** Ce n’est pas faire injure aux analystes techniques que d’affirmer que les quatre ou cinq dernières oscillations successives du CAC 40 ou de l’Eurotop 100 qui ont atteint ou dépassé les 2% d’amplitude — et parfois à deux reprises au sein d’une même séance, comme ce fut le cas mercredi puis jeudi dernier — leur permettent de soutenir avec le même aplomb une thèse et son contraire depuis le début de la semaine, c’est-à-dire la poursuite de la hausse en direction des 5 220/5 260 points ou la rechute sur les 4 650 points.
Ce n’est pas faire preuve d’un esprit sarcastique que d’affirmer que les indices boursiers prennent systématiquement le contre-pied du sentiment des stratèges dès que ces derniers pensent avoir déterminé quels facteurs influencent les cours. Nous constatons simplement que les paroles ne collent pas avec la musique, qu’il s’agisse de l’impact — positif ou négatif — imputé à la publication des trimestriels, de statistiques macroéconomiques ou de la spéculation qui se déchaîne sur les matières premières et les céréales.
La tonne de riz de qualité thaï vient de franchir le cap des 1 000 $ la tonne, soit un décuplement de son cours en cinq ans. Seul le "vil plomb" a fait mieux dans l’intervalle.
Ne cherchez pas le rapport, si ce n’est que la Chine, le premier producteur mondial, dévore toutes les quantités extraites hors de ses frontières afin de répondre à la demande mondiale de batteries pour le secteur automobile.
** Nous avouons également être un peu à cours de repères et d’explications rationnelles face aux récentes sautes d’humeur des indices boursiers. Le test des 1,60 par l’euro face au dollar n’a pas empêché le CAC 40 de revenir au contact des 4 950 points mercredi. Le rebond du billet vert (+1,5%) jusque vers 1,565/euro n’a pas non plus empêché ce même indice de rechuter sur les 4 860 points — en prévision d’une consolidation de Wall Street qui se trouvait complètement démentie dès les premiers échanges à New York.
La bourse de Paris se morfondait jeudi matin à la lecture des dernières prévisions de croissance de Peugeot, Schneider, PPR ou de valeurs emblématiques comme Amazon, Apple ou Starbucks ; ces trois géants planétaires ont lancé presque simultanément un profit warning mercredi soir. La place parisienne a cependant soudain retrouvé le sourire avec les résultats de Ford et la confirmation de ses objectifs pour 2008 ; cela n’engage à rien, la direction pourra toujours rectifier le tir ultérieurement en invoquant le durcissement du marché du crédit pour justifier des ventes inférieures aux prévisions.
L’embellie survenue ce jeudi vers 14h30 puisait en partie sa source dans la hausse de 1,5% des commandes de biens durables (hors transport) au mois de mars aux Etats-Unis. Ce bref épisode d’euphorie — le CAC 40 est remonté de 4 865 points jusque vers 4 940 points — a été très vite douché par les chiffres mensuels relatifs aux ventes de logements neufs.
** La débâcle se poursuit dans le secteur immobilier : les transactions sont en chute libre avec une baisse de 8,5% en mars, c’est-à-dire une chute de 36,6% par rapport à mars 2007, le plus faible score observé depuis 17 ans. Dans le même temps, les invendus explosent — 11 mois de stocks, un record vieux de plus de 27 ans — et les prix baissent de 13,3% en rythme annuel — c’est carrément sans précédent depuis 1929.
Aussitôt, quelques voix s’élèvent pour affirmer que le marché du neuf est probablement tout près de rebondir : il faudrait vraiment se montrer exagérément pessimiste pour imaginer que la situation puisse encore se dégrader en avril !
Eh bien chiche ! Nous prenons les paris !
Nous sommes convaincu que la tension des taux courts — 80 points de mieux depuis la mi-mars — évoquée dans notre Chronique de mardi ne va pas arranger, mais alors pas du tout, les affaires des emprunteurs.
Ce phénomène s’étend aux taux longs (10 ans) qui remontent à 3,82% (contre 3,73% mercredi) tandis que la référence à 30 ans refranchit le cap symbolique des 4,5%.
Ceci va nécessairement impacter négativement les conditions associées aux crédits à taux fixes mais également variables et entraîner le rejet d’un plus grand nombre de dossiers. En outre, les défauts de paiement vont encore s’amplifier à mesure que le prix des maisons neuves chute. Elles se négocient à un prix moyen de 227 600 $ contre plus de 282 000 $ au sommet de la bulle : les acheteurs voient moins grand !
** Vous le constatez, nous pourrions dresser aujourd’hui encore un fastidieux inventaire des causes probables d’une sévère rechute des indices boursiers mais ce n’est pas comme cela que nous pourrions vous convaincre de suivre la stratégie acheteuse que nous défendons sur le Téléphone Rouge* depuis bientôt six semaines. Nous avons profité des trous d’air des dernières 48 heures pour renforcer nos positions avec l’achat d’Alstom à 142 euros puis d’une seconde valeur bancaire revenue tester ses planchers de la mi-avril.
Nous nous sommes fixé comme règle de conduite de ne pas nous montrer trop gourmands… mais la remontée du dollar au-delà des 1,57 euro alors même que l’once d’or rechute symétriquement de 2% (vers 885 $/once) aiguise notre appétit haussier et renforce notre détermination à laisser courir nos gains. Et si deux de nos positions sur douze s’avèrent légèrement perdantes, il s’agit de handicaps qui n’excèdent pas 3%, ce qui se rattrape en quelques minutes dans le climat de volatilité actuelle.
Notre expérience des marchés baissiers — nous avons connu trois épisodes majeurs depuis 1984… en pratiquement 25 ans de carrière — nous incite à penser que la série d’oscillations à laquelle nous venons d’assister entre 4 850 points et 4 950 points pourrait déboucher sur une nouvelle accélération à la hausse ; ce serait le troisième mouvement de la séquence de rebond amorcée sur les 4 415 points à la mi-mars.
En clôturant jeudi au contact des 4 930 points, le CAC 40 préserve l’intégrité de son canal ascendant à court terme. En consolidant à 1% de l’obstacle majeur des 4 980 points, l’indice phare reste en position favorable pour réussir le franchissement des 5 000 points avant la prochaine réunion de la Fed.
Le scénario que nous privilégions est bel et bien celui d’une sortie par le haut d’une structure de type "drapeau", impliquant un potentiel de hausse de 120 points avec les 5 100 points en ligne de mire. Le franchissement des 4 980 points validerait également une figure en "tête/épaules" inversée avec un objectif minimum de 5 260 points.
Si le Nasdaq Composite (+1,1% à mi-séance) remplit bien son office de précurseur de la tendance de Wall Street, alors le franchissement en force de la résistance majeure des 2 412 points devrait précéder le débordement des 1 400 points par le S&P 500 (+1% également jeudi soir dans le sillage des bancaires puis des géants du crédit hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae) et de façon quasi inexorable le cap des 5 000 points par le CAC 40.
Si jamais le moindre grain de sable devait se glisser dans les rouages de la mécanique haussière qui se met en place au détriment des commodities en général et de l’or en particulier, nous ne manquerions pas de procéder sans état d’âme à de larges allègements tout en préconisant la constitution d’une couverture adéquate des portefeuilles.
Mais nous n’avons jamais été aussi proche de gagner notre pari sur un scénario haussier… et nous ferons tout pour en tirer — quoi qu’il advienne — de substantiels profits si les vents boursiers devenaient contraires.
Philippe Béchade,
Paris
*(1,35 euros l’appel + 0,34 euro/minute)