La Chronique Agora

Le Trésor US est plus intelligent que nous

Le cours du plomb va-t-il combler son retard ?

Bonjour,

 ▪ L’or atteint de nouveaux records. Il nous dit que quelque chose ne va vraiment pas dans le système monétaire mondial basé sur le dollar. Mais la plupart des investisseurs ne s’aperçoivent de rien. L’or est encore un investissement « bizarre ».

Et les autorités n’ont pas la moindre idée de ce qu’il se passe.

Il faut le reconnaître : les autorités gardent la tête froide. Elles sont incompétentes. Elles pourraient passer au détecteur de mensonge quoi qu’elles fassent.

Au Trésor US, par exemple, on se félicite des profits engrangés. Les dirigeants se sont précipités pour sauver AIG et Citigroup en rachetant leurs obligations toxiques. Ensuite, ils ont volé au secours de Fannie et Freddie quand ils étaient en difficulté.

Suite à ces efforts héroïques, le Trésor US s’est retrouvé à la tête d’un gigantesque portefeuille de titres ; la portion « Fannie et Freddie » à elle seule vaut 142 milliards de dollars, disent les journaux. Le Trésor a déjà revendu ses titres AIG et Citi — avec profit. A présent, il se prépare à se débarrasser de ses réserves de papier estampillé Freddie et Fannie.

Est-ce croyable ? Ses oeufs n’ont pas encore été vendus, mais il compte déjà sur des profits allant de 15 à 20 milliards de dollars. Le Trésor US compte des génies de l’investissement, c’est clair et net !

Eh bien, en un sens, ils sont bien plus intelligents que nous. Nous aurions pu acheter ces notes et ces obligations nous aussi. Nous aurions dû faire confiance aux autorités. Nous aurions pu anticiper et voir qu’elles s’en tireraient — pendant un temps, du moins — avec l’une des plus grandes arnaques financières de tous les temps. Nous aurions pu en profiter nous aussi !

Voyons comment ça fonctionne. Les emprunteurs — AIG, Citi, Freddie, Fannie — font un mauvais pari. Normalement, ils devraient faire faillite, et les détenteurs de leurs obligations devraient perdre de l’argent. Mais alors que M. le Marché fait son travail — dévaluant les mauvaises créances de toutes sortes en anticipation d’un grand ménage — les autorités arrivent. Inutile de vendre tout ça, disent-elles, nous les soutenons à 100%. C’est ainsi qu’elles ont engagé la confiance et le crédit des Etats-Unis d’Amérique pour garantir que les détenteurs d’obligations n’aient pas à payer leurs propres erreurs idiotes.

Nous aurions dû acheter, à l’époque ; tous les éléments du tour de passe-passe étaient en place. Mais nous avions des doutes quant au crédit des Etats-Unis. Nous en avons encore. Nous craignions que le truc ne reste pas assez longtemps en place pour gagner de l’argent.

Nous avions tort. Nous n’aurions jamais dû douter de la capacité des autorités à renflouer l’industrie financière. La Fed a acheté tous les chiens abandonnés et chats de gouttière des prêts hypothécaires qu’elle pouvait trouver — pour l’équivalent de 1 400 milliards de dollars. Elle a également prêté de l’argent au secteur financier au taux de 0,5%. C’est environ 8,5% inférieur au taux réel d’inflation des prix à la consommation, selon les estimations de John Williams sur le site Shadowstats.

Et comme si ça ne suffisait pas, on a garanti des profits aux banques — en leur permettant d’emprunter à la Fed à 0,5%, d’utiliser l’argent pour acheter des bons du Trésor US rapportant entre 3% et 4%… avant de les revendre à la Fed. Pour ne pas prendre de risques, la Fed imprime aussi quatre milliards de dollars supplémentaires par jour — de l’argent venant de nulle part — pour acheter des bons du Trésor. Non seulement elle finance plus que l’intégralité du déficit mensuel américain… mais elle laisse le secteur financier libre d’utiliser son propre argent (emprunté) pour spéculer sur d’autres choses.

Naturellement, quand on a mis en place un tel système de racket, on ne va pas se donner la peine de faire des prêts risqués au secteur privé. On se dirige plutôt tout droit vers la table où la partie est truquée… on va jouer sur la dette — achetant plus de junk bonds… et faisant grimper les prix des obligations !

Oh, cher lecteur, nous détestons les escroqueries, mais nous admirons les escrocs qui savent y faire. En d’autres termes, les autorités ont donné au secteur financier l’argent nécessaire pour faire grimper ses propres obligations… celles-là mêmes que les autorités détenaient en grande quantité.

Et maintenant, elles affirment avoir fait des gains grâce à cette opération.

Qu’en pensez-vous ? Nous allons fonder une entreprise parfaitement bidon. Nous en vendrons les actions un peu partout. Quand les gens réaliseront que l’entreprise n’a rien pour elle, les cours chuteront, et notre entreprise risquera de s’effondrer. Les autorités pourront alors venir à notre secours aussi. Elles pourront acheter nos actions, garantir que nous ne ferons jamais faillite et nous donner de l’argent pour que nous puissions acheter des titres nous aussi. Le prix des actions re-grimpera… et les autorités pourront revendre discrètement leur part. Après tout, ce sera profitable pour les autorités aussi — abstraction faite de l’argent qu’elles nous ont donné pour faire fonctionner toutes ces sottises.

▪ Mais voici une question : pourquoi n’ont-ils pas réussi à faire marcher ce genre de montage en Europe ? Les Irlandais n’avaient-ils pas toute une cargaison de dette hypothécaire pourrie ? Le gouvernement n’est-il pas intervenu pour garantir tout ça ? Et maintenant, regardez. Non seulement la dette hypothécaire d’origine est dévaluée… mais il en va de même pour la dette du gouvernement irlandais.

Pourquoi les Irlandais n’y arrivent-ils pas ?

Eh bien, pour plusieurs raisons.

Pour commencer, les Irlandais se débattent avec bien plus de dettes. Ils ont déjà donné à leurs banques une quantité égale au quart du PIB entier de la nation. Ce qui reviendrait à regonfler le secteur financier américain avec 3 500 milliards de dollars.

Attendez une minute. Vous dites que le secteur financier américain a déjà reçu quasiment cette somme ? Hmm… peut-être que vous avez raison.

L’impression d’argent de la Fed se monte aux 1 400 milliards de dollars mentionnés ci-dessus, n’est-ce pas ? D’accord… il faut rajouter 200 milliards de dollars environ de rachats d’actifs par le Trésor. Et sûrement que manipuler toutes ces obligations du Trésor US n’ont pas fait de mal — ce qui fait, disons 3 000 milliards, environ, mais on ne peut pas vraiment compter ça comme un renflouage bancaire.

La grande différence, c’est que les Etats-Unis peuvent imprimer de l’argent — pas l’Irlande. L’Irlande doit emprunter l’argent avec lequel elle renfloue ses banques. Et plus elle emprunte, plus les investisseurs s’inquiètent qu’elle ne puisse pas rembourser.

Et ils ont raison. Aux rendements actuels, les Irlandais ne peuvent pas emprunter du tout — pas sur le marché libre. Les obligations à deux ans émises par l’Irlande ont actuellement un rendement qui dépasse les 10%. Les Irlandais doivent donc aller mendier de l’argent auprès des autorités européennes. Et même elles leur font payer 6%. Même à ce taux subventionné, l’Irlande ne peut pas continuer longtemps.

A long terme, c’est une bonne chose. Cela signifie qu’elle ne peut pas détruire son économie tout entière avec de l’argent « pour de faux », tout en racontant aux contribuables qu’elle leur fait faire des profits.

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Wall Street n’a jamais vu des perspectives économiques plus favorables !

Philippe Béchade

 

▪ De durs combats se déroulent en Libye depuis trois semaines. La Syrie est au bord de l’embrasement depuis 10 jours. L’issue de ce qu’il convient de qualifier de « guerre civile » est bien incertaine. Mais les stratèges de Wall Street estiment que leurs répercussions seront négligeables sur les marchés — sauf si la contagion gagnait l’Arabie Saoudite. Un calme relatif semble toutefois encore régner dans le royaume.

Les investisseurs ont envie de croire que les aspirations à plus de démocratie vont rapprocher de l’Occident les cinq ou six pays qui sont en train de se libérer du joug de tyrans. Cependant, rien ne prouve que les peuples — même trop longtemps oppressés — s’empresseront d’adopter des constitutions inspirées de Thomas Jefferson et d’élire des dirigeants se voulant des émules du Mahatma Gandhi

Supposons cependant que l’avenir donne raison à ceux qui privilégient l’hypothèse de l’instauration de la démocratie dans des pays qui ne l’ont jamais expérimentée. Pus de liberté ne rime pas forcément avec prospérité…

Même mieux partagées, les richesses ne deviennent pas automatiquement plus considérables. La plupart de ces pays doivent ou devront repartir économiquement. Leurs besoins en capitaux (empruntés, faut-il le préciser) vont être énormes.

▪ Comme le prouvent les monétisations massives de dettes par la Fed, la BCE et bientôt le Japon, l’épargne mondiale n’est pas extensible à l’infini. De plus, elle s’avère déjà insuffisante pour couvrir le refinancement des trois premiers blocs économiques du monde occidental. D’où va sortir l’argent dont l’Egypte ou la Tunisie ont besoin ? La question se posera bientôt pour la Libye, le Yémen, la Côte d’Ivoire…

Imaginons que la Chine casse sa tirelire pour leur venir en aide. Cela semble sensé : le potentiel de redressement de l’Afrique du Nord est certainement plus important que celui de l’Europe ou des Etats-Unis. Comment pourrait-elle en même temps souscrire aux émissions du Trésor américain, racheter massivement de la dette grecque et irlandaise — tout en préservant la solidité de son propre système bancaire, menacé par le surinvestissement et la bulle immobilière ?

▪ Voici donc de nombreuses inconnues pour des problèmes complexes mais de nature classique. Que dire alors des conséquences du tsunami du 11 mars et de la destruction de la centrale de Fukushima dont la situation est totalement hors de contrôle.

Ce sont deux Tchernobyl (au minimum) qui devront être neutralisés. Les Japonais sont-ils en mesure de construire des sarcophages comme le firent les Russes, au prix de sacrifices humains immenses ? Un réacteur semble avoir fusionné et fondu  en totalité et un second au moins partiellement. Sans oublier les stocks usagés de combustible non refroidis qui prennent peut-être le même chemin (fusion et dispersion de radioéléments).
La quantité de radioactivité émise pourrait dans un avenir proche devenir supérieure à Tchernobyl. La zone de sécurité autour de la centrale pourrait être étendue à 40 ou 50 kilomètres, entraînant des déplacements de population se chiffrant en centaines de milliers. Le périmètre de Fukushima pourrait être inhabitable durant des centaines d’années, voire des milliers d’années pour les zones les plus contaminées.

Le chiffrage d’un tel désastre n’est pour l’instant pas encore évoqué tant il pourrait s’avérer étourdissant. Mais c’est à coup sûr une inconnue à plusieurs centaines de milliards de dollars.
Faut-il s’en inquiéter ? Quel impact cela pourrait avoir sur l’économie mondiale ?

Nous n’osons privilégier aucun scénario mais d’autres n’ont pas nos scrupules. Charles Plosser, un des bras droits de Ben Bernanke, estime que les marchés ont sur-réagi au drame japonais et que l’impact sur l’économie américaine sera moins lourd qu’envisagé.

Nous sommes abasourdi par l’insondable légèreté d’une telle déclaration !

C’est à croire que le Japon est victime d’un simple feu de tourbe comme en Russie l’été dernier.

Pas de différence entre l’incinération de quelques centaines de kilomètres carrés de lande désolée et l’irradiation d’une région agricole et industrielle qui représente 8% du PIB nippon. La fumée de Fukushima aura juste fait tousser les Japonais habitant au sud-ouest de la centrale durant deux ou trois semaines… Fin de l’histoire, circulez, y’a rien à voir. Retournez à vos écrans et ramassez-moi le Dow Jones jusque vers 14 000 points.

▪ La Fed a remis quelques milliards dans le circuit et Wall Street s’est offert une troisième séance de hausse (0,3%) consécutive vendredi. Sans oublier un étourdissant six sur sept à la hausse depuis le 16 mars.

Les indices américains ont repris 5% sur leurs récents planchers et se retrouvent à 2% ou 3% de leurs sommets annuels de la mi-février. Il faut bien convenir que ce n’est pas l’actualité qui tire les actions vers leurs sommets.

La volte-face du marché survenue mercredi repose sur la croyance que la Fed n’hésitera pas à mettre en place un nouveau programme d’assouplissement monétaire (QE3) à partir du mois de juin.

Les 3% de Wall Street repris la semaine dernière font presque pâle figure en regard des 4,25% du CAC 40. Rappelons que cette semaine, rien ne s’est arrangé, ni au Japon, ni au Proche-Orient. Et encore moins sur le front économique avec de bien mauvais chiffres en Angleterre et aux Etats-Unis.

A la stupéfaction d’une majorité d’opérateurs devant des indices boursiers en apesanteur, nombre de commentateurs opposent des explications à dormir debout. « Les mauvaises nouvelles sont dans les cours », « les bénéfices des entreprises progressent », « le PIB américain est révisé de 0,3% à la hausse ».

▪ Nous sommes en train de revivre le même genre de story telling qu’au beau milieu de l’été 2008. Rappelez-vous, quand le pétrole et les indices boursiers montaient de concert tandis que le système bancaire américain subissait un Tchernobyl financier.

Henry Paulson déclarait alors : « je n’ai jamais observé un système bancaire aussi solide ». C’était moins de deux mois avant son explosion mais bien après la fusion complète du réacteur contenant le combustible des subprime. Seuls les plus naïfs n’ont pas fui le marché à l’époque.

Charles Plosser, passant outre les décombres toujours incandescents de Fukushima, affirme que les retombées du 11 mars ont été surévaluées. C’est bien la déclaration la plus irresponsable proférée par un sherpa de l’économie américain depuis deux ans et quatre mois !

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Boeuf et essence au pays des pampas

Joel Bowman

▪ « Je croyais que c’était une station essence », râla notre ami argentin, un peu vexé. « J’ai oublié que c’était une station argentine ».

Cinq camions-citernes étaient garés face à la station YFP juste à la sortie de Tucuman. Cela se passait la semaine dernière. J’étais avec un groupe d’amis et nous ne faisions que traverser la province, sur le chemin de Salta. Des voitures, des camionnettes et des motos de toutes sortes faisaient la queue au coin de la rue. La file n’avançait guère.

« No hay nafta« , nous expliqua le pompiste. « No hay nafta hoy« .

Nous étions interloqués : pourquoi diable n’y aurait-il pas d’essence dans une station service ? Quel genre d’entreprise était-ce donc là ? Clairement, il y avait de la demande : elle faisait presque tout le tour du pâté de maison. Et puisque les camions-citernes n’ont généralement pas l’habitude de s’arrêter aux stations-service à moins d’avoir de la marchandise à décharger, nous avons supposé que les cinq camions garés là avaient ce que tout le monde était venu chercher.

« Cette situation est typique », nous expliqua notre ami. « Ils ne vendront pas d’essence aujourd’hui parce qu’ils savent que le prix augmentera demain ou après-demain. Ils gardent leurs stocks jusqu’à ce qu’ils puissent en obtenir un meilleur prix ».

« Comment savent-ils que le prix augmentera demain ou après-demain ? » demandai-je. Notre ami leva les yeux au ciel. « Ils connaissent des gens qui connaissent des gens. Voilà comment ça marche. Toutes ces industries sont pareilles. Elles sont dirigées par des escrocs et des truands. Dites-moi, pourquoi avez-vous voulu revenir ici ? »

« Eh bien, j’aime le vin et le steak »… ai-je commencé.

« Et nous y voilà. Les mêmes problèmes. Par exemple, l’industrie du boeuf ici est très lourdement taxée et régulée. Le gouvernement affirme qu’il veut maintenir le prix de la viande bas pour la consommation intérieure c’est pourquoi il taxe les exportations pour décourager les éleveurs de vendre leurs produits à l’étranger. Nous les Argentins aimons notre bife de chorizo, comme vous l’avez sans doute remarqué. [Oui nous l’avons remarqué.] Quoi qu’il en soit, ces politiques sont supposées être toutes mises en oeuvre pour aider les pauvres, le ‘petit peuple’. Et vous savez comment cela finit généralement »…

« Ici en Argentine, nous possédons l’une des meilleures viande de boeuf au monde. L’industrie devrait croître, en tête des exportations. Il y a plein d’entrepreneurs qualifiés qui pourraient la diriger. Au lieu de cela, ils sont entravés par toutes ces règles ridicules. Bien évidemment, les producteurs ont vite compris que, avec des taxes à l’exportation aussi lourdes, ils étaient incapables de faire les mêmes bénéfices qu’auparavant. Le gouvernement a beaucoup réduit leur motivation par le profit. Par conséquent, les éleveurs ont réduit leur production. La terre qui était auparavant utilisée pour élever du bétail a été convertie à la culture du soja. A présent l’Uruguay et même le Paraguay nous dépassent ».

« Et ce n’est pas tout : à présent que l’offre a baissé, à présent que la capacité de production a été réduite, le prix de la viande augmente à nouveau localement. Comme d’habitude, c’est le petit peuple, celui que le gouvernement voulait soit-disant aider, qui finit par payer plus ».

▪ Notre ami n’exagère pas lorsqu’il évoque l’amour des Argentins pour le boeuf — ni lorsqu’il évoque l’amour de leur gouvernement pour les règles stupides et les régulations peu judicieuses. Avec une consommation de près de 63 kg par personne et par an, les Argentins sont, après l’Uruguay, champions de l’asado (une sorte de barbecue). En effet, les Argentins sont de grands amateurs de viande depuis que les bovins ont été introduits pour la première fois dans le pays en 1536 par les Conquistadors espagnols. Les troupeaux se sont multipliés rapidement à travers les vastes pampas fertiles ; l’introduction du réseau ferroviaire national — et, en particulier, l’invention des transports réfrigérés — a aidé à alimenter le marché de l’exportation en pleine croissance. L’industrie bovine argentine a connu un formidable essor.

Mais avant que les gouvernements puissent aggraver les mauvaises situations, ils devaient d’abord s’atteler à gâcher les meilleures situations, c’est-à-dire les industries les plus productives et prometteuses. En 2006, après des tentatives infructueuses pour maîtriser les prix en hausse de leur meilleure exportation (oui, vous avez bien lu), l’administration Kirchner a institué un embargo total sur toutes les exportations de boeuf pendant 180 jours. Ceci a été suivi par des quotas, des limitations et toute une série de dégâts et d’inepties auxquelles on peut s’attendre de la part de représentants désignés qui croient connaître le prix d’une marchandise — quelle qu’elle soit — mieux que ceux qui l’achètent et la vendent.

Conséquence : les exportations de viande de boeuf se sont effondrées. De juillet 2010 à janvier 2011, elles ont chuté de 63% en glissement annuel. Selon la CICCRA, la chambre d’industrie et du commerce de la viande, les politiques gouvernementales coûtent à l’Argentine près de 4 600 petits producteurs et plus de 3 500 emplois et « ont condamné tous les consommateurs à payer la viande de boeuf près du double par rapport à l’année précédente et à réduire la consommation par tête aux niveaux de 2001-02 ».

Entre-temps, le Paraguay, ce minuscule pays situé au nord de l’Argentine et qui compte moins d’un sixième de la population que son voisin au sud, cartonne. Après avoir engrangé une incroyable croissance de son PIB de 14% l’année dernière, le Paraguay a démarré 2011 en devançant, pour la première fois, les exportations totales bovines argentines pour le mois de janvier. Même si on s’attend à ce que ce taux de croissance ralentisse cette année, la perspective pour les secteurs agricoles clés du pays — dont ses deux principales exportations : le soja et le boeuf — restent fortes.

Après avoir patienté quelques minutes supplémentaires, nous avons décidé de tenter une autre station-service au bout de la rue, une qui était ouverte et vendait effectivement de l’essence.
« Il y a beaucoup de problèmes ici, Joel », continua mon camarade. « Ce pays est dirigé par des escrocs. L’industrie bovine n’en est qu’un exemple ».

Je n’ai pas pu me résoudre à aborder le sujet du vin…

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Comment ça ?

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Le cours du plomb va-t-il combler son retard ?

Camille-Yihua Chen

▪ Il est temps de briser le silence de plomb qui pèse sur… le plomb ! Dans l’indifférence générale, le métal est haussier depuis bientôt 1 an. +70% depuis l’été dernier !

C’est également dans l’indifférence générale que le marché vient de changer de centre de gravité. Eh oui, même nos vieilles reliques des révolutions industrielles ont basculé du côté du Pacifique… C’est Shanghai qui tire désormais les cours à la hausse.

▪ Shanghai, l’outsider qui monte
La place chinoise a annoncé la création d’un contrat à terme sur le plomb fin mars. Ignorée en Europe, cette nouvelle a créé un certain enthousiasme en Chine. Pour mémoire, c’est le London Metal Exchange (LME) qui, en la matière, donne le « la » sur le marché international.

▪ Le plomb reste loin de ses plus hauts
Londres n’a pas arrêté pour autant son ascension. A 2 700 $ la tonne, le prix du plomb affiche une progression de 70% par rapport aux 1 660 $ de juin dernier, un de ses plus bas de 2010. Il n’empêche qu’à un tel niveau, le prix du métal gris est encore loin des 3 890 $ de 2008, son record historique.

A titre de comparaison, celui du cuivre après une envolée de 59% sur la même période, évoluait il y a quelques jours à 10 160 $ la tonne, un sommet qu’il n’avait jamais atteint auparavant.

Le plomb dispose-t-il donc encore d’un potentiel de hausse important ? Les fondamentaux du marché seront-ils favorables à sa progression en 2011 ?

▪ L’offre serait légèrement déficitaire d’ici à la fin de l’année
Du côté de l’offre, les hypothèses de prévisions pour 2011 vont bon train. Des experts londoniens prévoient « un déficit de 6 000 tonnes au niveau mondial ». La banque Barclays, quant à elle, estime que « l’offre et la demande devraient s’équilibrer du fait d’une lente progression de la consommation ».

▪ Qu’en sera-t-il de la demande ?
Pour Robin Bhar, analyste chez Crédit Agricole, elle devrait rester soutenue grâce à « la forte progression du marché automobile ». Pour rappel, la production de plomb est à 75% destinée aux batteries automobiles : en toute logique donc, à solide croissance du secteur automobile correspond stimulation de la demande en métal gris.

Toutefois, le point de vue de Robin Bhar est à nuancer.
– D’une part, selon Valeo, premier équipementier automobile français, la production automobile mondiale devrait, en 2011, progresser de 5%, avec un recul d’environ 2% en Europe. De telles prévisions ne sont guère de nature à laisser présager « une forte progression du marché automobile ».

– D’autre part, le groupe tricolore reste optimiste pour le continent asiatique, notamment la Chine dont la production automobile va, selon lui, « continuer à croître[en 2011]et dans les années à venir. »

C’est donc vers l’empire du Milieu, premier marché automobile du monde en 2010, qu’il faut se tourner pour en savoir plus.

▪ A court terme, une correction est à prévoir
Les experts chinois sont quasiment unanimes : après une croissance de plus 30% en 2010 à la fois en termes de production et de ventes, la progression du marché automobile chinois devrait ralentir, pour plafonner à 15% en 2011.

Certes pour la Chine, le secteur est et restera porteur dans les années à venir. Non seulement le pouvoir d’achat des Chinois est en constante amélioration mais, surtout, avec 33 voitures pour 1 000 habitants — contre 700 pour 1 000 habitants aux Etats-Unis, le taux de motorisation reste encore très faible dans l’empire du Milieu.

▪ La demande chinoise pourrait s’essouffler
Mais au cours des six premiers mois de l’année, plusieurs éléments risquent de peser sur les ventes de voitures et, bien entendu, sur la production automobile en Chine :
– la fin des mesures fiscales et des subventions ;
– la limitation du quota de nouvelles plaques d’immatriculation à Pékin ;
– sans oublier la volonté de la Chine de ralentir sa croissance économique pour juguler l’inflation.

Tout cela ne sera pas sans conséquences sur la production de plomb, matière dont le premier marché automobile reste le plus grand consommateur, avec 40% de la consommation mondiale.

▪ Les stocks restent conséquents
Enfin, avec 290 000 tonnes dans les entrepôts du LME, et en dépit d’une récente baisse de 800 tonnes, les stocks de plomb sont à leur plus haut depuis 1995. C’est pourquoi à court terme, et sauf événement imprévisible, l’offre devrait pouvoir satisfaire la demande.

Nous prévoyons donc, pour 2011, une progression modérée du cours du plomb, sans exclure une correction à court terme.

[Camille-Yihua Chen est journaliste. Parfaitement trilingue en chinois, français et anglais, dotée de plus de 10 ans d’expérience dans le domaine de la banque et de la Bourse, elle a collaboré avec L’Express, Le Figaro Economie, Radio France Internationale, la banque Egg… entre autres. Chinoise d’origine, les liens qu’elle a gardés avec son pays lui permettent d’avoir un point de vue unique sur la situation des entreprises et de l’économie de la Chine. Vous pouvez la retrouver régulièrement dans le magazine MoneyWeek, dont cet article est extrait.]

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(©) Les Publications Agora France, 2002-2011

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