La Chronique Agora

L'économie a encore et toujours besoin d'une correction

** L’or baisse. Les actions grimpent. Le lecteur remarquera que ces tendances vont dans la direction opposée à celle que nous pensions les voir prendre. Depuis le début de la décennie, nous achetons l’or et nous vendons les actions. Nous ne modifierons pas notre tactique avant la fin de la décennie — sauf si nous perdons tout notre argent ou si nous trouvons une raison convaincante de changer.

* Jusqu’à présent, ce n’est pas le cas. Le prix de l’or a plus que triplé. Les actions ont plus ou moins stagné. Et rien ne nous a convaincu que les fondamentaux sont différents aujourd’hui de ce qu’ils étaient en 2000.

* La bulle de dette n’a été que partiellement purgée. Les Américains vivent encore au-dessus de leurs moyens. Et les gens qui gèrent la banque centrale américaine ainsi que son gouvernement sont encore des nigauds.

* Alors que conclure des tendances actuelles ? Peut-être que la Fed de Bernanke et les politiciens de Bush ont gagné la bataille ; peut-être qu’ils ont réussi à maintenir l’économie US en croissance. Peut-être que le dollar va se renforcer. Peut-être que l’or continuera sa marche funèbre, revenant aux niveaux où il a entamé la décennie — sous les 300 $. Peut-être que les nigauds, c’est nous.

* Oui, et vous vous rappelez le programme de baisses d’impôts de Bush ? La semaine dernière, le gouvernement US a commencé à envoyer de l’argent qu’il n’a pas à des gens qui ne l’ont pas gagné. C’est censé encourager les consommateurs — qui dépensent déjà trop — à dépenser plus. Peut-être que ça marchera, en fin de compte.

* Et la dernière baisse de taux de la Fed — à 2%… Peut-être que ça aussi ça marchera.

* Et peut-être que les gouvernements éclairés peuvent vraiment améliorer le monde. Lorsque les gens ont fait des erreurs — ce qui est inévitable — les autorités peuvent faire disparaître ces erreurs, d’une manière ou d’une autre. Elles peuvent approuver des lois et bidouiller leurs politiques… et abracadabra, au lieu de subir une correction… on oublie tout ça et on passe à autre chose.

** Tout cela nous pousse à nous demander ce qui a mal tourné dans la Rome antique et dans le Japon moderne. Les Romains ont tout essayé — des contrôles de prix à l’inflation en passant par la distribution de pain (apparentée aux programmes de réductions d’impôts). L’économie s’est détériorée malgré tout. A partir de la période que Gibbon considérait comme la plus heureuse et la plus prospère de l’histoire de l’humanité — l’ère des Césars Antonins — l’empire a glissé et dégringolé… pour finalement s’effondrer au Moyen-Age, qui a duré près de 1000 ans. Bien entendu, les Romains n’avaient pas de système de banque centrale. Les Japonais, en revanche, en avait un. Leurs banquiers centraux lisent les mêmes livres que les nôtres. Ils croient aux mêmes théories, ils ont les mêmes pinces et les mêmes marteaux dans leurs caisses à outils. Comment n’ont-ils pas réussi à guérir les maux qui affligeaient la Japan Inc. ?

* Nous n’en savons rien. Mais la semaine dernière, il nous semblait que les autorités américaines avaient les choses bien en main. L’économie américaine est encore en croissance — de justesse. Les actions General Motors ont grimpé… et Citigroup s’est rendu compte qu’il pouvait lever plus de fonds que prévu.

* L’or, pendant ce temps, a continué sa correction.

* "Ce que le sage fait au début, l’idiot le fait à la fin", déclare Warren Buffett. Il ne fait aucun doute que le sage a acheté de l’or lorsqu’il était sous les 300 $. Mais qui a acheté à plus de 900 $ ? Pour autant que nous puissions en juger, nous ne sommes pas encore à la fin… nous ne sommes qu’au début d’une tendance monumentale.

* La bulle de crédit a subi une fuite majeure l’an dernier. Les banques ont vacillé. Le crédit a plongé. Des hedge funds ont fait faillite. Et les autorités ont paniqué. Bernanke & co. ont injecté 200 milliards de dollars de liquidités et de crédit supplémentaires dans les marchés… et ont baissé les taux à sept reprises. Il était clair que les autorités n’accordaient pas le moindre intérêt à la protection de la valeur du dollar ; elles essayaient désespérément d’éviter une correction sérieuse. Naturellement, l’or a grimpé.

* Puis les marchés se sont calmés. Il semblait que l’équipe Bernanke & Bush avait la main. Martin Feldstein, directeur du Bureau américain des recherches économiques et ami proche de Ben Bernanke, déclara à la télévision que 2% marquerait probablement la fin des baisses de taux de la Fed. Sans autres baisses à attendre… et une économie qui semblait avoir survécu à la crise… les spéculateurs ont pensé qu’il était temps de s’alléger sur l’or. Et sur l’argent-métal.

* Mais qu’est-ce qui a changé ? Le pétrole est toujours au-dessus des 100 $. L’économie chinoise est toujours en plein boom — avec un secteur industriel qui se développe à un taux record. La demande des marchés émergents est si vigoureuse qu’elle maintient la hausse des prix des matières premières — alors même que la demande américaine ralentit. Aux Etats-Unis, les gens passent à des voitures plus petites… mais en d’autres endroits de la planète, ils achètent tant de nouvelles automobiles que l’utilisation de carburant grimpe encore.

* Cela met les Américains encore plus en difficulté. Un ralentissement de l’économie US apportait autrefois un peu de soulagement. Les Américains gagnaient moins… mais les prix chutaient aussi. Lorsque Paul Volcker a augmenté les taux au début des années 80, par exemple, cela a provoqué une récession majeure. Mais cela apporta également de bonnes nouvelles — les taux plus élevés récompensaient les épargnants. Cela attirait également des capitaux vers le dollar. Le billet vert grimpa, faisant baisser les prix.

* A présent, le chômage aux Etats-Unis est à un sommet de quatre ans… mais les prix continuent de grimper. Oh, cher lecteur, qu’est-ce que nos génies ont vraiment machiné ? Les revenus et les actifs des Américains baissent… tandis que leurs prix à la consommation grimpent — et leurs dirigeants se félicitent d’avoir sauvé l’économie d’une correction.

* Une correction, c’est précisément ce dont l’économie a le plus besoin, à notre humble avis… et c’est ce qu’elle finira bien par obtenir.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile