La Chronique Agora

Le pétrole à 95 $ ?

** Le prix du pétrole baisse. Il est encore proche de son sommet historique, bien entendu — mais il glisse…

* "Le pétrole est une bulle prête à éclater", déclarent certains analystes. "Pas du tout, le pétrole réagit simplement à l’offre et à la demande", affirment d’autres.

* Quel est le fin mot de l’histoire ?

* Comme d’habitude, vous pouvez compter sur vos rédacteurs de la Chronique Agora pour vous le révéler — net, propre et sans bavures.

* Le problème, c’est que le monde réel est toujours un peu faussé. Il y a des taches. Et les bavures, c’est bien connu, sont fréquentes.

* Sur le marché pétrolier, nous voyons à la fois une bulle… et une matière première utile réagissant aux forces économiques. Si vous voulez voir une "bulle pure", regardez la folie des tulipes en Hollande, l’affaire du Mississippi en France ou la débâcle des dot.com à New York. C’étaient des bulles "pures" parce que ni les tulipes, ni les actions du Mississippi, ni les dot.com n’avaient de véritable valeur économique. Leurs prix étaient basés à 100% sur la spéculation — et non sur l’offre et la demande. Et il n’est donc rien resté lorsque la spéculation a disparu. Leurs cours pouvaient revenir à zéro, en d’autres termes.

* Le prix du pétrole arrivera-t-il à zéro ? Non… aucune chance. Si le marché du pétrole est dans une bulle, c’est une bulle nuancée de trois conditions très importantes : 1) le pétrole est peut-être la ressource naturelle la plus utile au monde ; 2) de plus en plus de gens en veulent ; 3) il est évalué en grande partie en dollars dont la valeur, par rapport à tout le reste, est en train de baisser.

* Normalement, on peut mettre de côté les deux premières conditions. Tout le monde sait que le pétrole est utile. Tout le monde sait que les Chinois, les Indiens et tous les autres étrangers en deviennent dépendants — tout comme les Occidentaux ces 50 dernières années. Ces conditions ne surprennent personne… et les marchés peuvent en faire abstraction. Elles étaient évidentes sur les places pétrolières il y a deux ans… elles sont évidentes aujourd’hui.

* Bien entendu, même si elles sont évidentes, cela ne signifie pas pour autant que les investisseurs s’en sont aperçus. Et sur le marché pétrolier actuel, on dirait que les investisseurs réalisent soudain quelque chose qu’ils auraient dû comprendre il y a bien longtemps. Mais nous pensons que la véritable surprise, pour la plupart des investisseurs, est la troisième condition. Au cours des 15 dernières années — une période connue sous le nom de Grande Modération — l’inflation semblait faire une longue sieste. L’orchestre jouait fort. On faisait circuler les boissons. Tout le monde était à la fête — sauf l’inflation. Peut-être n’est-elle pas en ville, se sont dit certains. Ou peut-être qu’elle est morte. En tout cas, l’inflation était absente.

* Et puis la vieille rabat-joie est arrivée — et les gens ont commencé à chercher leurs manteaux et à se dire au revoir.

* "Les prix à la consommation subissent leur hausse la plus élevée de ces 26 dernières années", titrait un article révélateur mercredi. Même le Wall Street Journal annonçait une hausse des prix — à 2 $ le numéro.

** Si vous êtes un nabab du pétrole dont le seul actif consiste en 100 milliards de dollars de pétrole enfouis sous les sables du désert, vous faites attention. Le dollar a perdu environ 25% de son pouvoir d’achat — selon la mesure utilisée — au cours des cinq dernières années. Si les taux d’inflation restent les mêmes, notre malheureux nabab risque de perdre plus de 25 milliards de dollars d’ici 2013. S’il ne pense pas faire de bonnes affaires aux cours actuels, il est susceptible de réduire un peu le débit de son pipe-line — diminuant la production jusqu’à ce que le prix grimpe.

* D’un autre côté, si le prix du pétrole grimpe assez, il pensera probablement qu’il devrait en profiter tant que ça dure. Il augmentera alors la production — faisant baisser le cours.

* Nous avons tendance à penser que le marché a probablement eu une réaction excessive par rapport aux circonstances. Lorsque les investisseurs ont réalisé à quel point la demande augmentait… ils ont fait grimper les prix. Quand ils ont vu à quel point l’inflation augmentait… ils ont encore fait grimper les prix. Enfin, lorsque les spéculateurs ont vu les prix grimper à ce point, ils les ont poussés plus haut encore.

* A présent, le pétrole est mûr pour une correction. Il y a dix ans, une once d’or achetait environ 10 barils de pétrole. Aujourd’hui, elle n’en achète plus que sept. Comme le pétrole, l’or a réagi à l’augmentation du taux d’inflation. Quant au reste, il y est probablement indifférent. Donc si l’on ajuste le prix du pétrole à l’inflation, il devrait probablement se vendre 95 $ le baril environ.

* En ce qui concerne les forces de l’offre et de la demande — M. le Marché en sait plus long que nous. Mais M. le Marché, en dépit de toute son expérience, a tendance à en faire un peu trop. Sa réaction a probablement été excessive face à l’augmentation de la demande mondiale. Désormais, la croissance décline partout dans le monde ; là aussi, sa réaction risque d’être excessive.

* Alors où ira le prix du pétrole ? Nous aimerions pouvoir vous le dire. Il pourrait tout à fait passer sous les 100 $. Mais il ne sombrera jamais aussi bas qu’une dot.com effondrée ou un bulbe de tulipe écrasé.

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