▪ Le CAC 40 a reperdu très exactement 1% sur ses plus hauts du jour après avoir bénéficié d’une envolée technique de 2,3% jusque vers 4 057 points. Cela laisse beaucoup d’analystes incrédules tant le repli de 1,55% de la bourse de Tokyo ou les -1,75% de Séoul auguraient difficilement de gains dépassant les 0,5% ou 0,6% anticipés à Paris en préouverture.
Un algorithme haussier a été remis en route, avec l’appui d’un montant adéquat de liquidités pour stabiliser la progression au sein d’un étroit canal ascendant. Les résistances court et moyen terme ont été re-franchies les unes après les autres, déclenchant autant de « stops achat » supplémentaires.
Il s’en est suivi le scénario de spirale haussière classique qui se déroule lorsque des vendeurs à découvert sont confrontés à une envolée des cours d’une ampleur apparaissant a priori des plus improbables (et sans grand rapport avec l’actualité du jour).
Le CAC 40 a ainsi retracé à 0,5% près ses records des 11 janvier et 15 avril dernier. Les oscillateurs égalaient eux aussi des niveaux de surachat comparables aux précédents sommets de 2010.
Difficile d’interpréter le gonflement des volumes (plus de 5,6 milliards d’euros traités ce vendredi) car la rotation sectorielle — en faveur des bancaires et au détriment du luxe et des valeurs automobiles — génère beaucoup d’échanges. Il s’agit bien cette fois de vendre A pour acheter B au lieu de faire tourner A en trading haute fréquence (HFTP) durant des semaines. Après une semaine redevenue créditrice l’espace d’une demi-journée, une rechute sous les 3 900 points serait interprétée de façon négative.
Il suffirait que le CAC 40 s’aligne sur Wall Street qui cherchait encore sa voie à la mi-séance vendredi soir. Le Dow Jones (+0,4% à 11 870 points) bénéficiait bien des 6% engrangés par General Electric ; le Nasdaq, en revanche, cédait 0,28% à 2 697 points. Il s’acheminait vers une troisième séance de consolidation et une perte hebdomadaire de 1,2%, interrompant une série de sept semaines de hausse consécutive.
▪ Le climat boursier n’était guère plus favorable en Europe au cours des 48 heures précédant la fameuse séance technique des « Trois sorcières ». D’hésitante à légèrement baissière (sur l’Eurotop 100 ou le DAX, qui cèdent 0,3%), la semaine écoulée est soudain devenue haussière en l’espace d’une matinée avec des bourses saisies d’une véritable bouffée d’euphorie.
Il faut toujours avancer une explication qui dissipe l’incrédulité de certains observateurs : comment une tendance peut-elle basculer aussi radicalement en l’espace de 24 heures ? Dans le cas présent, la raison la plus souvent invoquée était le bon indice de confiance IFO publié en Allemagne vendredi matin. Il grimpait vers 110,3 ; c’est le huitième mois de hausse consécutif… Comme si la bonne santé de l’économie allemande éclatait soudain au grand jour après une envolée de 17% de la bourse de Francfort en 2010 !
Mais paradoxalement, le DAX (+0,55%) affichait précisément l’écart à la hausse le plus modeste vendredi tandis que Madrid s’envolait de 1,8% et Milan de 1,4%.
▪ L’information décisive viendrait en fait d’Espagne où, selon des rumeurs de presse, le gouvernement aurait tranché en faveur d’une nationalisation partielle et temporaire des caisses d’épargne régionales. Après la vague de fusion de 2009 et 2010, leur nombre total est passé de 45 à 17, mais leur santé financière demeure chancelante.
Environ 10 à 11 milliards d’argent public y serait injectés avant une ouverture du capital aux investisseurs privés. Cela suppose que l’Etat valide un changement de statut — l’évolution du dossier deviendrait alors plus politique qu’économique.
Une telle issue garantirait les banques privées espagnoles du péril que représentent d’éventuels défauts de paiement de ces caisses qui portent l’essentiel du risque et des sinistres engendrés par l’éclatement de la bulle immobilière… Mais une nouvelle fois, c’est le contribuable qui est appelé — même provisoirement — à garantir (sans limite ?) les dettes de ces établissements.
Les marchés semblent considérer que les problèmes de dette vont se régler à coup de nouvelles dettes. Mais d’où va sortir l’argent providentiel permettant de recapitaliser et nettoyer le bilan des caisses régionales ? En tout cas, les investisseurs se réjouissent par avance et sans réserve pourvu que le secteur privé apparaisse délivré pour quelques temps du risque systémique.
▪ Les banques françaises sont très exposées en Espagne, d’où le spectaculaire soulagement qui se lisait dans l’envolée des cours. Elles réalisaient un véritable carton plein la semaine passée avec des scores fleuve sur Dexia (+11,2%), Crédit Agricole (+8,5% et +18% depuis le 1er janvier), CNP Assurance (+7,8%), Société Générale (+6,4%) et BNP Paribas (+4,8%).
A des rachats massifs de ces titres s’ajoutaient des stratégies de très court terme visant à faire clôturer les indices au plus haut. La journée des « Trois sorcières » a favorisé des stratégies visant à une maximisation des gains sur l’échéance janvier — c’était le meilleur millésime depuis janvier 1999… une toute autre époque !
Dans un tel climat, les mauvais résultats de Bank of America (-1,6% seulement malgré de lourdes pertes) sont ignorés et ceux de General Electric (+5,5%) plébiscités. Rappelons que son PDG Jeffrey Immelt affirme que l’embellie du quatrième trimestre constitue le précurseur de l’année 2011.
C’est exactement ce que Wall Street avait envie d’entendre… Et c’est précisément le genre de climat psychologique qu’espéraient ceux qui n’attendent qu’une occasion de revendre leurs positions gonflées à l’hélium aux non initiés.