La Chronique Agora

Le retour du Grand Gouvernement

** Le G20 s’est terminé à Londres, et les résultats ont été accueillis avec ravissement par les participants et les médias. Mais en regardant la photo de groupe, nous n’avons pu nous empêcher de penser que ces messieurs-dames n’avaient rien compris (ou qu’ils étaient de très bons acteurs). Cela ressemblait à une pièce pleine de PDG américains du secteur automobile qui ne verraient pas vraiment la menace existentielle qui plane sur leur institution.

– Nous parlons ici de l’institution gouvernementale. Après tout, c’est la raison pour laquelle le G20 avait lieu. C’était pour que le Grand Gouvernement devienne encore plus grand. C’était pour que le Grand Gouvernement utilise la crise comme une chance de mettre le libre-échange aux fers. Et c’était pour que le Grand Gouvernement défende sa façon de s’auto-financer (par le biais de dettes et d’impression de devises).

– Mais nous pensons que nous devons au moins vous informer de ce sur quoi les dirigeants du G20 sont tombés d’accord. Ils ont triplé le pouvoir de prêt du Fonds monétaire international, qui est passé à 750 milliards de dollars américains. Cela se fait principalement sous la forme de pays créditeurs, comme par exemple le Japon, qui prêtent de l’argent au FMI pour que celui-ci puisse en prêter aux pays débiteurs, comme le Mexique. Des prêts pour faire des prêts.

– Ils ont également étendu de 250 milliards de dollars les droits de tirages spéciaux (DTS), qui constituent une nouvelle réserve de devise plutôt obscure. Personne ne sait vraiment ce que cela signifie pour l’instant, ni où cela nous mène.

– D’après ce que nous savons, pour le reste, ils n’ont fait que frapper sur le secteur privé. Un nouveau Conseil de stabilité financière va être créé au FMI pour garder un oeil sur les nouveaux accords passés sur la régulation des fonds de couverture et le traitement des paradis fiscaux. Les Français voulaient épingler les paradis fiscaux pour non-conformité avec les règles de transparence de l’OCDE… mais les Chinois l’ont apparemment empêché.

** Ce n’est pas nouveau, mais le sommet a remis sur la table un plan annoncé par le FMI l’année dernière, qui consistait à vendre 403 tonnes d’or. Le FMI comptait faire ça l’année dernière pour financer son déficit d’exploitation. Il relance l’idée pour lever des fonds. Gordon Brown a déclaré : "l’or du monde va désormais être utilisé pour aider les pauvres du monde".

– Cet effort commun du G20 pour regonfler la bulle du crédit, vendre de l’or et augmenter les dettes et les dépenses, va-t-il entraîner un rebond temporaire des actions et une liquidation de l’or ?

– Un jour ne fait pas une tendance, mais il vaut la peine que l’on remarque qu’après avoir plongé sous les 900 $, l’or est remonté dans son embarcation et l’a stabilisée. Et maintenant ?

– Laissons les dirigeants du G20 savourer leur instant d’autocongratulation sous le soleil du Nouvel Ordre mondial. Leur plan est un échec parce qu’il accuse la crise du crédit d’être responsable de la dérégulation, la fraude, les marchés libres, et les mauvais banquiers. C’est une tentative délibérée visant à taire les origines réelles de la crise du crédit et de la récession/dépression à laquelle nous sommes maintenant confrontés : le boom du crédit qui l’a précédée.

– Les gouvernements eux-mêmes ont été largement responsables de ce boom du crédit. Leurs baisses de taux d’intérêt et leur système monétaire mondial indexé sur le dollar ont entraîné une explosion de l’argent, du crédit, et inévitablement, de l’effet de levier, de la prise de risque et maintenant, des pertes. Ils essayent d’empêcher ces pertes en injectant plus d’argent emprunté dans la récession pour tenter de la "combattre".

– C’est stupide. "Une récession est une période de liquidation qui suit un cycle inflationniste", écrit Harry Browne dans How You can Profit From the Coming Devaluation ["Comment tirer avantage de la dévaluation à venir", ndlr.]. Et il a tout à fait raison.

– Ne vous méprenez pas. La cupidité et une mauvaise régulation ont certainement joué un rôle important dans le boom du crédit. L’effet de levier était autorisé sans surveillance. Les limites de prêts étaient très souples et dans de nombreux cas, inexistantes. Les agences de notation ont donné des notations de crédit en plaqué or à des actifs collatéraux fourgués par Wall Street à des fonds de pension, des compagnies d’assurance et des banques centrales.

– Des erreurs ont été faites. Mais il est clair que les dirigeants du G20 n’ont aucune envie d’admettre leur responsabilité dans la formation de la bulle du crédit qui a maintenant éclaté. Il est politiquement inacceptable de subir une récession qui liquide les mauvais investissements. Cela signifie que vous devez cesser de prétendre que les mauvais actifs bancaires sont seulement "affaiblis" et admettre qu’ils ne valent qu’une fraction de leur valeur nominale.

– Au lieu de quoi on voit le G20 renforcer la position du gouvernement en tant qu’institution la plus puissante et la plus intrusive dans votre vie économique. Leurs efforts d’harmonisation fiscale devraient normalement être considérés comme une complicité anti-concurrentielle. Mais en montrant du doigt les pays qui offrent des impôts bas et en les traitant de renégats, ils espèrent vous empêcher (d’un point de vue pratique) de transférer votre argent et vos actifs dans des pays où les capitaux sont bien traités.

– Donc oui. C’est toujours la même chose. S’accaparer la richesse et la puissance. Voler l’avenir en empruntant. Détrousser les épargnants par le biais de l’inflation. Utiliser le pouvoir coercitif de la loi pour atteindre ses objectifs. Et boire, manger, et voyager aux dépens des contribuables pour couronner le tout.

– D’un point de vue réaliste, nous pensons que cette contre-attaque pour parer à la deuxième vague de la crise du crédit vous donne le temps de vendre vos actions durant le rebond et de diversifier vos actifs en anticipation de la dévaluation et de l’inflation à venir. Dans l’absolu, la crédibilité des gouvernements nationaux et de leurs devises sera trop usée et abîmée pour qu’on la répare, basée sur des politiques monétaires et fiscales sans avenir.

– Le FMI vend peut-être de l’or. Mais nous devons reconnaître que beaucoup de gens sont heureux de l’acheter. Avec l’expansion massive de la relance mondiale, de l’emprunt, de la dépense, nous approchons de la prochaine étape de cette crise. Et nous pensons que quand le G20 va de nouveau se réunir à New York en septembre, les dirigeants risquent de ne plus être aussi souriants.

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