▪ Une forte baisse des indices boursiers, même dans le vide, à la veille d’un week-end, cela fait plutôt mauvaise impression. Une chute de 6% des places européennes par rapport aux meilleurs niveaux testés en début de séance lundi, c’est a priori franchement alarmant.
Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que les marchés se sont littéralement emballés à la hausse lorsque la Chine a fait savoir qu’elle rétablissait un système de change flottant, ce qui devrait se traduire par une réappréciation du yuan.
Mais comme nous l’avons souligné à maintes reprises, qu’est-ce qu’un repli potentiel de 3% du dollar face au yuan au cours des six prochains mois (Pékin ne permettra pas que sa monnaie monte au-delà, le précédent de 2008 est riche d’enseignements) va réellement apporter de positif sur le Vieux Continent ? N’oubliez pas que nous avons vu l’euro chuter de 3% en 24 heures le 4 juin puis de 2% par trois fois en une demi-journée les 6, 18 et 24 mai dernier…
La journée de vendredi a probablement fait ressurgir de belles opportunités d’achat. Nous étions encore hésitant jeudi, nous avons repris position sur une courte sélection de valeurs que nous jugions survendues en milieu d’après-midi vendredi.
Nous n’avons manifestement pas été suivis par le marché mais nous ne sommes pas trop inquiet : les investisseurs ont probablement limité leurs initiatives à la veille du G20 de Toronto.
Les partisans du soutien à la croissance — côté Amérique — et les partisans de la rigueur — côté Europe, sous la pression des marchés — vont avoir du mal à parvenir à un consensus. Ils tenteront d’afficher une unité de façade dans un contexte de visibilité économique très réduite. Restent tout de mêle beaucoup d’interrogations concernant la croissance en 2010 (le risque de récession et de déflation est bien réel à l’horizon 2011), quelles que soient les stratégies adoptées par les uns ou les autres.
▪ Ces considérations ne peuvent expliquer à elles seules pourquoi les marchés ont basculé depuis le lundi 21 juin d’un optimisme débridé (neuf séances de hausse consécutives et 400 points gagnés, soit +12%) vers une morosité sans la moindre velléité de rebond et quatre séances de repli d’affilée.
Le CAC 40 a reperdu 250 points d’une seule traite (-6,5%), dont -1% vendredi. Cela porte le repli hebdomadaire à 4,6% et ramène la performance annuelle à -10,5%, à trois jours seulement de la fin du premier semestre 2010.
L’enfoncement des 3 540 points en clôture (3 519 points au fixing) est jugé préoccupant par les chartistes. Cependant, les volumes d’échanges sont demeurés très faibles ce vendredi : moins de 3,4 milliards d’euros négociés. Cela trahirait plutôt une démission des acheteurs.
Peut-être se seraient-ils remobilisés si les places européennes avaient fermé une heure plus tard… En effet, Wall Street avait retrouvé son équilibre dès la mi-séance. Il s’est ensuite inscrit plus franchement dans le vert à l’heure du café avec un Nasdaq et un S&P en hausse de 0,75%, alors que les places européennes avaient symétriquement abandonné 0,7% en moyenne.
L’euro s’était maintenu toute la journée au contact des 1,23 $. A aucun moment son évolution n’a traduit de phénomène très prononcé d’aversion au risque très prononcé, contrairement aux précédentes phases de repli indiciel de la mi-avril à la mi-juin. Peu après la clôture des marchés sur le Vieux Continent, il a repris son ascension, flirtant avec les 1,2335 $ dès 18h30.
▪ Ce vendredi 25 juin restera surtout marqué par l’ultime révision de la croissance du PIB américain au premier trimestre 2010. Le département du Commerce US a refait ses calculs ; il ne constate plus qu’une hausse de 2,7% en rythme annualisé, soit un rythme inférieur à sa précédente estimation, qui était de 3% (le chiffre auquel s’attendait le consensus).
Cette statistique confirme le diagnostic moins optimiste présenté par la Fed mercredi soir. Le département du Commerce nous fournit également une explication : cette décélération de la croissance serait due au ralentissement de l’investissement dans le secteur privé. A quoi il faut ajouter une faiblesse des exportations (vigueur du dollar oblige), mais également à la baisse des dépenses du gouvernement — ce qui est paradoxal puisque le plan de relance de 750 milliards de dollars n’a été jusqu’ici exploité qu’à 40%.
▪ Les indices boursiers ont pâti cette semaine du recul du compartiment bancaire. Les tensions sur les taux longs grecs et espagnols sont un réel souci, récurrent depuis deux mois. Parallèlement, il semblerait que les investisseurs sanctionnent les projets de taxation des banques en Europe ainsi que ceux de réduction de leur marge de manoeuvres spéculatives aux Etats-Unis.
Le Congres américain a effectivement approuvé un texte qui renforce la séparation des activités de banque de réseau et de banque d’investissement… mais les lobbys bancaires ont fait voter des dizaines d’amendements qui sont autant d’exceptions à la règle et vident la nouvelle loi de sa substance.
Plus le temps passe, moins les règles changent… Il y a de plus en plus de monde dans la rue en Europe pour protester contre l’austérité. La richesse a été confisquée par une micro-élite des salariés de la finance, tandis que les autres voient leur pouvoir d’achat fondre inexorablement depuis une vingtaine d’années : il suffit de comparer quel type de logement pouvait s’offrir un couple gagnant entre 50 000 et 60 000 euros en 1998 (avec 20 000 euros d’apport personnel) et combien de mètres carrés il pourra disposer en 2010 avec le même budget.
C’est simple, en une douzaine d’année, la même famille a perdu la chambre des enfants, ou 15% de la surface habitable pour les couples qui ont déjà vu partir les leurs. Depuis 1990, c’est encore plus spectaculaire : deux chambres ont disparu, plus la salle de bain et le dressing (40% de la surface habitable).
Les meilleurs traders sont en revanche passés de 60 mètres carré au rez-de-chaussée en proche banlieue au duplex de 300 mètres carré en plein XVIe avec vue sur la Tour Eiffel.