Entre les différents programmes, les épargnants ne sont guère gâtés !
Hier, nous nous sommes intéressés au programme économique du Nouveau Front populaire, qui pourrait mener à un appauvrissement généralisé de la population. Voyons maintenant ce qu’il en est de celui du Rassemblement National…
Rassemblement national : le grand flou et rien pour les épargnants
Le Rassemblement national (RN) est beaucoup moins prolixe que le Nouveau Front populaire (NFP).
Un premier tract d’une page liste huit domaines pour lesquels le RN souhaite agir à l’Assemblée nationale et à Matignon.
Après tout, n’est-ce pas suffisant ? En effet, s’il devient Premier ministre le 7 juillet au soir, Jordan Bardella ne le sera que pendant trois ans. De plus, il devra composer avec Emmanuel Macron dans le cadre d’une cohabitation. Il est probable que le président de la République s’opposera, tant qu’il le pourra, à nombre des propositions du RN. Et si aucune majorité ne sort des urnes… il ne se passera pas grand-chose !
Parmi les propositions, aucune ne concerne directement les épargnants. Il n’y a pas non plus un grand catalogue de nouvelles dépenses, ni de nouvelles taxes. Certes, il est proposé la baisse des factures d’électricité, sans qu’il soit précisé de quelle manière elle serait faite. Sur BFMTV, le président du RN a indiqué qu’il s’agirait d’une baisse de la TVA comme pour « le gaz, le fioul et les carburants ».
Baisser les taxes n’est évidemment pas une mauvaise idée en soi. Encore faut-il que la baisse s’accompagne d’une réduction des dépenses publiques… Faute de quoi les déficits se creuseront davantage et les Français auront – d’une manière ou d’une autre – à les payer.
A ce propos, les économies promises par le RN sont plutôt floues, elles aussi. Il est question de baisser le coût de l’immigration, de réduire drastiquement l’immigration illégale et de lutter contre les grandes fraudes sociales et fiscales.
On notera la volonté de stopper la multiplication des normes abusives qui pèsent sur les familles et les entreprises. Mais sans doute faut-il aller plus loin – c’est-à-dire réduire le stock de normes – pour que cela ait une véritable influence sur l’activité économique.
Le tract du RN ne mentionne pas les retraites. Dans un premier temps, Jordan Bardella a semblé dire que l’abrogation de la réforme n’était plus à l’ordre du jour.
Sur BFMTV, il a affirmé vouloir mettre en place un « âge légal à 60 ans« pour ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans et qui ont cotisé 40 annuités. Mais au Parisien, quelques jours plus tard, le président du RN a promis que la réforme des retraites de 2023 serait abrogée « à partir de l’automne ». Cela coûtera aux finances publiques. Il en est probablement de même de la réduction des déserts médicaux, du soutien à l’hôpital public et de la sécurisation de l’approvisionnement en médicaments. Tout comme l’annulation de la réforme de l’assurance-chômage initiée par l’actuel gouvernement.
Les commentaires sont nombreux sur le coût du programme du Rassemblement national, mais force est de constater que le document consulté est trop flou pour émettre un jugement définitif.
En tout cas, il semble moins dépensier, de prime abord, que celui de son principal concurrent, le Nouveau Front populaire, même si les promesses électorales ont l’air de changer au fil des jours avec l’objectif de séduire le plus d’électeurs possibles. Ainsi le RN vient-il d’annoncer qu’il supprimerait la niche fiscale dont bénéficient les armateurs français (elle aurait représenté plus de 10 milliards d’euros de manque à gagner pour l’Etat, ces trois dernières années). Attendons-nous donc à entendre d’autres annonces de ce genre d’ici le second tour des élections législatives.
Peut-être alors faut-il se pencher sur le programme de Marine Le Pen en 2022 et ses 22 mesures, pour avoir une idée plus précise de ce qui pourrait se passer après le 7 juillet 2024 si le RN devenait majoritaire à l’Assemblée nationale.
Celui-ci comportait une mesure phare à destination des épargnants (la n°16) : « Supprimer l’IFI qui taxe l’enracinement et créer un IFF, impôt sur la fortune financière, pour taxer la spéculation. » Il s’agit, en résumé, de faire l’exact inverse de ce qu’a fait Emmanuel Macron au début de son premier quinquennat en transformant l’ISF en IFI.
On notera, également, la création d’un « fonds de garantie des loyers pour protéger les propriétaires », et celle d’un « fonds souverain français pour augmenter la rémunération de l’épargne des Français et l’orienter vers des secteurs stratégiques et l’innovation ».
Il était aussi question de supprimer les impôts sur l’héritage direct, mais seulement pour les familles modestes et les classes moyennes, sans qu’il soit précisé où commencent et s’arrêtent les « classes moyennes ».
Enfin, il était prévu l’exonération des donations des parents et des grands-parents à leurs enfants et petits-enfants jusqu’à 100 000 € par enfant, tous les dix ans.
Mais, le reste du programme était très dépensier avec quelques propositions qui ont été reprises pour les législatives que nous ne citerons pas à nouveau. D’autres semblent avoir été mises de côté, mais il n’est pas inutile d’en rappeler quelques-unes :
- renationalisation des autoroutes ;
- construction de places de prison pour atteindre le nombre de 85 000 en 2027 ;
- réindexation des retraites sur l’inflation ;
- revalorisation du minimum vieillesse à 1 000 € par mois et augmentation des petites retraites ;
- restauration de la demi-part fiscale en faveur des veuves et veufs ;
- création d’un chèque-formation mensuel de 200 € à 300 € pour les apprentis, les alternants et leurs employeurs ;
- institution d’une part fiscale complète dès le deuxième enfant ;
- doublement du soutien aux mères isolées élevant des enfants ;
- prêt à 0% pour les jeunes familles françaises transformé en subvention pour les couples qui auront un troisième enfant ;
- construction en cinq ans 100 000 nouveaux logements étudiants ;
- déconjugalisation et revalorisation de l’allocation adulte handicapé (AAH) ;
- revalorisation et augmentation de la durée des aides destinées aux proches aidants ;
- lancement d’un plan de soutien d’urgence pour la santé de 20 milliards d’euros ;
- revalorisation des salaires des enseignants ;
- construction de 100 000 logements sociaux par an ;
- lancement d’un plan de réhabilitation de l’habitat ancien grâce à des aides efficaces ;
- augmentation du budget de la défense pour le porter à 55 milliards d’euros à l’horizon 2027.
En face de ces dépenses très importantes, il n’y avait, dans le programme de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022, que peu de recettes – en tout cas pas suffisamment pour financer ces nouvelles dépenses.
Par conséquent, les déficits et les dettes publiques étaient appelés à s’accroître. Ce ne sont pas, en effet, les mesures visant à limiter l’immigration incontrôlée ni celles cherchant à lutter contre les fraudes (fiscales, aux cotisations et prestations sociales, aux importations, ententes, etc.), pas plus que la privatisation de l’audiovisuel public, qui rapporteront suffisamment.
Le programme comportait également des propositions qui pourraient avoir un effet négatif sur le portefeuille des Français (les prix garantis sur les productions agricoles, l’interdiction des importations de produits agricoles ne respectant pas les normes de production française, la révision des accords de libre-échange, et l’obligation pour les cantines d’utiliser 80% de produits agricoles français) et d’autres susceptibles, au contraire, d’améliorer leur pouvoir d’achat (la lutte contre les « marges abusives de la grande distribution », la baisse de 15% des péages autoroutiers, l’exonération de l’impôt sur le revenu pour tous les jeunes actifs jusqu’à 30 ans, une hausse de 10% des salaires permise par l’exonération des cotisations sociales patronales jusqu’à 3 SMIC, ou encore le fait de « rendre aux ménages les 5 milliards de subventions versées notamment aux éoliennes ».
On notera que certaines de ces mesures seraient néfastes aux entreprises. D’autres, en revanche, leur étaient plutôt favorables, comme la suppression de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et celle de l’impôt sur les sociétés (IS) pour les entrepreneurs de moins de 30 ans pendant les cinq premières années.
Par bien des côtés – celui des dépenses renforçant un Etat-providence pourtant déjà tentaculaire – le programme du RN de 2022 ressemble à celui de la gauche. Il comporte aussi quelques mesures qui ne sont pas business friendly, comme on dit dans l’entourage présidentiel.
Enfin, il ne porte que peu de propositions de réduction des dépenses publiques. En revanche, il affiche davantage de mesures en faveur des épargnants que le programme du NFP et quelques-unes positives en direction des entreprises.
Le programme de 2024, en revanche, est très flou. Il n’en demeure pas moins qu’il contient des dépenses de taille (notamment réduction de la TVA, la remise en cause partielle de la réforme des retraites et l’annulation de la réforme de l’assurance-chômage) qui, mises en oeuvre, pèseront lourdement sur les finances publiques en l’absence d’économies d’un montant équivalent.
Or, comme nous l’avons dit à propos du programme du NFP, l’alourdissement des déficits et des dettes n’est jamais une bonne nouvelle pour les épargnants.
Nous verrons dans notre prochain article ce qu’il en est du programme d’Ensemble pour la République.