La Chronique Agora

Le retour de "l'indice de la douleur"

** Les actions US ont perdu environ 1 500 milliards de dollars depuis leur sommet en octobre 2007. Dans le monde entier, ce sont 5 000 milliards de dollars environ qui ont disparu des marchés. Les financières… les constructeurs… les sociétés de logistique… les détaillants… l’un après l’autre, les secteurs tombent. Et les nouvelles sont quasiment toutes mauvaises : saisies, ventes de maisons, chômage, confiance des consommateurs, inflation… pertes… déclins…

* "La douleur grimpe en flèche", titrait le Los Angeles Times. Nous ne savons pas de quoi l’article parlait, mais cela nous a rappelé "l’indice de douleur" des années 70 et 80. Il suffisait d’additionner le taux d’inflation et le taux de chômage ; le résultat donnait une bonne indication de la souffrance des gens.

* Les 25 dernières années ont vu le déclin de "l’indice de douleur" aux Etats-Unis. L’inflation a baissé, dans son ensemble. Et le chômage a atteint des niveaux si minimes que les économistes ne pensaient pas qu’il était possible de descendre plus bas. "Plein emploi", a-t-on décrété. Mais à présent, le taux d’inflation a retrouvé les niveaux qui ont fait paniquer Richard Nixon et Arthur Burns au début des années 70. Ils ont imposé des contrôles de prix avec un IPC de 4,4% — à peu près son niveau actuel.

* Aujourd’hui, l’indice de douleur frôle les 10, selon nos calculs… On n’est pas encore aux niveaux des années 70, mais on s’approche (l’indice avait atteint un sommet sous Jimmy Carter, à 21,98). Sauf que cette fois-ci, ce n’est pas l’inflation qui fait paniquer la Fed… ce sont la récession et la déflation.

* Les années 70 ont été marquées par des tentatives — largement symboliques — de contrôler l’inflation. Après les tristes contrôles de prix de Nixon sont arrivés les lamentables badges "Bottez les fesses de l’inflation" de Gerald Ford. Plus tard, Jimmy Carter affirmerait que les causes de l’inflation étaient un mystère quasi-complet.

* A présent, les années qui viennent seront probablement marquées par des tentatives largement symboliques et frauduleuses de contrôler la déflation — à voir…

* "Je dirais que nous sommes déjà en récession", déclarait Jack Rivkin, qui contrôle 126 milliards de dollars à New York en tant que directeur de l’investissement chez Neuberger Berman, lors d’un entretien sur Bloomberg Television. "Il y a de fortes chances que les bénéfices soient en baisse en 2008".

* Même les souvenirs sont en plein marché baissier.

* "L’inquiétude grandit quant au fait que les beaux jours n’étaient qu’un mirage", titre le New York Times. Ah ha… la presse grand public commence enfin à se mettre au diapason de ce que nous disons depuis cinq ans. Le boom était bidon… c’était une fraude… une escroquerie… une arnaque et un attrape-nigauds. On aurait dit un aigrefin bien rôdé qui flattait les classes moyennes avec des liquidités et du crédit — pour mieux leur faire les poches. Les gens pensaient s’enrichir — telle est l’illusion que les politiques d’assouplissement monétaire sont censées créer — si bien qu’ils ont augmenté leurs dépenses et se sont endettés encore plus profondément. A présent, ils se retrouvent confrontés à une récession sérieuse, alors qu’ils sont dans le pire état financier de toute leur histoire.

* Et pendant ce temps, le pétrole et l’or grimpent comme des geysers !

** De toute évidence, il était temps que la vapeur se renverse un peu… qu’il se produise une petite correction… qu’on annonce quelques bonnes nouvelles, pour que le lumpeninvestoriat reste désorienté et plein d’espoir.

* Le Dow est donc remonté. "La Fed contrôle la situation", se sont dit les nigauds. "Mettez la musique à fond… il est l’heure d’acheter !"

* La chose la plus difficile, concernant le boom bidon de 2002-2007, c’est que si on le comprenait vraiment, on perdait généralement de l’argent. A part l’or et le pétrole, qui ont grimpé comme on pouvait s’y attendre, rien d’autre ne coopérait. "Je n’achèterais pas une maison à de tels prix", disiez-vous à votre voisin. Et ce crétin achetait une maison… qui grimpait de 50% supplémentaires. "Les actions sont trop dangereuses, à de tels niveaux", disiez-vous à votre beau-frère — lequel s’empressait d’acheter Google et de gagner une fortune. "Je n’investirais pas dans la Chine", vous disiez-vous à vous-même (parce que plus personne ne vous écoutait)… et la bourse de Shanghai se remettait à grimper.

* Les années de boom ont été difficiles pour les gens intelligents. Il valait mieux être idiot ; on gagnait plus d’argent.

* Mais à présent, les gens qui ont gagné de l’argent durant le boom sont de retour. "Le pire est passé", se disent-ils. "Il faut acheter à ces niveaux", en déduisent-ils. "Ne luttez pas contre la Fed", claironnent-ils.

* Mais alors que la prospérité bidon récompense la stupidité — durant les périodes de réelle adversité, c’est l’intelligence qui a la prime.

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