La Chronique Agora

Les actions pour le long terme ?

▪ Notre vieil ami Ronan McMahon nous tient au courant. L’Irlande est en train de faire faillite, dit-il.

Les Irlandais ont sottement emprunté trop d’argent durant les années de boom. Les banques ont sottement prêté trop d’argent. Puis le gouvernement a sottement déclaré qu’il les renflouerait… même si les montants engagés représentaient quatre fois le PIB irlandais. La semaine dernière, les autorités ont sottement repris la plus grande banque irlandaise, Anglo Irish. Et maintenant, c’est la faillite. Les pertes sont probablement supérieures à ce qu’elles peuvent gérer.

Mais ça en valait la peine. Quel extraordinaire voyage ont fait les Irlandais ! Ils étaient les gens les plus pauvres d’Europe occidentale… ils sont ensuite devenus les plus riches… et les voilà de retour à leur rang de plus pauvres.

Si seulement ils avaient eu un peu plus de goût en matière d’architecture durant les années grasses… Ils n’auraient pas défiguré leur île avec autant d’immeubles affreux. Hélas, les Irlandais vont devoir vivre avec la souillure des années prospères pendant des générations…

Bien entendu, on pourrait dire la même chose des Etats-Unis. Ces affreuses banlieues, ces immeubles… ces centres commerciaux… ces parkings…

Sans parler de toute cette dette !

Oui, nous allons devoir vivre dans les décombres de la bulle pendant de nombreuses années.

Mais Ronan a dit une chose intéressante. Nous parlions de l’immobilier irlandais. Beaucoup de maisons sont à vendre. Les acheteurs peuvent presque demander le prix qu’ils souhaitent. Mais les plus belles propriétés sont encore aux mains des initiés. Lorsqu’ils voient une maison descendre jusqu’à un prix cassé, ils s’en emparent.

Voilà qui nous dit que le processus de destruction de la dette a encore du chemin à parcourir. Les actions sont encore attirantes. Les investisseurs pensent encore qu’on peut faire des gains en achetant bon marché et en revendant à prix élevé. En d’autres termes, ils pensent encore qu’il y a un biais haussier.

Ils n’ont pas abandonné. Ils veulent encore acheter — lorsque le prix est bon.

Mais il suffit d’attendre. Lorsque la fin arrivera… plus personne ne sera intéressé, quel que soit le prix. Certaines des plus belles propriétés ne trouveront même pas une offre. Les joueurs… les initiés… l’argent intelligent — tous seront convaincus que l’immobilier est une proposition perdante… et qu’on ne gagne jamais d’argent en achetant de l’immobilier… parce qu’il baisse toujours. Ensuite, lorsque les initiés auront abandonné — et seulement à ce moment-là — on pourra s’attendre à faire de vrais profits.

▪ C’est exactement la même chose en Bourse. Ce que les investisseurs veulent, en ce moment, ce sont de bonnes affaires. Ils pensent pouvoir gagner de l’argent en achetant à prix bas. Ensuite, lorsque la "reprise" arrivera, leurs actions grimperont. Là encore, ils pensent que le marché boursier a un "biais haussier".

Certains investisseurs bien connus — pour lesquels nous avons beaucoup d’irrespect — affirment que les prix des actions grimpent toujours "à long terme". Ces super-haussiers prédisent toujours "le Dow à 36 000" ou "le Dow à 100 000". Et ils auront probablement raison. Un jour, le Dow atteindra probablement les 100 000. Et vous pourrez en entendre parler dans votre journal à 50 $ en buvant votre café à 100 $.

La semaine dernière, Jeffrey Hirsch a prédit un Dow au-delà des 38 000 d’ici 2025 — un gain d’environ 5% par an, sans les dividendes. Peut-être a-t-il raison lui aussi.

Mais en réalité, les actions ne montent pas toujours. Au contraire, tous les titres que vous achetez finiront par atteindre le zéro. Votre seul espoir, c’est d’expirer avant eux.

Rappelez-vous que la majeure partie de leurs profits et de leur augmentation de cours est une illusion. Disons que vous "achetez le marché". Vous prenez simplement un ETF représentant l’indice. Prenons le Dow comme exemple : vous achetez une action de toutes les entreprises qu’il représente. Ces entreprises gagnent de l’argent. Leur cours grimpe.

Mais attendez. D’où proviennent leurs revenus ? D’où proviennent leurs profits ? Ne font-elles pas que se prendre de l’argent les unes aux autres… et à d’autres entreprises et consommateurs (qui sont également des employés — c’est-à-dire un coût) ? Comment peuvent-elles TOUTES grimper ? Impossible, en réalité. Elles ne peuvent que croître au même rythme que l’économie elle-même. La concurrence maintient les marges bénéficiaires dans un canal relativement étroit. Leur part de l’économie est donc limitée. Et dans la mesure où l’économie se mesure en monnaie… elles ne peuvent pas grandir plus que la monnaie elle-même.

En d’autres termes, s’il n’y avait que 100 $ dans une ville, et que les entreprises de la ville valaient la moitié de cette somme, elles ne vaudraient que 50 $. Au total. Peu importe le progrès fait par la ville, tant que la quantité de monnaie reste constante, les entreprises ne valent que 50 $ (même si cette monnaie peut valoir beaucoup beaucoup plus en termes de ce qu’elle permet d’acheter).

L’or est une monnaie stable. C’est la chose la plus proche que nous ayons d’une unité monétaire fixe. L’offre augmente, mais uniquement au même rythme que le reste de l’économie. Donc sur des milliers d’années, son "prix" — en termes de choses contre lesquelles on peut l’échanger — a été plus ou moins constant.

Si les actions prenaient vraiment de la valeur, on pourrait s’attendre à ce qu’elles augmentent par rapport à une quantité fixe de véritable devise — l’or. Mais regardez ce qui s’est produit. Au début du 20ème siècle, le Dow valait 66 points, et une once d’or valait environ 20 $. "Une pièce d’or de 20 $" était l’unité d’échange. Il fallait donc un peu plus de trois onces d’or pour acheter le Dow. Puis, au plus bas du marché baissier des actions américaines dans les années 30, à nouveau, il ne fallait que trois onces d’or pour acheter le Dow. Et une fois encore, au plus bas du marché baissier en 82, on pouvait acheter le Dow  pour moins de trois onces d’or. Pendant un temps, une once aurait suffit.

Actuellement, il faut un peu plus de huit onces pour acheter le Dow. Hm… On pouvait avoir le Dow pour environ huit onces d’or dans les années 10… 20… 30… 40… 50… 60… 70… 80… et désormais une fois encore en 2010.

Et ce chiffre est probablement en baisse. Le marché baissier des actions n’a pas encore atteint son plus bas. Lorsque ce sera le cas, vous pourrez probablement acheter le Dow pour trois onces d’or.

Les actions pour le long terme ? Ha ha…

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