et aussi énorme que celle que décrit la plainte de la SEC est sans aucun doute capable de commettre une deuxième fraude… peut-être même une troisième, une quatrième… ou une quarantième.

La fraude que la SEC décrit dans sa plainte contre Goldman n’est pas une simple "oups !" c’est une fraude que tout courtier pourrait reconnaître comme le synonyme d’une fin de carrière brutale. "Le produit était nouveau et complexe", explique Robert Khuzami, directeur de la Division des applications à la SEC, "mais la tromperie et les conflits n’étaient ni nouveaux, ni complexes".

En d’autres termes, un mensonge est un mensonge.

▪ Votre chroniqueur se contente néanmoins de laisser le processus suivre son cours… et d’attendre aussi longtemps qu’il faudra pour que le verdict de culpabilité tombe.

Quel que soit le verdict, en tout cas, Goldman est déjà "coupable de complicité" aux yeux de la plupart des Américains. La banque est coupable de complicité dans les pratiques qui ont engendré la crise de 2008. Elle est également coupable de complicité avec les dirigeants de Washington qui ont décidé quelles entreprises recevraient des milliards de dollars d’aide d’urgence (c’est-à-dire Goldman Sachs) et de quelles entreprises feraient faillite (Lehman Bros.). Mais surtout, elle est coupable de complicité dans les méthodes de rémunération en vogue à Wall Street, où les droits acquis frôlent l’obscénité.

Pour faire court, l’Amérique déteste Goldman Sachs.

Le fait que Goldman Sachs ait peut-être commis une fraude à grande échelle est donc un gros problème. Cela signifie que les anti-Goldman sont maintenant en possession d’armes chargées… et la fusillade qui va suivre pourrait entraîner une volatilité importante sur les marchés financiers.

Pour commencer, cet évènement pourrait fournir une excellente excuse pour une vague de ventes massives. Mais Goldman n’est pas seulement une excuse pour une telle vente massive en Bourse : Goldman est la Bourse… et c’est aussi le marché des matières premières… et le marché des obligations US. Goldman est le plus gros teneur de marché sur la place américaine ; la société figure aussi parmi les acteurs les plus importants dans tous les principaux marchés des matières premières. Goldman est également l’un des plus gros primary dealers de titres du Trésor US.

Et les problèmes de Goldman s’accumulent.

En citant la "faillite morale" de Goldman, Gordon Brown, Premier ministre britannique, a demandé une enquête complète de la part des autorités financières britanniques, en conjonction avec la SEC. L’Allemagne a également annoncé qu’elle allait demander des informations détaillées sur ce cas. Les deux gouvernements avaient renfloué des banques qui avaient perdu des centaines de millions de dollars sur des investissements commercialisés par Goldman.

Tout ça, ce sont des mauvaises nouvelles pour les Bourses du monde entier. Et pourtant, ce n’est pas une surprise. Il y a près de deux ans, dans un article intitulé Le Phénomène Goldman Sachs, votre chroniqueur californien notait que "le système financier américain possède encore trop de talent et de créativité pour fonctionner prudemment…on vous aura prévenus !"

Deux mois seulement avant que cet article ne soit publié pour la première fois, J.P. Morgan Chase avait acquis Bear Stearns, en faillite. Comme participation à la transaction, la Fed avait endossé 29 milliards de dollars d’actifs toxiques du portefeuille de Bear Stearns — donnant, dans les faits, 29 milliards de dollars de subventions à J.P. Morgan, et établissant ainsi un précédent pour les subventions de centaines de milliards de dollars qui allaient renflouer les plus grandes entreprises de Wall Street à peine six mois plus tard.

Nous avions déjà senti l’embrouille à l’époque… et aujourd’hui, l’odeur est toujours là…

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