La Chronique Agora

Le rhodium, ce petit métal qui monte, qui monte (2)

Par Emmanuel Gentilhomme (*)

Le rhodium, l’un des pions du damier russe
L’importance de la Russie sur le marché du rhodium est inversement proportionnelle à sa production. Vous allez voir, c’est relativement simple : l’Afrique du Sud est un pays stable, dans lequel des sociétés écoulent leur production à peu près librement. Comme les mineurs sont privés, et souvent cotés en Bourse, on peut essayer de prévoir leur production. Pour l’instant, elle n’est pas attendue en hausse.

Les choses sont très différentes en Russie. Le Gokhran ne laisse pas forcément sortir du pays tout le métal extrait. Parfois, il coupe purement et simplement le robinet. Mais les mines russes, elles, continuent de produire, même au ralenti. Donc le Gokhran constitue et gère un stock de rhodium dont le marché ne sait rien, si ce n’est qu’il existe, et qu’il est unique en son genre.

L’équilibre du marché n’est atteint que par le déstockage russe
Depuis 1998, la demande de rhodium a été multipliée par deux. Sur dix années, six se sont soldées par des déficits, dont les quatre dernières. Déduction logique : l’équilibre du marché n’est atteint que par déstockage.

Les matières : une véritable arme économique et financière
A la différence de Boris Elstine, Vladimir Poutine a bien compris que les matières premières sont des armes : non seulement elles expriment la puissance d’un pays, mais si elles sont bien gérées, elles lui permettent de la financer. Ce n’est pas Gazprom qui prouvera le contraire…
Depuis son accession à la présidence russe, l’ancien lieutenant-colonel du KGB est revenu sur les déstockages massifs décidés par son prédécesseur, que cela concerne l’uranium, le palladium, ou le rhodium. En 2000, l’offre russe était de près de 300 000 onces (oz), avec un cours moyen du rhodium de 2 000 $/oz. Elle devrait être de seulement 70 000 oz en 2007, avec un cours moyen de… 6 000 $/oz.

Les Chinois jouent au mah-jong, les Russes sont des joueurs d’échecs…
Petit calcul : en se basant sur le cours moyen, la production russe de 2000 a rapporté 578 M$, et celle de 2007, 424 M$. Soit 26% de recettes en moins pour une offre réduite de… 75%. Cela vaut le coup, et permet de faire durer le plaisir… Comme les Chinois jouent au mah-jong, les Russes sont des joueurs d’échecs.

A la différence de certains états que nous n’affligerons pas en les nommant, ces deux-là savent où ils veulent aller et préparent leurs coups longtemps à l’avance. Ce n’est pas l’ancien champion du monde de cette discipline, Garry Kasparov, qui dira le contraire. Il ne le pourrait pas de toute façon : il vient de passer cinq jours en prison pour opposition à Vladimir Poutine et doit être surveillé par des imperméables dissimulant mal des agents du FSB… Tant et si bien d’ailleurs qu’il vient de jeter l’éponge pour les élections de mars. Pressions ?…

Les prix devraient se maintenir l’an prochain
Ceci dit, me direz-vous, on constate que le déficit de rhodium se réduit constamment depuis 2005. Alors, bientôt le retour des excédents et des prix en baisse ? Ecoutons ce qu’en pense notre analyste préféré, Wolfgang Wrzesniok-Rossbach, salarié émérite du fondeur-affineur allemand de métaux précieux Heraeus : le 15 novembre, il écrivait : "le déficit de rhodium de 4 000 oz constaté cette année pourrait croître rapidement si les difficultés de production persistent en Afrique du Sud. Cette incertitude est probablement l’une des raisons pour lesquelles Johnson Matthey prévoit que les prix resteront élevés cette année comme l’année prochaine".

Une nouvelle rubrique dédiée aux ETF
Pour finir, nous avons constaté avec surprise qu’une nouvelle rubrique est apparue tout à la fin de l’Interim Review de Johnson Matthey. Nous avons vérifié sur les numéros de ces deux dernières années, pas de doute possible : la fin de la partie "Perspectives" comporte dorénavant une toute nouvelle rubrique ETF. Tiens donc. Ceux qui prétendent que les investisseurs ne jouent aucun rôle dans la hausse des matières premières devraient être saisis par le doute…

Car un événement mondial est arrivé cette année : Johnson Matthey écrit que les premiers ETF sur les métaux platinoïdes (enfin, des ETC, des "matières premières négociées en Bourse") ont été lancés en Europe en avril et en mai derniers. Ces fonds sont "100% gagés sur du métal physique", et non sur des produits dérivés. Les lingots qui constituent la contrepartie des parts d’ETF sont donc retirés du marché industriel.

Même les fonds de pension s’y mettent
Ces tout nouveaux produits semblent trouver preneur : selon Johnson Matthey, le fonds de pension du groupe pharmaceutique suisse Novartis a déclaré son intention d’investir sur des fonds de PGM cotés en Suisse. Pratique : la Suisse est une place de marché importante pour le négoce des métaux précieux. Ce qui facilite la tâche de la Banque cantonale de Zurich (ZKB), qui propose des ETF sur le platine et le palladium.

Outre ZKB, c’est l’incontournable ETF Securities, basé à Londres, qui propose lui aussi des ETC sur ces deux cousins platinoïdes. A ce jour, nous recensons donc quatre fonds de PGM, au Royaume-Uni et en Suisse. Aux Etats-Unis, la SEC n’a pu empêcher des ETF sur l’or et l’argent, qui ont connu le succès, mais elle bloque ceux qui pourraient porter sur les PGM.

Johnson Matthey tente de se rassurer : "aucun de ces fonds n’est exposé aux métaux platinoïdes mineurs", comme le rhodium, l’iridium ou le ruthénium. Le marché est trop étroit, sans doute. Enfin, pour le moment…

Meilleures salutations,

Emmanuel Gentilhomme
Pour la Chronique Agora

(*) Journaliste et rédacteur financier, Emmanuel Gentilhomme a déjà collaboré à plusieurs reprises avec le Journal des Finances et la Société Générale. Il suit de près les marchés boursiers européens et étrangers, mais s’intéresse également à la macro-économie et à tous les domaines de l’investissement — et notamment aux ressources naturelles. 

[NDLR : Isabelle Mouilleseaux et toute son équipe vous communiquent quotidiennement les dernières nouvelles du marché des matières premières, et vous expliquent comment profiter de ce qui promet d’être le plus grand boom du 21ème siècle… Pour profiter de leurs conseils, rien de plus simple : il suffit de vous inscrire à L’Edito Matières Premières. Cliquez simplement ici, laissez-vous guider… et n’oubliez pas : c’est entièrement GRATUIT !]

source : www.edito-matieres-premieres.fr/0130/metaux-precieux/rhodium-metal-cours-monte.html

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