La Chronique Agora

Le quatre est le chiffre de la mort (apparemment)

Cycle, squeeze, sur-réaction et extrêmes… trop d’argent tue l’argent

Bonjour,

▪ « Un taux de chômage à 9% est un mensonge statistique ». Voilà un titre assez accrocheur. Etant donné que je suis méfiant de nature, et que je soupçonne la traîtrise et la trahison à tous les coins de rue, je me propose naturellement de me pencher sur cette affirmation pour confirmer mes pires soupçons.

La mauvaise nouvelle est que c’est en effet une donnée qui fait peur ! Greg Hunter de Etats-UnisWatchdog.com affirme dans un article que, selon John Williams de ShadowStats.com, « si le chômage était calculé de la façon dont le Bureau of Labor Statistics (le Bureau américain des statistiques du travail) le faisait avant 1994, le véritable taux de chômage serait de 22,2% ».

La perspective que plus d’un cinquième de la population active est inactive est assez effrayante. Mais l’inflation des prix à la consommation l’est encore plus, en particulier pour les uns inactifs sur cinq susmentionnés. Et tandis que Michael Pento d’Euro Pacific Capital ne mentionne pas les chômeurs ni leur situation critique face à l’inflation des prix, il remarque : « selon l’analyse économique actuelle, l’inflation est en grande partie quelque chose de subjectif et selon le point de vue choisi, des histoires très différentes apparaissent ».

A ce moment-là je pensais qu’il mentionnerait les chômeurs, ou les pauvres, et leurs difficultés à payer des prix plus élevés sans aucun revenu. Mais il ne l’a pas fait.

Au lieu de cela, il a observé que la situation est pire que je ne le croyais, à cause de la manière dont le gouvernement américain calcule l’inflation. « Aux Etats-Unis », observe-t-il, « la nourriture et les boissons ne représentent que 16,4% du calcul de l’indice des prix à la consommation. Apparemment, les Chinois pensent que les produits de première nécessité devraient représenter plus, allouant une part de 33% aux produits alimentaires. Ces différences de mesure sont en partie responsables du climat d’inflation divergent dans les deux pays et font que la plupart des gens croient que l’inflation est volatile et localisée ».

Elle ne l’est pas et M. Pento le reconnaît. Dans une phrase quasiment poétique il affirme : « de mon point de vue, l’inflation est une vague mondiale qui en fin de compte submergera tous les rivages ».

Je suis certain que M. Pento a raison parce que chaque pays Sur Cette Terre (SCT) est, de façon désespérante, en train de créer encore et encore plus d’argent. Et l’argent trouvera finalement son chemin jusqu’au lieu où il sera le mieux traité et/ou aura les meilleures perspectives ; et dans ce cas, ce lieu, c’est Bob.

Oups ! Je voulais dire « la Chine ». Désolé ! Bob est juste un type qui appartient à mon sombre passé et qui a mieux traité ma petite amie que moi. De façon inattendue, elle m’a quitté pour s’enfuir avec lui. Tout ça pour vous dire que l’argent va là où il est le mieux traité, lui aussi. Vous pouvez voir à quel point j’ai pu être déconcerté, en colère et j’ai fait le voeu de les retrouver pour leur faire payer le prix terrible leur trahison, un serment que vous aviez presque oublié jusqu’à présent.

▪ En parlant de la Chine, Terry Lawrence, rédacteur d’une lettre d’information, nous rappelle qu’Obama est le 44e président des Etats-Unis, et qu’en dialecte cantonais, le chiffre quatre ressemble au mot qui désigne la mort.

Naturellement, je désapprouve les gens qui ont peur du chiffre quatre. Ils devraient plutôt avoir peur du chiffre 13, en particulier des vendredi 13, comme tout le monde. Ou sinon, ils devraient avoir au moins peur de la création excessive d’argent par le gouvernement parce que cela signifie une telle inflation des prix alimentaires et de l’énergie que les gens finiront par en mourir !

Au contraire, je n’ai jamais entendu que quelqu’un ait jamais été tué par le chiffre quatre, à moins que ce ne soit à cause d’un chiffre en métal apposé sur un immeuble qui se soit subitement détaché, et qui, en tombant, frappe la tête d’un pauvre type qui marchait sur le trottoir en dessous, le tuant sur le coup. Il y a du sang partout et c’était, j’en tremble d’effroi, le chiffre quatre ! Croyez-le ou pas !

Apparemment, personne n’a apprécié ma digression ou comment cette histoire atroce d’une étrangeté superstitieuse que je viens de vous raconter est l’un des nombreux mystères de l’univers, y compris comment « en dialecte cantonais, 44 est la double mort ».

A nouveau, j’ouvre une parenthèse pour remarquer que cette « double mort » est déjà connue par tous ceux qui ont deux enfants ! Ha ha ha !

Bien, personne n’a ri à mon trait d’esprit. C’est pourquoi, pour ajouter un peu de punch à mon discours, j’ai décidé de faire dans le style Las Vegas ! « Et notre malheureux concurrent Louie à une table de craps sur le Glamour Strip de Las Vegas essaie d’impressionner deux belles filles dotées de magnifiques longues jambes en ‘faisant huit avec un hard way’. Il affronte la roulette russe de la mort avec une chance sur 36 de tirer un double quatre, tout en risquant la mort à un contre six par tirage d’un craps, tout ça pour gagner un minable enjeu de un pour 10 s’il réussit !  Mais même alors, c’est mieux que la probabilité de la Réserve fédérale de créer de l’inflation dans la masse monétaire sans générer une inflation des prix, pour laquelle les probabilités sont littéralement infiniment proche de zéro ! »

« Et même alors, la probabilité d’éviter la catastrophe est supérieure à celle d’avoir des gosses et espérer ne pas devenir complètement fou ! Ha ha ha ! »

A nouveau, personne n’a ri. Je reconnais que ce n’est pas là mon meilleur niveau mais, de mauvaise humeur, j’ai injustement décidé de les punir tous en ne leur conseillant pas d’acheter de l’or et de l’argent-métal pour se protéger de l’horrible inflation assurée par cette Réserve fédérale Qui Crée Tant d’Argent (QCTA).

Ainsi, ce sera moi qui rirai le dernier ! Moi ! Ha ha ha ha ! Moi ! Ha ha ha !

Soudain, je me rends compte : « youpi ! Investir et se venger, c’est facile ! »

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Les riches ont des problèmes

Bill Bonner

 

▪ Nous nous attendons à une phase de vente… soit à la fin du QE2… soit en anticipation. Quand arrivera-t-elle ? Nous n’en savons rien, mais elle ne nous fera pas attendre éternellement.

En attendant, nous voyons de plus en plus de tirades anti-riches dans la presse. La plupart des gens détestent les riches. Pourquoi pas, après tout ?

Les riches sont doués pour s’accaparer toutes les bonnes choses de la vie. C’est pour ça qu’ils sont riches, finalement.

A eux les belles maisons. Les belles voitures. Les belles filles.

Vous les voyez profiter de la vie en classe affaires, tandis que vous vous faites des courbatures en économie. Vous les voyez ranger leurs Mercedes et leurs Audi dans leurs grands garages, tandis que vous devez vous contenter d’un humble monospace. Leurs épouses ont toujours l’air de sortir d’un institut de beauté…

Leurs actions grimpent… tandis que vous avez toutes les peines du monde à trouver un travail !

Les riches apprennent à manipuler le système à leur avantage. C’est comme ça que marchent toujours les choses. L’argent aime le pouvoir. Le pouvoir aime l’argent. En général, ils trouvent le moyen de fonctionner ensemble.

Les riches gémissent sur la quantité d’impôts qu’ils paient. Ils se lamentent sur les propositions de « ponctionner les riches ». Ils râlent au sujet des « distributions » aux zombies. Mais ils ont probablement plus de contrôle qu’il apparaît.

Prenez Mark Zuckerberg, par exemple, P-DG du site Facebook. Voilà quelqu’un qui dit qu’il serait « OK » si on augmentait ses impôts sur le revenu. Sous cet aspect, il rejoint le choeur constitué de Warren Buffett, Ted Turner et autres bonnes âmes.

Eh bien, devinez quoi. Vous savez pourquoi une augmentation du taux d’imposition sur les revenus ne les dérange pas ? C’est parce qu’ils sont si riches que l’utilité marginale de l’argent frôle le zéro pour eux. Ils ne remarqueront même pas cette hausse. L’argent compte à peine quand on en a autant qu’eux. C’est comme une boule de neige en plus pour un Esquimau. Ça ne fait aucune différence.

De toute façon, ils ne paient pas grand-chose en impôts sur le revenu. Leur richesse est généralement en actions. Et la majeure partie de leur argent provient de plus-values boursières, qui ne sont pas taxées comme des revenus normaux.

▪ Nous avons vu passer un article de Vanity Fair, il y a quelques semaines. Il expliquait que 1% des ménages américains gagnaient désormais près d’un quart de tous les revenus… et contrôlait 40% de la richesse du pays. Les gens les plus riches ont vu leurs revenus augmenter de 18% au cours de la dernière décennie. Aux niveaux intermédiaires et bas, en revanche, les revenus ont en fait baissé. Un grand nombre des meilleurs emplois sont passés à l’étranger… tandis que le coût de la vie continue de grimper.

Les riches deviennent plus riches que jamais. Les classes moyennes ont du mal à joindre les deux bouts. Prenez le carburant à 4 $ le gallon. Pour un riche de New York ou San Francisco, ça n’a guère d’importance. Mais c’est quasiment vital pour un fermier d’Alabama ou de Géorgie.

Si vous êtes riche, faites attention. Parce que tôt ou tard, les foules vont piger ce qui leur est arrivé. Elles vont alors se soulever et vous courir après. Ce ne sera pas joli.

Les gens vont finir par comprendre comment les choses fonctionnent. Ils verront comment les « riches » — ou au moins quelques-uns d’entre eux — ont comploté avec le gouvernement pour dépouiller les classes moyennes et inférieures. Pas exactement intentionnellement. Cela impliquait plus de stupidité que de ruse. Mais voilà ce qui s’est passé.

Les autorités ont créé le système monétaire basé sur le dollar en 1971. Les gains en termes de salaire ont pris fin trois ans plus tard.

La Fed a maintenu les taux d’intérêt artificiellement bas… et sapé le pouvoir d’achat du dollar. Il était plus raisonnable de dépenser que d’épargner.

Cela a érodé les avantages de la construction de capital — que ce soit sous la forme de machines ou de formation des travailleurs. L’argent facile a dévalorisé le labeur, la patience et l’épargne nécessaires pour créer une industrie à haute valeur ajoutée. Les Américains sont devenus de bons consommateurs, non de bons producteurs. Dans la mesure où ils ne produisaient pas des produits de haute qualité, ils ne pouvaient exiger des salaires élevés. De plus en plus, la main-d’oeuvre est passée à des emplois de service à salaire bas demandant peu de formation et peu d’investissement… tandis que les travailleurs faisaient leurs courses dans des magasins discount.

Pendant ce temps, les impôts sur les plus-values ont été réduits, et les profits des entreprises ont augmenté à mesure que les emplois étaient délocalisés vers des économies où les salaires étaient moins chers.

Les classes moyennes et inférieurs ont été prises au piège par la dette, en particulier des prêts hypothécaires subventionnés par le gouvernement fédéral. Les autorités ont ensuite transformé l’industrie financière en gigantesque hedge fund.

Le génie d’un hedge fund est dû aux mathématiques. Si j’investis votre argent et que je prends 20% des gains, ça ressemble à un accord honnête. Je ne gagne d’argent que si vous en gagnez. Et vous gardez la part du lion. Mais au cours du temps, je finirai par avoir tout votre argent. Parce que vous encaisserez toutes les pertes tandis que je grignote vos gains, année après année.

Les crédits du secteur financier ont mal tourné ; les autorités sont alors intervenues pour les renflouer. A présent, Wall Street profite de l’existence typique d’un hedge fund : « face, je gagne, pile, tu perds ». Le dollar — tout comme le yen — est devenu la devise finançant la spéculation partout dans le monde. Si les spéculations se passent bien, le secteur engrange de gigantesques honoraires. Si elles tournent mal, les autorités prêtent encore plus d’argent aux spéculateurs en détresse — à taux zéro.

Evidemment, nous prenons toujours le parti du plus faible. En plus, nous avons été riche et nous avons été pauvre. Etre riche n’est pas forcément plus amusant, mais au moins, quand vous êtes faible en plus d’être riche, vous n’avez pas de problèmes d’argent.

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Flash krach : un an déjà ! Pour fêter ça, mini-krach des matières premières !

Philippe Béchade

 

▪ Ceux qui lisent les blogs boursiers américains ou qui sont familiers des portails économiques anglo-saxons les plus fréquentés connaissent bien le néologisme permabulls (mot-valise formé des termes permanent et bull, haussier).

Il désigne ces admirateurs béats de l’entreprise de destruction systématique du dollar par la Fed. Selon eux, cela devrait entraîner une hausse éternelle de la Bourse puisque la seule alternative envisageable consiste à arbitrer massivement les bons du Trésor contre des actions… au prétexte que leur capacité à générer de la valeur depuis deux ans n’est qu’un échantillon de ce qui se profile à l’horizon 2015.

Plus les catastrophes ou les bouleversements géopolitiques s’accumulent (Fukushima, faillite des Etats, inflation dans les pays émergents, désintégration du monde arabe), plus les actions démontrent leur caractère de refuge inexpugnable pour l’épargne mondiale.

Les taux se mettent à s’envoler vertigineusement au Brésil, en Russie, en Inde ou en Chine ? Achetez encore plus d’actions. Si elles grimpent encore, c’est que les mauvaises nouvelles sont dans les cours !

Mieux même : une récession en double creux pourrait se confirmer aux Etats-Unis, comme semblent le démontrer les toutes dernières statistiques. De sorte que la Fed ne devrait pas entretenir très longtemps le mystère sur ses intentions d’étendre indéfiniment son programme de rachat de la dette américaine, sans limite de temps ni de quantité.

Cette fausse monnaie sapera encore plus profondément la confiance dans le dollar et les T-Bonds. Cela alimentera un transfert historique de liquidités des fonds de retraite vers Wall Street (ou des émissions obligataires du secteur privé au détriment des titres du Trésor US).

Croulant sous des flots d’argent d’une ampleur jamais observée, en quête de rendement, les entreprises cotées pourront lever en masse tous les fonds qu’elles désirent. Elles pourront investir partout sur la planète sans aucune entrave d’ordre financier et lancer des kyrielles d’OPA.

Et pourquoi pas acheter des pays entiers (terres et gouvernement), comme le fait la Chine sans même chercher à s’en cacher en Afrique ou en Amérique du Sud ? On peut même citer le sud de l’Europe : Pékin s’est offert le port du Pirée… Ce n’est qu’un début : la Grèce est à vendre ou le sera ouvertement dès que débutera la restructuration de sa dette car ses créanciers se montreront alors moins regardants sur la façon dont Athènes les rembourse.

▪ Comme vous le constatez, nous savons notre catéchisme permabull sur le bout des doigts. Nous pourrions même vous en livrer, au risque de vous écoeurer, une version encore plus furieusement optimiste.

Il nous suffit d’imaginer que le Tea Party et les lobbies ultra-libéraux obtiendront du Congrès US la suppression de tous les programmes sociaux, la privatisation quasi intégrale du système de santé (une administration tentaculaire presque soviétique et budgétivore), l’instauration du laisser-faire intégral en matière de transactions financières.

De toute façon, la SEC vient de reconnaître ce mardi qu’elle ne dispose pas des moyens d’assurer ses missions. A quoi bon continuer de financer un organisme inutile à force de prouver sa constante inefficacité… Madoff ne vous a pas suffi ?

La vulgate permabull s’appuie principalement sur le postulat de l’aléa moral. C’est-à-dire la conviction que Ben Bernanke c’est assigné comme mission (et se sent capable) de dominer les cycles économiques comme un bon onduleur régule le courant électrique.

Il suffit pour cela d’ajouter de l’argent — peu importe la quantité — lorsqu’il en est besoin. Ensuite, on éponge les liquidités (n’essayez pas de les convaincre que cela n’arrive jamais) lorsque l’économie repart spontanément sur ses deux jambes.

Oui, le permabull a bien compris — à la différence de certains esprits chagrins qui se cramponnent des principes d’un âge révolu — qu’assigner à une Banque centrale (semi-privée en l’occurrence) la mission de créer de la fausse mornifle, c’est la solution à tous les problèmes et le garant d’une prospérité éternelle des entreprises.

Si vous refusez d’admettre les bienfaits de la monnaie de singe, vous perdrez tout aussi éternellement de l’argent en ne vous ruant pas vers la Bourse dès que vous percevez votre paye mensuelle.

▪ C’est pourquoi Wall Street, malgré un déluge de mauvais indicateurs économiques (ou grâce à eux !), revenait à l’équilibre à la mi-séance hier. Les marchés américains avaient pourtant chuté jeudi matin jusqu’à perdre 1% après deux heures de cotation.

Mais la lourdeur refaisait surface à deux heures de la clôture. Quand cela commence à partir « dans tous les sens », c’est un signe de nervosité et de remise en cause de la tendance sous-jacente.

Paris et les places européennes ont, il est vrai, limité la casse, avec un repli moyen inférieur à 1% (-0,95%). C’est tout de même une troisième séance de repli consécutive : la correction ramène le CAC 40 au contact du seuil des 4 000 (alors qu’il culminait encore vers 4 115 points hier midi) — c’est-à-dire sur ses niveaux du 20 avril dernier.

Les détenteurs d’actions s’en tirent donc à peu près bien. Ce n’est pas le cas de ceux qui spéculaient contre le dollar car l’euro rechutait jeudi soir de 2% vers 1,4550 $. Certains appels de marge vont faire très mal, mais il y a encore plus violent, attendez de lire la suite !

▪ L’écart le plus spectaculaire concerne le pétrole avec une chute de 8% vers 100,5 $, et même 100,4 $ au plus bas du jour. Le baril avait ricoché lundi sous les 115 $ sur le NYMEX : voilà qui commence à ressembler à l’éclatement d’une bulle.

Aucune matière première n’est épargnée, et pas davantage les métaux précieux. L’or chute de 2,5% à 1 475 $. L’argent-métal a pour sa part perdu 8% à 36 $ l’once après un second relèvement des deposits à Chicago.

Ceux qui connaissent par coeur le film Le sucre se souviennent de cette célèbre réplique de Michel Piccoli voyant affluer des boursicoteurs frénétiques : « lundi, on tire la trappe ! »

Il a fallu que les derniers acheteurs se fassent découper à la tronçonneuse pour que les matières premières commencent à faire part de leurs interrogations sur la fragilité apparente de la croissance, la vigueur de la demande, le caractère indésirable des pressions inflationnistes et l’attitude divergente des banques centrales de part et d’autre de l’Atlantique.

La BCE a laissé comme prévu inchangé son taux directeur à 1,25%. Cependant, si le communiqué final lu par Jean-Claude Trichet fait bien référence à une inflation durablement installée au-dessus des objectifs, il ne contient pas la formule clé — « forte vigilance » — qui préfigure chaque mouvement de hausse des taux.

Cela incite les cambistes à supposer que la BCE pourrait attendre que la Fed agisse à son tour avant de donner un second tour de vis (le consensus tablerait sur début juillet). Il en résulte une rechute de 1,5% de l’euro (qui aura donc frôlé les 1,50 $ à 0,5% près la veille) sous le palier des 1,46 face au dollar.

L’autre information clé du jour, ce fut la troisième hausse consécutive du nombre d’inscriptions hebdomadaires au chômage aux Etats-Unis. Le score de la dernière semaine d’avril (+43 000 à 474 000) a laissé les marchés pantois. Ils anticipaient en effet une contraction de 25 000, alors que le nombre total de chômeurs indemnisés repasse de 3,6 à 3,7 millions, au lieu de se stabiliser. Belle entrée en matière pour les statistiques de l’emploi publiées ce vendredi !

▪ Mais l’échec définitif de l’assouplissement quantitatif, l’opium des permabulls, est gravé dans la pierre tombale de l’immobilier. Le rapport de Clear Capital publié hier montre que le prix des logements vient de rechuter sous son précédent plancher historique de mars 2009.

La chute sur les 12 derniers mois est de 5%, ce qui n’est déjà pas brillant. Et la dégringolade atteint en fait 11% sur les neuf derniers mois, c’est-à-dire très précisément depuis que les marchés ont commencé à anticiper la mise en oeuvre du QE2 par la Fed. Ce sont de nouveau plus de 25% des acquéreurs qui perdent de l’argent sur leur maison. Vertigineux !

Quelle note accorderiez-vous au bilan de la Fed, qui se compose aujourd’hui à 70% de créances immobilières douteuses provenant des banques ou des organismes hypothécaires parapublics (et désormais nationalisés) ?

Quelle chance donnez-vous aux permabulls de ne pas se faire hacher menu lorsque la méga-bulle d’actifs actuelle aura fini d’éclater, désintégrant l’argent fictif injecté par la Fed depuis deux ans ?

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Cycle, squeeze, sur-réaction et extrêmes… trop d’argent tue l’argent

Isabelle Mouilleseaux

 

▪ Les matières à des points hauts historiques
Vous le savez, les cours des matières premières ont flambé, poussés à la hausse par La Niña et des stocks étroits pour les softs ; et par des fondamentaux porteurs pour les métaux et le brut. Le tout saupoudré d’une bonne dose de spéculation, ce qui a exacerbé les tendances haussières.

Il fallait bien que les amas d’argent gratuit distribués par le brasseur de dollars (la Fed !) aillent s’investir quelque part. Quand ensuite les autorités de marchés relèvent massivement les appels de marge sur les futures argent, soi-disant pour casser la spéculation, nous nageons en pleine contradiction… pour ne pas dire en plein délire. C’est le côté Jekyll & Hyde des Américains. On ressent cela aussi à chaque fois qu’ils nous disent qu’ils veulent un dollar fort…

Mais revenons au sujet : la plupart des matières sont revenues à leurs sommets historiques ou les ont dépassés. Et pendant que les matières grimpaient à des niveaux record, le dollar lui, s’enfonçait dans les abysses…

▪ Le dollar à des points bas historiques
Le billet vert s’est enfoncé jusqu’à 1,49 $ pour un euro. Le Dollar Index, qui exprime la valeur du dollar contre un panier de monnaies (yen, livre sterling, euro…) est revenu à son point bas historique de 73. Un support qui pour l’instant résiste.

Il y a une loi en Bourse qui, de tout temps, a toujours prévalu : après un excès, il y a toujours un retour vers la moyenne. Nous pourrions bien assister un mouvement de balancier de ce type. Au moins temporairement.

Jekyll & Hyde nous ont poussés vers les extrêmes en « anesthésiant » les investisseurs, le marché pourrait décider unilatéralement de remettre un peu d’ordre dans la maison…
Surtout que…

▪ Les matières premières sont cycliques
Une année, vous verrez une matière gagner 50% à 100%, et l’année suivante, elle chutera de 25% ou 50%. C’est dans la nature même des matières premières. Et c’est aussi ce qui fait leur intérêt. Nous avons la plupart du temps des directionnels forts dont on peut profiter, tant à la hausse qu’à la baisse.

Revenons au côté cyclique des matières… Qu’est-ce que cela recouvre au juste ?

Lorsque les prix sont élevés, les producteurs investiront et produiront plus pour « profiter » des prix élevés. Le surplus d’offre arrivant ainsi sur le marché fait baisser les cours. Et lorsque les prix deviennent trop bas, les producteurs ferment leurs mines qui ne sont plus rentables. Moins de capacité de production = moins d’offre sur le marché, les cours finissent alors par remonter.

▪ Haut de cycle ?
Outre la hausse récente des prix des matières, le marché nous a donné deux signaux allant dans le même sens :
– l’introduction en Bourse de Glencore, géant des matières ;
– et le rachat à prix d’or par la minière aurifère Barrick Gold, du producteur de cuivre Equinoxe Ressources.

Maîtrisez vos émotions ; évitez les sur-réactions
Dans la situation actuelle :
– Il ne faut pas être trop confiant. Non, les cours ne montent pas jusqu’au ciel. Que ce soit les commos ou les marchés actions. De même, les cours du dollar ne peuvent pas tomber en ligne droite et sans interruption dans des profondeurs inconnues.
– Il ne faut pas sur-réagir, tout vendre et partir en courant non plus.

Nous n’avons pas beaucoup de visibilité sur ce que sera la politique monétaire américaine au second semestre. Mais nous savons que les situations actuelles sont extrêmes. Donc soyons prudents, et préparons-nous.

L’idée est de glisser d’un cran pour venir s’asseoir sur le siège près de la sortie, au cas où il faudrait sauter de l’avion. Mais pas de sauter de l’avion.

▪ La tendance haussière de fond des matières premières reste intacte, mais…
Mais comme dans toute tendance de fond, aussi solide soit-elle, il y a des corrections temporaires. Nous pourrions assister à l’une d’entre elle.

Voilà pourquoi je recommande depuis un mois à mes lecteurs :
– de prendre partiellement des bénéfices sur vos lignes qui offrent de belles plus-values ;
– de verrouiller vos gains en remontant bien vos stops (à 15%) ;
– de dégager du cash pour réduire l’exposition au marché et donc votre risque, mais aussi pour avoir de quoi acheter à bon compte le moment venu ;
– de vous préparer une liste d’actions/titres survalorisés et fragiles à vendre en cas de retournement ;
– de vous tourner vers le trading qui permet de gagner autant, que les marchés montent OU baissent. Je dirais même qu’ils gagnent plus quand les marchés baissent, car les mouvements de baisse sont plus rapides et violents d’une façon générale.

En clair et sans décodeur, nous restons bien assis dans l’avion. Mais nous préparons notre parachute de manière à être prêt à le déployer, au cas où. Dit autrement : tant que Jekyll & Hyde nous pilotent vers les extrêmes, attachons nos ceintures et profitons-en !

[Isabelle Mouilleseaux rédige chaque jour l’Edito Matières Premières & Devises, une lettre internet gratuite consacrée au marché des matières premières et au marché des devises. Passionnée depuis toujours par la Bourse et par tous les marchés financiers, Isabelle s’est spécialisée dans les matières premières et veut permettre à l’investisseur particulier de découvrir et de comprendre l’investissement sur ce marché, ainsi que celui du Forex.]

Première parution dans l’Edito Matières Premières & Devises le 05/05/2011.

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(©) Les Publications Agora France, 2002-2011

 

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