La Chronique Agora

Le retour de l'ours russe (1)

Par Dan Amoss (*)

Imaginez que vous êtes un citoyen russe d’âge mûr. Vous avez survécu aux dangers de l’Union soviétique. Vos parents et vos grands-parents ont dû vivre sous le joug constant de la menace de l’état absolu. A l’école, vos professeurs affirmaient que votre gouvernement construisait une société meilleure et plus juste.

Mais lorsque vous avez intégré le monde du travail, vous aviez déjà réalisé que les Soviétiques ne parvenaient à construire que des conditions idéales pour des pénuries et le marché noir. Sans prix ou profits, l’économie était destinée à s’effondrer, et tout le monde serait alors égal — également pauvre. En 1991, l’Union soviétique finit par être officiellement dissoute. Mais vos souffrances continuèrent alors que vous vous frayiez un chemin dans le chaos économique des années 90. La productivité économique a continué à chuter jusqu’à ce que la crise financière de 1998 mette votre pays au bord de la faillite.

Mais depuis, les choses se sont améliorées. Depuis 2000, le président Vladimir Poutine s’est révélé être un facteur fort — quoique controversé — dans la restauration de la fierté et de la prépondérance russe. Les tactiques cavalières de Poutine ne vous choquent pas, parce que vous pensez que le relèvement de la Russie nécessite des actions vigoureuses. Mais l’Occident a du mal à comprendre votre expérience. Les Occidentaux ne réalisent pas combien les Russes se sentaient démunis avant l’arrivée de Poutine.

Quel que soit l’opinion de l’Ouest sur votre président, Poutine est un héros là où ça compte — dans son propre pays. Il est si populaire et si puissant que le magazine TIME l’a nommé "Homme de l’Année". La devise est forte, la bourse est en hausse et Poutine veut que le boom continue.

Le Financial Times rapporte que le gouvernement russe soutient un plan visant à investir 1 000 milliards de dollars, soit environ la taille de son PIB, pour moderniser son infrastructure au cours des 10 prochaines années. La majeure partie de cet investissement proviendrait de sources privées, un changement très clair par rapport aux jours de l’URSS.
 
La Russie suivra la tendance des autres pays émergents en établissant son propre "fonds souverain". Les bénéfices des exportations que le gouvernement russe avait mis à l’abri dans des bons du Trésor US commenceront à couler dans des projets d’infrastructure et de ressources naturelles, avec des rendements de long terme plus élevés. Il est probable qu’une partie de cet argent finira par arriver à Gazprom, le monopole du gaz naturel contrôlé par l’Etat.

Ces derniers temps, Poutine a planté un décor qui permettra de consolider ses gains politiques. Il a parrainé son protégé Dmitri Medvedev, pour les élections présidentielles russes de mars 2008. Ce parrainage a mené Medvedev à la victoire ; accessoirement ce dernier est aussi, comme par hasard, le président de Gazprom.

Dans le cadre de sa stratégie de consolidation, Poutine sera Premier ministre dans l’administration Medvedev. Il y a même un précédent légal qui permettrait à Poutine de retrouver son poste actuel — le président Eltsine a démissionné en décembre 1999, passant les rênes du pouvoir à Poutine. Medvedev pourrait faire la même chose.

Certains soupçonnent que la part de Poutine dans l’avenir de Gazprom dépasse de loin sa relation avec le président Medvedev. En novembre 2007, le Moscow Times décrivait la position personnelle supposée de Poutine : "Stanislav Belkovsky, l’initié bien placé qui a lancé la campagne du Kremlin contre Ioukos en 2003, a fait des affirmations spécifiques sur la richesse de Poutine. Il a déclaré que Poutine possédait… 4,5% de Gazprom, [une part de 13 milliards de dollars]".

Que ces rumeurs soient vraies ou non, Gazprom restera probablement l’entreprise la plus politiquement influente bien loin dans le futur. Gazprom obtiendra ce dont elle a besoin, et ce dont elle a besoin maintenant, c’est d’accélérer son activité de forage.

Nous verrons demain ce que cela implique…

Meilleures salutations,

Dan Amoss
Pour la Chronique Agora

(*) Dan Amoss est rédacteur en chef des lettres Strategic Investment et Strategic Short Report, et contribue régulièrement à la lettre gratuite Whiskey & Gunpowder. Dan a travaillé durant 15 ans pour la firme Investment Counselors of Maryland, conseillers pour l’un des meilleurs fonds d’investissement en petites valeurs.

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