La Chronique Agora

Les morts vivants du secteur bancaire

** Non seulement l’économie se remet… mais elle est encore plus en forme qu’avant !

* "Les banques reviennent à leurs niveaux d’avant la chute de Lehman", titrait le journal espagnol El Pais lundi.

* "Les aides publiques permettent aux 15 plus grandes sociétés financières de la planète de revenir à la capitalisation qu’elles avaient en septembre 2008", continue l’article. La plus grande des plus grandes, HSBC, est désormais estimée à 186 milliards de dollars, selon les marchés boursiers. La Chinoise ICBC est sur ses talons, avec une capitalisation boursière de 178 milliards de dollars. BNP Paribas est septième avec 87 milliards de dollars.

* Nous passerons sur un petit détail gênant : le fait que les banques ont perdu de l’argent ce dernier trimestre, à hauteur de plus de trois milliards de dollars. Et oublions aussi que les grandes banques chinoises couvent encore les méga-pertes subies il y a plus de huit ans (sans parler des plus récentes). Les banques occidentales ont elles aussi des milliards de dollars d’actifs dont la valeur réelle reste à déterminer… et sujette à des changements rapides.

* El Pais continue avec une information intrigante : "les deux principales banques espagnoles sortent renforcées de la crise".

* Ah. Ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts. L’économie mondiale se remet — c’est du moins ce que pensent les gens. Les actions grimpent — menées par les banques. Mais les morts vivants du monde bancaire sont-ils vraiment plus forts ?

* Ha ha… ne nous faites pas rire.

** C’est pourtant ce que semble croire le monde. Le Wall Street Journal rapporte que seuls cinq grands titres sont derrière le rally boursier. Fannie Mae, Citigroup, Freddie Mac, Bank of America et AIG représentent près d’un tiers des mouvements quotidiens du marché. On dirait que tout le monde spécule sur les banques… et les fait grimper.

* Vous vous rappellerez, cher lecteur, que les banques ont gagné une fortune durant les années de bulle. Vous vous souviendrez également qu’elles ont gagné tant d’argent, en fait, que lorsque les années de bulle ont pris fin, elles étaient quasiment toutes ruinées. Sans l’action rapide des autorités, ça aurait été la fin du voyage pour toutes les grandes banques de Wall Street — et d’ailleurs. En fait, même avec l’aide gouvernementale, aucune d’entre elle n’a survécu intacte. Elles ont toutes soit fait faillite, soit été vendues, ou ont profité de renflouages avec conditions.

* Ce qui a ruiné les banques, c’était un excès de mauvaises choses. Elles ont gagné leur argent en brassant de la dette. Pour y parvenir, elles ont convaincu les clients que leurs produits étaient de bons investissements sûrs — même des dérivés avec effet de levier s’appuyant sur des prêts hypothécaires subprime ! Elles étaient si bonnes vendeuses qu’elles se sont même convaincues elles-mêmes. Lorsque la crise est arrivée, elles ont réalisé qu’elles étaient acheteuses de dettes aussi bien que vendeuses. Que pouvaient-elles en faire… sinon les revendre aux autorités ?

** Mais le secteur financier revient à la vie. Selon El Pais, il est de retour… plus en forme que jamais.

* Mais attendez… comment est-ce possible ? Le monde n’est-il pas entré dans sa pire récession depuis la Grande Dépression ? Comment prêter de l’argent peut-il être aussi profitable ? Les gens n’empruntent pas, pendant une récession.

* Du côté des ménages américains, les emprunts ont chuté à pic. Au lieu d’emprunter, les gens remboursent leurs dettes plus rapidement qu’à tout autre moment ces 50 dernières années. Pas d’argent à gagner par là.

* Et les prêts aux entreprises ? Vous voulez rire… elles aussi réduisent leurs dépenses. Normalement, les entreprises empruntent pour se développer… et aucune expansion n’est en cours : on est dans une contraction. Le crédit se contracte avec tout le reste.

* Mais alors comment les banques peuvent-elles gagner de l’argent ? Revoyons cet article… Ah, voilà les mots magiques : "les aides publiques permettent…"

* Les banques gagnent de l’argent exactement de la même manière que le secteur automobile : par des moyens malhonnêtes et temporaires. Au lieu de passer des accords clairs avec des contreparties capables de payer, les banques font un coup en douce. Leur argent provient, en fin de compte, du malheureux contribuable… le pigeon qui finance toutes les distributions du gouvernement. Le secteur privé a vécu bien au-dessus de ses moyens durant les années de bulle. Les gens ont gâché de l’argent qu’ils n’avaient pas en choses dont ils n’avaient pas besoin. A présent, ils essaient d’épargner cet argent — sauf que le gouvernement le gâche pour eux.

* Lorsque les gens gâchent leur propre argent, c’est une comédie. Lorsqu’ils gâchent celui des autres, c’est un crime. La propriété vient de l’accumulation (épargne) de capital… et de son utilisation pour augmenter la capacité de production. La formule est assez simple : épargnez votre argent. Investissez dans des activités profitables. Les programmes comme ceux dont a bénéficié le secteur automobile ont encouragé les gens à faire l’inverse — consommer du capital… du capital qui appartenait à d’autres.

* Inutile d’en dire plus.

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