La Chronique Agora

Les marchés boursiers ne sont pas les plus importants

** Les marchés boursiers ne sont pas les plus importants en ce moment. Difficile à croire avec tout ce qui se passe, je sais. Mais la vraie question concerne les marchés du crédit, qui sont en très mauvais état. Ils sont essentiels au système bancaire, lequel est essentiel pour quiconque a de l’argent en banque. Voilà comment la crise du crédit affecte l’économie réelle.

– Rappelez-vous que le but du plan Paulson était de soulager la pression pesant sur les banques. Cette pression est désormais de retour — elle menace de se propager aux banques commerciales, et nous nous demandons comment elle affectera les gens qui ont de l’argent en banque… et n’accordent que peu de confiance au système financier pour l’instant.

– Soyons clair sur ce que nous pensons des événements des derniers jours : la Fed et le Trésor américain s’inquiètent de la viabilité du système bancaire.

– Le problème est aussi simple qu’inextricable. Les banques ont des tonnes d’actifs sur leurs bilans qu’elles ne peuvent ni vendre ni évaluer. C’est déjà une mauvaise nouvelle. Les pertes sur ces actifs menacent de laminer les capitaux propres.

– Mais s’il s’agissait uniquement de laisser quelques institutions couler, on aurait une crise "banale". Pas une crise épique. Après tout, trois banques d’investissement américaines sur cinq ont fait faillite, ou ont été forcées de se réorganiser.

– Les autorités auraient pu s’inquiéter des banques d’investissement en termes de risques de contrepartie sur le marché des credit default swaps. Mais Paulson et Bernanke ont laissé Lehman rendre l’âme, ont arrangé un mariage entre Bank of America et Merrill Lynch, et ont jeté à Goldman Sachs et Morgan Stanley une bouée de secours en leur permettant de devenir des banques commerciales.

– A présent, elles doivent craindre de voir la crise du crédit menacer le secteur bancaire commercial. Mais comment ? Les banques financent leurs opérations soit grâce aux dépôts, soit en se prêtant mutuellement des fonds. Ces prêts sont parfois d’un jour sur l’autre, parfois plus longs. Mais le marché des prêts interbancaires ne fonctionne que si les banques sont persuadées que les "collatéraux" des autres sont bons, et acceptent de se prêter de l’argent entre elles.

– Une bonne partie du nantissement du secteur financier, cependant, est composé précisément de choses dont la valeur chute — c’est-à-dire des titres adossés à l’immobilier résidentiel américain. Les banques ont besoin les unes des autres pour répondre à leurs obligations de financement. Mais avec l’effondrement de la valeur de leur principal nantissement, plus personne ne veut prêter. Elles doutent toutes les unes des autres.

** Le but du plan Paulson était de retirer les mauvais nantissements du système, comme un cancer, et de les remplacer par des bons du Trésor américain. Maintenant que ce plan est à la poubelle, le marché anticipe de nouveaux problèmes… et réagit. Cette réaction consiste à ôter une autre grande source de financements bancaires : le marché monétaire. Cela se produit parce que les investisseurs commencent à se demander quelles banques commerciales pourraient couler si la crise du crédit ne ralentit pas.

– Cette fuite hors des marchés monétaires met les banques encore plus sous pression. Voilà pourquoi le Trésor américain a pris des mesures de soutien des fonds monétaires la semaine dernière. Dans les faits, il demandait aux investisseurs de ne pas retirer d’argent des marchés monétaires, en donnant à cet argent une garantie fédérale.

– Nous ne sommes pas certain que cette garantie tranquillise qui que ce soit dans la situation actuelle. Nous nous attendons à voir de nouvelles fuites de capitaux hors des marchés, mettant les banques en plus mauvaise position encore.

** Il y a une certaine symétrie entre le comportement du secteur financier et celui de M. Tout-le-Monde. Au niveau des ménages, certains vendeurs refusent de baisser les prix de leurs maisons parce qu’ils ne veulent pas subir de pertes. Ils pensent que le marché va se remettre. Mais pendant ce temps, les banques vendent les maisons saisies aussi vite qu’elles le peuvent. Les prix continuent à chuter (affectant tous ces actifs bancaires/nantissements).

– Parallèlement, les institutions financières pourraient probablement se débarrasser d’une bonne partie de leur dette adossée à l’immobilier en s’adressant à des sociétés de private equity ou à des hedge funds — mais seulement si elles étaient prêtes à encaisser de lourdes pertes… lesquelles lamineraient les capitaux propres.

– Les banques veulent un accord qui leur permette de rester en activité. Elles veulent l’accord Paulson. Ce n’est pas le cas des contribuables — ils l’ont dit toute la semaine. Où est-ce que cela nous met ?

– Exactement là où nous devrions être : nous assistons au désendettement continu du système financier mondial. Cela signifie plus de pertes, plus de faillites, et, tôt ou tard, la chute de quelques banques à mesure que les déposants commencent à réaliser que le gel des marchés de crédit provoquera la mort de certaines banques ayant trop de positions à effet de levier, et incapable de financer leurs opérations ou éponger leurs dettes.

– Nous pourrions aussi obtenir Paulson II, bien entendu. Le Congrès concoctera une nouvelle version du plan, comportant quelques mesures de protection du contribuable. Mais rien de tout cela ne résout le problème au coeur du système financier : une quantité gigantesque d’argent emprunté a été investie dans des actifs dont la valeur chute. Inévitablement, une déflation du crédit s’ensuit. Il n’y a aucun moyen d’améliorer la qualité des actifs.

– La Fed n’attend pas de voir ce que le Congrès fera. Elle est sur le point d’étendre son action de manière spectaculaire. Elle prendra de nouveaux risques et créera du nouvel argent si elle le doit. Voilà pourquoi la seule exception à la baisse des matières premières est l’or.
[NDLR. : Et voilà pourquoi nous vous recommandons de ne pas attendre pour vous positionner sur le métal jaune…]

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