Par Isabelle Mouilleseaux (*)
Habituellement, c’est dans les périodes de crise et de chaos que les fortunes se font et se défont. Regardez Onassis : il a acheté ses premiers bateaux à prix cassé pendant la Grande Dépression. Pour une bouchée de pain, et grâce à son esprit d’entreprise, de challenge, d’opportunisme, et d’audace, il a posé ainsi la toute première pierre de l’édifice qu’il construira par la suite : son immense fortune basée sur le fret.
Prenez la période de libéralisation chaotique qui a soufflé sur la Russie dans les années 90. C’est à ce moment-là précisément que les oligarques russes ont pu "s’emparer" pour des clopinettes de conglomérats industriels vieillissants et nationalisés jusque-là. En un temps éclair, des fortunes colossales se sont construites. Une poignée de milliardaires ont construit leur fortune sur les dénationalisations et ont ainsi pris le contrôle de l’économie du pays.
Rien ne va plus au pays des soviets
Aujourd’hui à nouveau, la Russie vit une période de chaos extrême. A tous les niveaux.
L’affaire géorgienne a mis le feu aux poudres. Les capitaux ont alors commencé à fuir le pays à vitesse grand V et le rouble a décroché violemment (quelque 25% contre le dollar depuis l’été). Ce qui a fait fondre les conséquentes réserves de change (-25%) tant il a été injecté d’argent pour soutenir le rouble.
L’effondrement du baril de pétrole et du cours du gaz a fait le reste. N’oublions pas que ce sont les exportations de pétrole et de gaz qui financent le budget russe. Elles représentent un tiers du PIB et 70% des exportations totales du pays.
Enfin, la Bourse a été lynchée, 75% de sa valorisation est partie en fumée depuis le printemps dernier… Rien ne va plus au pays des soviets !
25 grandes fortunes perdent 230 milliards de dollars
Qui dit effondrement des Bourses dit destruction des patrimoines. Les grands groupes industriels, énergétiques et miniers russes sont au plus mal. Bloomberg évalue les pertes des 25 plus grandes fortunes de Russie à 230 milliards de dollars, rien que sur octobre ! Pschit !
La valorisation de Gazprom est passée de 365 milliards de dollars (juste derrière Exxon Mobil et le Chinois PetroChina) à 115 milliards aujourd’hui. Alexeï Miller, son dirigeant, qui avait annoncé haut et fort vouloir atteindre les 1 000 milliards de dollars de capitalisation, devra patienter encore un peu… Oleg Deripaska (du géant de l’aluminium Rusal) a perdu 19 milliards à lui seul, Vladimir Lisin (du groupe métallurgique NLMK) 22 milliards de dollars, et même chose pour Roman Abramovich et son groupe d’acier…
A court d’argent liquide !
Le principal souci de tous ces gros groupes est celui du financement. Ils ont massivement investi ces dernières années en empruntant de l’argent à court terme, garanti par les actions de leur groupe. Aujourd’hui, les banques occidentales réclament le remboursement des sommes dues, sous peine de prises de participation…
Forcément, Poutine entre en jeu. Pas question de brader les fleurons russes aux banques occidentales. Il vient de poser 50 milliards de dollars sur la table pour prévenir les catastrophes financières des complexes militaires et industriels, ainsi que pour refinancer en urgence les oligarques pris à la gorge.
363 milliards de dollars vont manquer d’ici mi-2009. Rien que ça…
C’est notamment le cas d’Oleg Deripaska dont le groupe Rusal devait rembourser 4,5 milliards à 11 banques qui lui avaient permis de racheter le géant russe Nickel Norilsk (nickel et platine). Sans quoi 25% du capital de Norilsk passait entre les mains des banques occidentales…
Au total, les industriels russes évaluent la dette à court terme à refinancer à 363 milliards de dollars d’ici mi-2009. Rien que ça…
Pas de doute, le grand gagnant est ici le Kremlin qui accroît sa sphère d’influence à coups de milliards de dollars.
Et ne croyez pas que ce soit un privilège russe
Beaucoup de nos entreprises occidentales ont ces dernières années financé d’immenses investissements avec de la dette à court terme. Or celle-ci arrivera à échéance d’ici quelques mois. Attention danger !
C’est là que les défauts de paiement risqueront d’éclater au grand jour ! Car, en ce moment, se refinancer avec des prêts bancaires relève de l’exploit. Quant à trouver des capitaux sur les marchés financiers… à moins d’une signature en béton armé et à condition de payer une prime de risque démesurée, la porte est carrément étroite.
Voilà qui va faire bouger les lignes
Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, attendez-vous à voir les lignes bouger. Et devinez qui remportera la mise ? Celui qui a des liquidités devant lui et qui fera montre d’audace… Celui qui saura mettre l’argent sur la table au bon moment pour saisir l’opportunité.
Les Chinois ? Les grands groupes assis sur des montagnes de cash… ? Les gouvernements en sauveurs héroïques munis de leur planche à billets ? Tout est possible.
Cash is king !
Meilleures salutations,
Isabelle Mouilleseaux
Pour la Chronique Agora
(*) Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises (Publications Agora), une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché des matières premières.
L’Edito Matières Premières & Devises est bien plus qu’une chronique quotidienne. C’est un pôle d’activités centré sur les matières premières qui vous donne les moyens de suivre et de maîtriser ces marchés ! Vous pouvez recevoir gratuitement l’Edito Matières Premières & Devises en cliquant ici.