La Chronique Agora

Les dures lois de la physique

** Une pensée rôde : l’époque actuelle marque la fin d’une ère.

* Nous soupçonnons que nous arrivons au minimum à la fin de la bulle du crédit… et la fin de la bulle de spéculation sur les actifs qu’elle a engendrée. Nous arrivons probablement à la fin de l’Ere Dollar dans le système monétaire mondial. L’empire américain semble lui aussi entamer sa descente ; il gaspille ses ressources à un rythme si rapide qu’il est difficile de voir où il trouvera l’argent pour se développer.

* L’un des thèmes de la Chronique Agora, c’est ce qu’on pourrait appeler le "pic" de la civilisation occidentale. Le pouvoir et l’argent bougent, de l’Occident vers l’Orient.

* "C’est incroyable", nous dit un ami de retour de Shanghai. "Les bâtiments… les gens… on dirait une ville du futur… et tout est si incroyablement grand. J’en ai eu le souffle coupé".

* Nous le ressentons aussi… chaque fois que nous voyageons en Orient. Tant de gens… tant d’énergie.

* L’Occident n’a triomphé sur le reste du monde que récemment — durant les 18ème, 19ème et 21ème siècles. Avant cela, une personne en Inde ou en Chine avait à peu près le même niveau de vie — voire plus élevé — qu’une personne en France ou dans le reste de l’Europe. Puis l’Occident a décollé. Quelle était exactement la source du succès occidental ? Personne ne le sait. Mais une innovation a peut-être été essentielle : l’Ouest a transformé la matière en énergie… puis à nouveau en matière… à un rythme plus rapide que jamais auparavant. En Orient, seul le Japon s’est approché de cela — mais pas avant que des navires de guerre américains ne montrent au pays combien de retard il avait pris. Puis, après une période vertigineuse d’imitation et de croissance, au début du 20ème siècle, la machine militaire japonaise a pu défier les Russes — avec succès –, et les Américains — sans succès.

* L’échec du Japon durant la Seconde guerre mondiale était en majeure partie une question d’énergie. Les Etats-Unis en possédaient en abondance. Durant la bataille cruciale du golfe de Leyte, les navires japonais furent quasiment immobilisés par un manque de carburant.

** Oui, cher lecteur, notre civilisation… et notre puissance hégémonique… dépendent de l’énergie. Un collègue nous a envoyé un graphique montrant le lien entre l’énergie et le PIB. Plus on utilise d’énergie, plus le niveau de vie est élevé. Bien entendu, au sommet en termes de niveau de vie, on trouve les Etats-Unis… qui sont également les premiers en matière de consommation énergétique. Le fait de les retrouver première puissance militaire n’est peut-être pas une coïncidence.

* Nous avons montré ce graphique à notre intrépide correspondant, Byron King.

* "Hmm", a-t-il dit. "On dirait que sans énergie, il n’y a pas de PIB. La corrélation n’est pas toujours la causalité. Mais parfois… oh là là".

* Bien entendu, cela semble logique. Il faut de l’énergie pour fabriquer des choses… pour les transporter… pour cultiver… pour construire… pour cuisiner… pour voyager. Et pour s’armer d’un gourdin. Nous nous rappelons de notre brève rencontre avec la science physique que la somme totale d’énergie est constante… et que l’énergie et la matière sont interchangeables. Le pétrole, c’est un liquide noir et visqueux. Il existe en tant que matière, que nous transformons en énergie… et nous utilisons cette énergie pour transformer d’autres choses en d’autres sortes de matières — des camions et des voitures, par exemple. Puis nous mettons encore un peu d’énergie dans nos réservoirs pour faire bouger cette matière.

* Nous n’avons pas de problème avec ce programme. Et nous avons la conscience plus légère en sachant que, lorsque nous la quitterons, nous laisserons la Terre dans le même état — en termes purement énergétiques. D’une manière ou d’une autre, il doit y avoir autant d’énergie lorsque nous irons fumer les mauves par la racine que lorsque nous avons poussé notre premier braillement.

* Non, le problème n’est pas macro-philosophique. Il est pratique. Les gens veulent plus de choses. Et il faut de l’énergie — notamment sous la forme du liquide noir et visqueux dont nous parlions plus haut — pour fabriquer des choses. Ils voudront donc plus d’énergie. En d’autres termes, il faudra plus d’énergie pour augmenter leur niveau de vie.

* Le problème, c’est que la quantité de pétrole est assez limitée. On ne produit pas de nouveau pétrole aussi facilement qu’on produit de nouveaux dollars. On peut donc s’attendre à voir le prix du pétrole grimper. Même en termes réels, ce prix a toutes les chances de grimper simplement parce que de plus en plus de gens en veulent… et que le liquide facile se trouvant près de la surface dans des régions hospitalières a déjà été consommé.

* Revenons à notre graphique. Alors que les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et d’autres pays riches et développés sont au sommet — tant en termes de PIB per capita que de consommation énergétique per capita –, au bas de la pyramide, on trouve des pays n’ayant guère de choses, mais ayant beaucoup de gens. La Chine, par exemple. Il faudra beaucoup d’énergie pour propulser la Chine du bas de la pyramide vers le haut. Mais c’est exactement là qu’elle à l’intention d’aller. Et de ce que nous savons, elle y parviendra probablement… ce qui signifie que les Chinois devront utiliser beaucoup d’énergie qui serait, autrement, consommée par les habitants des pays riches. A moins d’une révolution technologique, on s’attendrait à ce que les habitants des pays riches paient bien plus cher leur baril de pétrole. Sauf que les niveaux de vie actuels dépendent d’un pétrole à 20 $ le baril… 40 $ le baril… voire 80 $ le baril. A 200 $ le baril, la civilisation devient tout à coup beaucoup plus chère… et le coût du poste de roi du monde grimpe lui aussi. Le coût de la richesse augmente, en d’autres termes. Toutes choses étant égales par ailleurs, cela signifie que les pays riches ne seront plus aussi riches qu’ils ne l’étaient. Et le prix lié au fonctionnement d’une machine militaire augmente lui aussi — sachant que l’armée américaine est le plus grand consommateur de pétrole au monde…

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