La Chronique Agora

Les Etats-Unis peuvent se mettre à la belote…

** Nous avions écrit dès la fin novembre 2008, puis de nouveau mi-janvier, mi-février et mi-mars 2009, que l’un des signes précurseurs d’une reprise boursière serait l’émergence d’une rotation sectorielle au détriment des bons du Trésor — au profit des actions naturellement. Force est de constater que nous nous trompions ! Les choses n’ont pas tout à fait fonctionné come nous l’anticipions.

Cela fait maintenant deux mois que les indices grimpent sans désemparer aussi bien en Asie qu’en Europe ou à Wall Street. Le rendement des T-Bonds est resté quant à lui invariablement scotché sous la barre des 3% — et les Bunds sous les 3,15%. Tout se passait comme si les investisseurs se préparaient à l’évaporation du mirage haussier avec la reprise en compte des dures réalités, et notamment le constat que le système bancaire est toujours malade aux Etats-Unis.

La FDIC, l’agence fédérale américaine de garantie des dépôts bancaires, vient en effet de révéler vendredi dernier trois nouvelles faillites de banques. En fait partie la plus grosse de l’année aux Etats-Unis, celle de la Silverton Bank (basée en Géorgie), ce qui va lui coûter la bagatelle de 1,3 milliard de dollars.

Ce dernier trio porte à 32 le total des banques ayant fait faillite depuis le 1er janvier, contre 25 sur l’ensemble de l’année 2008 et seulement trois en 2007, dont la célèbre banque californienne New Century Financial. Nous prévoyons que l’addition dépassera le cap symbolique des 100 avant la fin de l’année 2009.

Croyez-vous que cela ait affecté Wall Street à la veille du week-end et provoqué l’ébauche d’une vague de ventes de précaution ?

Que nenni ! Ce sont même les marchés obligataires qui ont accentué ce repli que nous anticipions en vain depuis plus de cinq mois. La base du canal de consolidation a été franchement rompue et les rendements se sont inscrits dans une fourchette 3,10%-3,15% sur le 10 ans alors que la Fed confirmait dès mercredi entrevoir une décélération du rythme de la récession — avec un passage de -6,5% à -6,1%… c’est flagrant !

** Le mois de mai a donc débuté vendredi sur une note positive outre-Atlantique, avec un Dow Jones renouant avec les 8 200 points et un débordement du seuil crucial des 875 points par le S&P 500. Ce dernier s’est même envolé de 12% durant le mois d’avril.

Le CAC 40 a bondi de 12% dans l’intervalle alors que le phénomène d’aversion au risque semble s’estomper. L’appétit pour les actions semble inextinguible, notamment pour celles du secteur automobile. Certaines d’entre elles ont affiché des performances époustouflantes avec une hausse de 46% sur Renault, de 42,8% sur Valéo, de 40% sur Michelin et de 24% sur Peugeot.

Les financières figuraient également en bonne place avec AXA (+41%), Crédit Agricole (+35%), Société Générale (+32,5%) ou BNP Paribas (+30%).

Parmi les rares valeurs délaissées ne figurait qu’EDF Energies Nouvelles (-4,8%), Casino (-3%) ou encore Danone et France Telecom (-1,5%).

En conclusion, ce mois d’avril s’avère être le troisième plus positif de l’histoire du marché parisien, derrière les 12,8% d’avril 2003 et les 13,4% d’octobre 2002.

** La séance du 30 avril a été marquée par un véritable vent d’euphorie et une hausse technique de 1,4% soutenue par de beaux volumes : plus de quatre milliards d’euros échangés.

Le CAC 40, qui flirtait encore avec les 3 190 points vers 17h15 — après un pic inscrit à 3 194 points à 16h30 — a néanmoins rechuté de 1% au cours du dernier quart d’heure. Le gain hebdomadaire se trouvait ainsi réduit à 1,85% mais la Bourse de Paris pulvérise un authentique record historique, celui du nombre de semaines de hausse consécutive. Le précédent record de six semaines — qui remontait à 2005 — est allègrement pulvérisé. Et sur le seul mois d’avril, le CAC 40 enregistre un gain spectaculaire de 12,5%.

Sur les autres places européennes, les indices DAX et FTSE gagnaient respectivement 1,4% et 1,3%, l’Euro Stoxx affichait une hausse de 1,75% et l’Eurotop 100 de 1,55%.

** Les derniers chiffres américains sont contrastés. Les commandes à l’industrie ont reculé de 0,9%, les dépenses et revenus des ménages ont diminué respectivement de 0,2% et 0,3% au mois de mars, niveau un peu décevant après les bons chiffres de la consommation (+2,2%) publiés la veille et qui avaient dopé Wall Street.

Le nombre de logements saisis pourrait également avoir atteint avec un total de 290 000 contre 243 000 en février.

Elément plus positif, le chômage hebdomadaire a reculé de 14 000 ; l’indicateur d’activité PMI de Chicago a grimpé à 40,1 en avril, l’ISM manufacturier confirme son redressement. L’indice de confiance des consommateurs remonte quant à lui à 65,1 en avril contre 57,3 en mars — le consensus tablait sur 61.

Mais de tels éléments ne sont-ils pas allègrement "pricés" après un rebond de 25% à 30% des indices boursiers depuis le 9 mars dernier ?

** La toute récente dégringolade des bons du Trésor US augure-t-elle d’un rally des actions de neuf semaines et demie — comme nous le disions dans une précédente chronique — ? Ou ne s’agirait-il pas du premier indice d’une défiance de la Chine à l’encontre de la dette américaine (Isabelle Mouilleseaux s’interroge d’ailleurs sur le même sujet, ci-dessous) ? En effet, les déficits explosent tandis que les exportations américaines se sont effondrées de 30% au premier trimestre 2009, ce qui en dit long sur la contraction réelle du PIB américain.

Si le moral des ménages américains reflète la magie du verbe de Barack Obama depuis 100 jours, la défiance des investisseurs chinois à l’encontre du dollar pourrait bien traduire un basculement du rapport de force économique pour les 100 prochaines années.

Philippe Béchade,
Paris

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