La Chronique Agora

L'eau, un bon investissement dans les années à venir

▪ Quand vous pensez aux matières premières intéressantes en ce moment, vous ne pensez sûrement pas à l’eau. Pourtant, le prix de l’eau augmente dans certaines parties du monde…et parfois très rapidement. Prenez la Californie par exemple.

Mark Swatek est le P-DG de Southwest Water Co., un service de distribution d’eau qui dessert la Californie et le Sud-Ouest des Etats-Unis. On pourrait l’accuser de prêcher pour sa paroisse quand il dit : "l’un des prix des matières premières qui augmentent le plus rapidement, c’est le prix de l’eau dans les secteurs urbains [dans le Sud de la Californie]".

C’est peut-être une exagération, mais pas de beaucoup. Depuis 2007, le Metropolitan Water District of Southern California (département de l’Eau en secteur urbain de Californie du Sud, MWD) a augmenté ses tarifs de 574 $ par acre-pied (708 018 mètres cubes) à 781 $ par acre-pied — une augmentation de 36%. Un acre-pied est la quantité d’eau nécessaire pour inonder une plaine d’une acre de surface (0,405 hectares) sur un pied de hauteur (30cm) — soit 326 000 gallons (1 234 044 litres).

Des augmentations supplémentaires sont en route. Le MWD a approuvé une augmentation qui va permettre d’atteindre les 811 $ par acre-pied en janvier 2010 et une autre augmentation jusqu’à 985 $ d’ici 2011. Cela signifierait une augmentation de 71% en cinq ans. Malgré ces augmentations, l’eau est encore trop bon marché en Californie du Sud.

"C’est une ressource qui n’est pas assez chère, et ce depuis 50 ans", affirme Keith Brackpool, P-DG de Cadiz, une entreprise de développement de l’eau basée à Los Angeles. Même avec ces augmentations, un consommateur paye en moyenne 10 $ par jour pour l’énergie et 3 $ pour l’eau. "C’est plus cher à Manhattan, et Manhattan n’est pas dans le désert".

▪ En parlant de Manhattan… au moment où j’écris ces mots, je suis au Grand Hyatt sur la 42e rue, près de la gare de Grand Central. Je suis ici pour le Gabelli Water Investment Summit, une conférence sur l’investissement dans le secteur de l’eau, où près de 10 entreprises différentes du secteur de l’eau font des présentations dans une salle pleine d’analystes et de gestionnaires financiers.

Ces présentations vous donnent une idée précise de ce qui se passe dans le secteur de l’eau –de la distribution à la désalinisation, en passant par l’irrigation et les valves. Il est difficile d’écouter ces entreprises et de penser qu’il n’y a pas de crise de l’eau en ce moment même. Cette crise est peut-être sous surveillance à certains endroits, mais dans d’autres, elle est déjà en pleine explosion.

La Californie est un bon cas d’étude, car la crise de l’eau y est en plein boom. Brackpool a pointé un certain nombre de défis auxquels la Californie doit faire face. En voici trois :

– les limitations en approvisionnement — en 2007, un juge fédéral a imposé des limites aux quantités d’eau puisées dans le delta de la baie de Sacramento — San Joaquin. Le problème, c’est que quand l’eau se déverse depuis les montagnes de la Sierra, elle traverse aussi un estuaire avant d’arriver aux stations d’approvisionnement de l’Etat. Et le niveau de l’estuaire a baissé à cause des pompages excessifs, ce qui a mis en danger les poissons de cette rivière. Quoi qu’il en soit, le système ne délivre plus qu’à 40% de ses capacités désormais. A ce niveau, même plusieurs années de grosses pluies ne le ramèneront pas à 100% ;

– la sécheresse –c’est assez connu, mais la Californie vient de subir sa troisième année consécutive sans pluie. Les niveaux actuels des réservoirs sont les plus bas jamais observés ;

– les infrastructures vieillissantes — le système ne sera pas en mesure de supporter l’augmentation de la population sans des investissements significatifs.

Pour combattre ces problèmes, l’Etat a fait un certain nombre de choses, notamment les augmentations de tarifs mentionnées plus haut. Cependant, comme l’eau est bon marché, ces augmentations sur l’eau n’ont pour l’instant eu aucun effet sur la consommation. Il y a également une subvention de 11 100 milliards de dollars qui permettra de financer du stockage d’eau. Et des recherches sont également en cours pour trouver de nouvelles sources d’approvisionnement en eau. Mais comme le dit Brackpool, "nous avons cueilli tous les fruits qui étaient à portée de main. La prochaine étape va nécessiter une très grande échelle".

▪ C’est là que l’entreprise de Brackpool, Cadiz, intervient. Brackpool a très vite déclaré qu’il n’y avait pas de solution unique à la crise de l’eau. Il y a en revanche de nombreuses idées — la conservation, la désalinisation, et plus encore. "Des entreprises comme les nôtres ont un rôle à jouer dans ce carquois plein de flèches qu’on appelle des solutions".

Cadiz a une histoire intéressante, qui pourrait être très bénéfique aux actionnaires. Cadiz possède 18 210 hectares — soit 181 kilomètres carrés — à l’est du comté de San Bernardino. Sa propriété est située à la base d’une ligne de partage des eaux de 3 366 kilomètres carrés. Elle est sur l’un des plus grands réservoirs naturels de Californie du Sud. La pluie et la neige fondue coulent dans la vallée de Fenner jusqu’à la propriété de Cadiz. L’eau continue ensuite sa route jusqu’à deux lacs naturels asséchés… et s’évapore.

Cadiz a un plan pour capturer cette eau — pour la conserver avant qu’elle ne s’évapore dans les lacs asséchés. Le projet de Cadiz va consister à stocker l’eau et à la distribuer aux utilisateurs de Californie du Sud via une station de pompage et d’acheminement. C’est un projet de 240 millions de dollars qui va conserver 50 000 acre-pied d’eau par an.

Cadiz, en tant qu’acteur du secteur de l’eau, n’est encore qu’un débutant. Les constructions pour le projet ne commenceront pas avant le premier trimestre 2011, au plus tôt. L’entreprise n’aura pas terminé la mise en place avant le troisième trimestre 2012.

C’est un peu trop loin à mon goût, et il y a encore quelques obstacles environnementaux que Cadiz doit dépasser avant de se lancer. Néanmoins, j’aime l’histoire et le patrimoine de cette entreprise. Elle vaut le coup qu’on garde un oeil dessus.

Les problèmes de l’eau s’étendent bien au-delà de la Californie et de l’ouest américain, comme vous le savez si vous lisez régulièrement nos chroniques. Au-delà des idées mentionnées ci-dessus, le sommet a servi à renforcer mon idée que l’eau sera un bon investissement dans les années à venir.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile