La Chronique Agora

Les leçons de Buckminster Fuller

Josh Grasmick

▪ Nous parlions adaptation et survie vendredi dernier — et notamment d’un inventeur unique en son genre…

Buckminster Fuller devint aveugle très jeune… et fut donc obligé d’avoir recours à son sens du toucher plutôt qu’à sa vue pour interpréter le monde qui l’entourait. Finalement, cette aptitude l’aidera en tant qu’inventeur à trouver de nouvelles manières d’améliorer les techniques de construction.

Son « dôme géodésique » par exemple est la seule structure au monde qui devient de plus en plus résistante à mesure que sa taille augmente. Sa voiture Dymaxion, optimisée au niveau de l’espace et de la consommation en carburant répondait également aux mêmes principes. Plusieurs prototypes furent construits dans les années 1930. Ce véhicule aérodynamique consommait environ 9,5 litres par 100 km et sa carrosserie en forme de goutte était assez grande pour y transporter 11 personnes — bien que pouvant braquer sur un faible rayon et se garer facilement dans un espace étroit. En tous cas, ce fut un essai audacieux d’innovation.

Malheureusement, Fuller eut des difficultés à faire approuver sa voiture pour une utilisation de masse aux Etats-Unis. De même, ses idées de maisons individuelles fabriquées en série se sont heurtées aux codes de construction établis.

L’un des principes les plus fascinants de Buckminster Fuller est « l’éphéméralisation », une tendance du développement humain où la technologie permet de « faire plus avec moins ».

La chaîne de montage d’Henry Ford en est un exemple. Elle a constamment conduit à de meilleurs produits à coût moindre. Mais Buckminster Fuller a vu cette tendance dans différentes technologies.

Les technologies de la mesure par exemple. Une règle utilise une « mesure comprimée ». Mais elle n’opère pas plus loin. Pour des mesures plus longues, il faut une corde, qui utilise une « mesure tendue ». Lorsque cette limite supérieure est atteinte, il faut passer au télémètre du géomètre, la « mesure visuelle ». Là, la limite supérieure est la courbure de la Terre, il faut donc passer à la triangulation radio, « technologie électrique ». Comme le fait remarquer Buckminster Fuller, l’avancée des technologies augmente la capacité de mesurer les longueurs par kilo d’instrument.

Selon Fuller, il n’y a pas de limite supérieure ultime. Nos capacités peuvent toujours aller plus loin que ce qu’elles sont — il faut simplement les adapter grâce à la bonne technologie.

Cette tendance continue aujourd’hui alors que les matériaux utilisés deviennent de plus en plus légers, de plus en plus résistants, souvent de plus en plus petits et plus polyvalents. En outre, non seulement aujourd’hui nous faisons plus avec moins mais le rythme pour le faire s’accélère.

▪ Le résultat ?
Un jour, nous ferons tout avec rien.

Fuller soulignait qu’il y avait certaines lois de la nature auxquelles on était obligé d’obéir. Et si les lois créées par les hommes, comme l’économie et la politique, heurtaient et ne concordaient pas avec les lois que la nature a lentement, méticuleusement et impitoyablement produites… le résultat n’est pas joli-joli.

Mais si nous apprenons de ces lois et travaillons avec elles, nous pouvons concevoir un monde qui utilise moins de ressources, sert une population en pleine expansion et apporte plus d’efficience en temps et en argent. Comme le proposait Fuller, il faut penser à notre planète comme à un vaisseau spatial… comme un seul système intégré. Si nous y atterrissions pour la première fois aujourd’hui, commencerions-nous à construire selon les modèles anciens ?

Non, bien sûr que non. Nous balayerions le « bagage de l’évolution » et n’utiliserions que la meilleure technologie et le meilleur savoir-faire pour re-concevoir un monde qui empêcherait les maladies et les catastrophes, qui augmenterait le niveau de vie et permettrait aux êtres humains d’aller là où ils ne sont encore jamais allés.

…Alors que je marchais sans visibilité aucune dans un désert blanc, sans aucun stimulus extérieur pour me distraire… mes pensées coloraient le tableau neigeux qui m’entourait… Je pensais… nous devons agir pour changer radicalement le monde… avant qu’il ne soit trop tard.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile