La Chronique Agora

Les PIGS nous jouent un tour de cochon !

▪ Il y en avait, des vendeurs de dollars à découvert le 4 décembre (sous les 1,514/euro), au moment de la parution des statistiques du chômage. Il n’y avait même que cela, tant le carry trade était devenu la martingale incontournable et invincible de la période s’étendant de mars à décembre.

La tendance s’est brutalement retournée il y a une semaine lorsque les opérateurs ont découvert les chiffres de l’emploi les plus improbables de la décennie — tant l’imprécision des calculs du département du Travail américain semble avoir atteint des sommets inviolés ces trois derniers mois !

La hausse de l’euro symbolisait symétriquement l’appétit pour le risque… et les amateurs ont été servis, bien plus tôt qu’ils ne l’imaginaient. Voilà que les PIGS leur jouent un tour de cochon ; la monnaie unique plonge de 3% en six séances, sous 1,46/$.

L’acronyme PIGS recouvre les pays ayant adopté l’euro et qui se trouvent menacés d’une nouvelle dégradation de leur dette souveraine long terme : il s’agit du Portugal, de l’Irlande, de la Grèce et de l’S… pagne ! (Auxquels Dan Denning ajoute l’Italie, ci-dessous).

Comme cela ne suffisait pas, certains pays périphériques de la Zone euro, comme la Lettonie, la Slovaquie ou la Hongrie, sont de nouveau sur la sellette pour cause de surendettement massif. Par ailleurs, l’Ukraine a demandé, vendredi 11 décembre, une aide d’urgence de deux milliards d’euros au FMI pour s’épargner un défaut de paiement.

Face aux difficultés de trésorerie qu’éprouvent ces différents pays depuis l’automne 2008, l’Autriche semble particulièrement exposée au travers de son système bancaire. Ce dernier a beaucoup contribué au financement des ex-satellites de l’Union soviétique dont l’avenir semblait si prometteur… à l’image de la Chine.

▪ Après la formation d’un consensus unanimement baissier sur le dollar ces derniers mois, l’autre idée fixe des marchés, c’est que la Chine va continuer de tenir le rôle de locomotive de la croissance mondiale. Une anticipation renforcée par les dernières statistiques publiées vendredi dernier : la production industrielle a signé une progression de 19,2% en novembre dans l’empire du Milieu, surpassant les attentes du marché qui tablaient sur un chiffre déjà étourdissant de +18%.

Nul ne semble s’inquiéter de la pérennité d’un tel rythme. Les surcapacités de production sont pourtant flagrantes et la clientèle intérieure solvable est largement insuffisante pour absorber les surplus… même avec des vannes du crédit ouvertes en grand.

Nous restons confondu par l’optimisme des gérants : ils misent tout sur les pays émergents parce que la reprise reste lente et laborieuse en Europe et totalement dépendante des injections d’argent public aux Etats-Unis. Ils oublient au passage que les principaux clients de la Chine ou de l’Inde, ce sont précisément les pays occidentaux qui ne cessent de réduire leur consommation.

Les ménages américains, par exemple se sont désendettés à un rythme de -2,5% (en glissement annuel) au troisième trimestre 2009, selon la Fed. C’est un rythme jamais observé depuis 1951… et ceci est confirmé par la chute des encours de cartes de crédit en novembre.

La richesse nette des ménages américains (c’est-à-dire la différence entre leur patrimoine et leurs dettes) a progressé symétriquement de 5% en rythme annuel (à 53 425 milliards de dollars en juin)… Cependant, ce chiffre recouvre de fortes disparités : les détenteurs de portefeuilles boursiers (il s’agit dans 80% des cas des Américains déjà les plus riches) sont de loin les plus favorisés.

La majorité des gérants considèrent que les indices boursiers sont surévalués de 20% à 25%. Nous faisons référence à tous ceux qui n’abordent pas la Bourse par le biais du day trading et qui ne vont pas chercher des liquidités tous les matins aux guichets de la Fed pour spéculer sur les actions par le biais de logiciels quantiques opérant à la milliseconde.

▪ Une étude publiée en fin de semaine dernière démontre même que les PER implicites (ceux anticipés pour 2010, en imaginant que tout se passe pour le mieux) sont les plus élevés observés depuis 13 ans, c’est-à-dire depuis fin 1996.

Souvenons-nous qu’à l’époque, la croissance dépassait sa moyenne historique ; les Etats-Unis étaient le premier créancier de la planète et dégageaient des excédents budgétaires ; il n’y avait pas de cadavres dans les placards (le FMI estime que 50% des pertes sur les dérivés de crédit n’ont pas encore été révélées).

Mais sur la base des chiffres bruts (et avec la finesse d’analyse d’un pétoncle), de nombreux stratèges affirment que les actions ne sont pas chères puisqu’elles valent 30% de moins qu’en octobre 2007 (au sommet de la bulle) — et que la prime de risque est optimale par rapport aux placements monétaires. Normal… puisque les taux d’intérêt sont à zéro et ne peuvent que se maintenir à ce niveau très, très longtemps !

Ils affirment donc sans sourciller que dans de telles conditions, les cours ne peuvent pas baisser… et effectivement, ils ne baissent pas à Wall Street, même avec un dollar à 1,46/euro !

▪ La Bourse de Paris a pour sa part terminé la semaine sur une consolidation globale de -1,1% tandis que l’Euro-Stoxx 50 ou l’Eurotop 100 cédaient 1,5% en moyenne. Le CAC 40 (+0,4% à 3 803 points) a nettement fléchi vendredi en fin d’après-midi, reperdant 0,8% sur ses meilleurs niveaux du jour. Les volumes d’échanges ont été particulièrement médiocres à la veille du week-end avec seulement trois milliards d’euros négociés (soit une moyenne quotidienne inférieure à 2,9 milliards).

C’est assez déroutant car nous assistons bel et bien à un véritable renversement de situation moyen terme sur le marché des changes.

La tendance haussière du billet vert s’est radicalisée suite à la publication de la bonne tenue des ventes de détail (+1,3% en novembre aux Etats-Unis, +1,2% hors automobile). Il y a également eu l’indice de confiance de l’université du Michigan, qui grimpe de six points début décembre, passant de 67,4 à 73,4.

Les prix à l’importation progressaient de 1,7% en novembre. C’était prévisible avec un pétrole flirtant avec les 80 $ durant la moitié du mois… mais la situation risque de s’inverser en décembre avec un baril qui menaçait d’enfoncer le palier des 70 $ vendredi soir sur le NYMEX.

Là encore, vous pourriez être surpris de voir les Bourses grimper malgré une rechute de l’euro ainsi que du cours des matières premières — des indices qui constituent un premier symptôme de reconnexion au réel… Mais justement, certains commentateurs commencent à nous expliquer que le FOREX et le NYMEX, c’est trop « virtuel » et que les spéculateurs se rabattent sur des actifs plus « tangibles », c’est-à-dire les portefeuilles boursiers.

Cela revient à délaisser les Mojito ou le Cuba Libre pour le rhum pur, en espérant ainsi ne pas terminer la soirée en cellule de dégrisement, saoul comme un cochon !

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