La Chronique Agora

Les cycles économiques existent-ils vraiment ?

▪ Les économistes adorent vous parler de cycles. Kondratieff, Kitchin, Juglar, Schumpeter autant de noms qui reviennent dans leurs bouches et impressionnent les non-initiés.

Le cycle est un principe rassurant, presque naturel : après la pluie le beau temps ; vaches grasses, vaches maigres ; le printemps, l’été, l’automne, l’hiver… et rebelote. « Nous sommes ici et tout va mal, mais bientôt nous serons là et tout ira mieux ». En France, par exemple, la théorie des cycles justifie qu’aucune réforme n’ait été intentée depuis 2009 car nous allons bientôt connaître une « reprise cyclique ».

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La science est prédictive et l’économie se veut être une science — d’où l’importance de pouvoir se projeter dans l’avenir. Les économistes sont attachés à des schémas qui se renouvellent périodiquement, cela assied leur crédibilité.

Voici un cycle présenté à la sauce universitaire

Croire aux cycles permet aussi de justifier le bien-fondé de l’activisme des banques centrales qui prétendent les lisser. C’est le fonds de commerce des économistes keynésiens et des politiciens interventionnistes.

Voici maintenant un cycle accommodé à la sauce financière, qui présente les secteurs qui tirent le mieux leur épingle du jeu lors de chaque phase.

Pour les uns le moteur du cycle est l’innovation, pour d’autres c’est la consommation, pour d’autres encore, c’est l’investissement… Peu importe, finalement : c’est l’idée même du cycle qui est essentielle pour séduire les planificateurs, les politiciens et les investisseurs. Grâce aux deux premiers, jamais de récession sans remède et demain sera toujours plus beau qu’aujourd’hui.

En économie, contrairement à ce qui se passe en physique, en biologie ou en médecine, les expériences de laboratoire sont impossibles. C’est une chance, car les tentatives qui s’en rapprochent le plus — comme le communisme — ont connu un succès pour le moins mitigé chez les malheureux bipèdes qui y furent soumis. Pour valider une théorie, les théoriciens de l’économie ne disposent donc que du passé.

▪ Quels furent donc les cycles économiques du passé ?
Je suis récemment tombée sur une bien étrange querelle d’historiens qui m’a intriguée. Elle est consignée dans un ouvrage dont le titre est Incroyables gazettes et fabuleux métaux : les retours des trésors américains d’après les gazettes hollandaises XVIe-XVIIe siècles.*

L’histoire économique est un domaine récent. Jusqu’au début du 20ème siècle, l’histoire traditionnelle s’en tenait à une histoire politique et se bornait à indiquer que tel règne avait été prospère ou tel autre décadent. Les documents privés — tels que les archives d’entreprises ou les minutes notariales — n’intéressaient pas grand monde.

▪ Brève histoire de l’histoire économique vue par les prix
Puis économistes et historiens se parlèrent, quelques auteurs émergèrent (Earl .J. Hamilton, Nicolaas W. Posthumus, François Simiand, Lucien Febvre, Ernest Labrousse). L’évolution des prix fut assimilée à celle de l’économie et l’histoire des prix intéressa. Des sources auparavant négligées s’épluchaient petit à petit. On reconnut des corrélations, on aima bien les découper en cycles. Quelques décennies après l’inventaire des cargaisons des navires espagnols, les contenus des ventres des navires hollandais furent à leur tour auscultés. Ce travail se fit entre 1969 et 1976, donc postérieurement à l’apparition de la théorie des cycles et à l’aide de ces fameuses gazettes.

Patatras, l’examen des marchandises figurant sur les archives et des prix pratiqués en fonction de l’évolution des monnaies de l’époque ne confirme pas vraiment les cycles validés antérieurement (1930) par les historiens de l’économie ayant désormais pignon académique sur rue. A savoir : les métaux précieux d’Amérique arrivent en masse au 16ème siècle, les prix exprimés en métal précieux montent. La source se tarit au 17ème siècle, les prix baissent. Ils augmentent à nouveau au 18ème siècle, après l’indépendance des Etats-Unis. Quand la masse de métaux précieux augmente, les prix montent et inversement. Des prix en hausse indiqueraient une expansion et des prix en baisse une régression économique.

▪ Pourquoi les prix ne disent pas tout
En réalité, les marchandises et les prix hollandais et leur confrontation avec les autres pays d’Europe racontent une histoire beaucoup plus subtile. Des prix en baisse ne coïncident pas toujours avec des périodes de marasme et des prix en hausse avec des périodes d’expansion.

Or une bonne théorie devrait être universelle. Hélas, les gazettes hollandaises infirmeraient l’hypothèse de « l’inexorable conjoncture dont on sait maintenant qu’elle transcende sociétés, continents et systèmes politiques », selon l’expression des historiens H. et P. Chaunu (Séville et l’Atlantique). L’existence de cycles de cinquante ans (Kondratieff) ou de six à 10 ans (Juglar) n’est pas confirmée par le passé.

▪ C’est le bon échange qui enrichit
Que retenir de cette querelle d’historiens pour notre 21ème siècle ? La monnaie n’est qu’un instrument de l’économie. Donc ceux qui prétendent obtenir des effets de masse en manipulant la monnaie se trompent. En effet, l’économie n’est faite que par les individus qui échangent, ils constituent le marché au sens le plus large (pas seulement les marchés financiers). Certes, les monnaies fluidifient et facilitent les courants d’échange mais c’est la qualité et la quantité des produits échangés qui suscite la prospérité, non pas la monnaie.

Les trésors des cales des navires hollandais et l’industrie liée à l’échange créent la richesse. Les navigateurs hollandais n’allaient pas chercher de la monnaie sous forme d’or et d’argent mais des biens que les habitants du Vieux Continent trouvaient utiles et ou agréables. Nos banquiers centraux — en faisant tourner la planche à billets et en instaurant le crédit gratuit, prétendument pour le bien de l’économie — se trompent et nous trompent.

 

* Michel Morineau, Editions de la maison des sciences de l’homme, Cambridge University Press

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