La Chronique Agora

Les dieux de la guerre financière ont changé de camp

** USA Today avait le blues vendredi. Un journaliste vient de se rendre compte que la baisse des prix des matières premières n’était pas nécessairement une bonne nouvelle.

* "Les investisseurs craignent que l’effondrement des prix du pétrole, du charbon et du platine signale une tendance bien plus sinistre : un ralentissement économique sévère à l’étranger qui pourrait freiner l’économie [aux Etats-Unis] et entraver les profits des entreprises américaines".

* Les ventes au détail sont faibles. Le chômage grimpe… en fait, les derniers chiffres montrent qu’aux Etats-Unis, le nombre de personnes cherchant du travail est à un sommet de cinq ans.

* Parallèlement, les saisies ont atteint un nouveau record.

* Evidemment, quand on vend des maisons à des gens qui ne peuvent pas se permettre de les payer, il faut s’attendre à des conséquences. Et il faut s’attendre à ce que les gens qui ont financé les prêts hypothécaires le regrettent. Dans le cas présent, les investisseurs qui ont acheté les actions des jumeaux américains du prêt — Fannie Mae et Freddie Mac — ont déjà perdu 80% de leur argent. Et vendredi, l’histoire a pris une tournure nouvelle, bien que parfaitement prévisible ; elle ne tardera sans doute pas à se conclure. Les autorités ont proposé de prendre les commandes. Nous nous tournons vers Bloomberg pour plus d’informations :

* "Le plan, qui prévoit une mise sous tutelle gouvernementale des deux sociétés, a été élaboré au cours de réunions séparées avec les PDG […]. On a annoncé aux dirigeants [de Fannie et Freddie] que selon ce plan, ils seraient remplacés — ainsi que leur conseil d’administration –, et que les actionnaires seraient quasiment ruinés, mais que les entreprises pourraient continuer à fonctionner, le gouvernement soutenant généralement leurs dettes, selon des sources au courant de ces réunions".

* "Il n’est pas possible de calculer le coût d’un sauvetage gouvernemental, mais les gigantesques pertes potentielles des entreprises pourraient coûter des dizaines de milliards de dollars aux contribuables et faire de tout sauvetage l’un des plus conséquents de toute l’histoire des Etats-Unis".

* "Ces efforts drastiques suivent le renflouage, cette année, de la banque d’investissement Bear Stearns, alors que les autorités gouvernementales continuent de lutter pour trouver le moyen d’arrêter la crise du crédit et la crise immobilière qui handicapent l’économie. Dans le cas de Bear Stearns, le gouvernement a fourni des garanties, tandis que la majeure partie des actifs ont été transférés à J-P. Morgan Chase, ne laissant aux actionnaires qu’une quantité nominale".

* "Une mise sous tutelle fonctionnerait beaucoup comme une faillite pré-conditionnée"…

** Nous faisons une petite pause pour surveiller la situation. Pendant longtemps, nous avons décrit le monde de la finance comme s’il s’agissait d’une guerre — une bataille entre les forces naturelles de la déflation (suite à une bulle)… et les forces non naturelles de l’inflation (alors que les autorités continuent à gonfler la masse d’argent et de crédit).

* Au début du printemps, l’inflation avait le dessus dans cette guerre. Les prix grimpaient pour le pétrole, les métaux, les biens, l’engrais — et à peu près tout le reste. Les matières premières augmentaient parce que les folles économies du Brésil, de la Russie, de la Chine et de l’Inde se développaient à toute vitesse. Et non seulement les prix de leurs matières premières grimpaient rapidement, mais leurs coûts de main d’œuvre interne faisaient de même. Si bien qu’au lieu d’exporter des marchandises à prix plus bas — comme cela était le cas depuis 15 ans — ils ont commencé à augmenter leurs prix aussi.

* C’est alors que les dieux de la guerre financière ont changé de camp. Les économies émergentes ont ralenti. La demande de matières premières a chuté. Le prix du pétrole est passé d’un sommet de 147 $ à environ 107 $ actuellement. L’or tourne aux alentours des 800 $.et les obligations pointent elles aussi vers une économie plus faible. Le T-Bond à 10 ans a grimpé pour atteindre un rendement de 3,66% seulement.

* Qu’y a-t-il derrière ce revirement de fortune ? Pourquoi les autorités américaines perdent-elles cette bataille ?

* Eh bien, il n’est pas vraiment clair qu’elles perdent réellement. Pour l’instant, elles battent sagement en retraite. L’économie recule. Mais les autorités pensent qu’elles peuvent encore gagner. Curieusement, les tirs et les victimes ont encouragé les investisseurs à rechercher la sécurité. Ils pensent l’avoir trouvée dans le dollar US. Les investisseurs s’attendent à une baisse des taux d’inflation ; voilà pourquoi ils sont prêts à acheter des obligations américaines dont le rendement est bien inférieur aux taux d’inflation actuels. Tant que le dollar tient bon et que les taux d’inflation sont sous contrôle, ils pensent pouvoir continuer à se retirer en bon ordre… jusqu’à ce que les consommateurs américains reprennent du poil de la bête.

* Nous ne savons pas ce qui va arriver. Mais cela ne nous empêche pas d’avancer une supposition : ça ne se passera pas comme ça.

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