La Chronique Agora

Le printemps fut austère, l’automne s’annonce glacial

▪ Nous avions conclu la précédente chronique par la question suivante : « les actions n’ont-elles pas été arrachées cyniquement à la hausse uniquement pour mieux rebaisser ? »

La journée de mercredi nous apporte un commencement de réponse avec une rechute de 1,7% du CAC 40, avec 100% de titres en baisse. L’EuroStoxx 50 a terminé dans le rouge lui aussi, avec 95% de repli.

En recul modéré durant les deux premiers tiers de la séance, les indices ont dévissé de 1% en quelques secondes à la lecture de la statistique relative aux ventes de logements neufs au mois de mai. Elles ont dégringolé de près de 33% pour atteindre un plancher historique de 300 000 transactions en rythme annuel, au lieu des 410 000 anticipées).

Le département du Commerce US a révisé à la hausse les ventes du mois d’avril, à 446 000 unités. Cela n’occulte cependant pas un recul de 19% des ventes par rapport à mai 2009 — et le climat dans l’immobilier était déjà loin d’être faste à l’époque, après le plongeon abyssal observé en 2008.

L’arrêt de la prime fiscale de 8 000 $ offerte aux primo-accédants s’avère bien plus pénalisante que Wall Street l’anticipait. Ce trou d’air de -33% démontre à quel point la « reprise » observée en début d’année reste fragile et manque de véritable assise dès que les aides directes et autres cadeaux fiscaux arrivent en fin de parcours.

L’économie américaine ressemble de plus en plus à un véhicule supposé en panne de batterie et qui, lorsque l’on branche les cosses sur la dépanneuse, parvient effectivement à redémarrer en toussotant… mais dont il apparaît rapidement évident que les bougies sont mortes, que le carburateur est engorgé d’impuretés et que les cylindres sont cuits après avoir surchauffé depuis 2005 et manqué de lubrifiant à partir de fin février 2007.

Face à de tels symptômes, des mécanos diagnostiqueraient sobrement que le moteur a « serré », ce qui signifie que toutes les pièces vitales doivent être remplacées.

Dans ces conditions, il revient bien moins cher de changer tout le bloc moteur… Il est tout à fait inutile de rajouter après coup des litres d’huile et d’installer un nouveau réservoir de plus grande contenance puisque le carburant qu’il contient ne sera pas brûlé.

▪ De l’huile, l’Allemagne a continué d’en jeter sur le feu dans le dossier grec. Ce qui devait arriver arriva donc : le rendement des bons du Trésor à 10 ans s’enflamme et passe la barre des 10%.

Le ministre de l’Economie Georges Papaconstantinou affirmait mercredi matin qu’il n’était pas inquiet au sujet la prochaine opération de refinancement présentée par Athènes. Les marchés lui ont malgré tout adressé une sévère motion de défiance qui augure mal des prochaines levées de fonds du Trésor… mais également de l’ensemble des banques helléniques.

Autre facteur qui a troublé les marchés : les rumeurs de possible hausse de taux en Angleterre, sur fond de mesures d’austérité sans précédent. Le raisonnement sous-jacent est le suivant : alors que les aides sociales vont être rabotées et la fiscalité alourdie, il ne faudrait pas que les consommateurs se retrouvent de surcroît pénalisés par l’inflation.

Cette dernière avait atteint un taux de 3,7% au mois d’avril en Angleterre, soit son plus haut niveau depuis 20 ans. Elle s’était ensuite tassée à 3,4% en mai grâce au repli ponctuel et salutaire des prix de l’énergie, lesquels devraient fortement rebondir au mois de juin. Non seulement l’objectif moyen terme fixé à 2% par la Banque d’Angleterre sera impossible à tenir… mais la barre des 4% pourrait être franchie avant le milieu de l’été.

▪ Il ne faut pas chercher ailleurs les causes de la flambée de la livre sterling, avec +1% face à l’euro et +0,6% face au dollar hier. Et comme à chaque fois que l’aversion au risque refait son apparition sur les marchés, c’est l’euro qui trinque et cède du terrain face au billet vert. L’écart à la baisse n’est pas spectaculaire, mais avec -0,3%, c’est le support court terme des 1,225 $ qui est enfoncé, ce qui présage peut-être d’une rechute jusque sur 1,215 $.

De nouveau, beaucoup d’observateurs s’étonnent que le dollar se raffermisse après la publication coup sur coup de deux mauvais chiffres immobiliers mardi et mercredi. Ils remettent pourtant en question le scénario d’une poursuite du rebond économique aux Etats-Unis.

Et si un doute était encore permis à ce sujet, les stocks américains de pétrole brut se sont nettement regonflés la semaine dernière, d’après les derniers chiffres du département de l’Energie. Contre toute attente, les stocks de brut ont progressé de deux millions de barils à l’issue de la semaine du 18 juin, alors que les économistes attendaient logiquement un recul de 900 000 barils (n’oublions pas que la « driving season » bat désormais son plein).

L’or noir a immédiatement dévissé de 1,5% à New York. Il s’inscrivait en repli de 2,5% à la mi-journée sur le NYMEX, une petite fraction de ce repli étant également imputable à l’euro.

▪ Pour en revenir à l’image du véhicule en panne et dont le moteur a rendu l’âme, il semblerait également que de nombreux Américains ont décidé de ménager la mécanique de leurs voitures encore valides et d’économiser le carburant. Ceux qui n’ont plus d’emploi ne sont plus obligés de rouler et la marche à pied est devenu l’une des activités à la mode chez les salariés les mieux lotis en 2010.

Un trek dans les Rocheuses avec une semaine de ravitaillement dans le sac à dos ou une traversée de l’Arizona sous un soleil de plomb (façon stage de survie) sont devenus des must pour les Américains de la classe moyenne supérieure. Ils entendent ainsi se mettre à l’unisson de la « vie simple » prônée par les détracteurs de la société de surconsommation et du gâchis de carburant : serait-ce une heureuse séquelle de l’effet « marée noire » ?

Se désaccoutumer de son 4×4, de sa Lexus ou des grosses berlines allemandes, c’est bon pour la santé. Cela permet également de regarnir un peu le bas de laine avant d’aborder une rentrée qui sera marquée, à n’en pas douter, par une cascade de mauvaises surprises en matière de taxes locales et fédérales puis de hausse de la fiscalité personnelle aux Etats-Unis…

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