** Quand un papillon bat des ailes sur une rive du Pacifique, la théorie du chaos veut qu’il provoque parfois un raz-de-marée à l’autre bout du monde. Et quand un fournisseur d’électricité de l’extrême sud de l’Afrique cesse de produire de l’électricité, le prix des actions du platine du Montana peut atteindre des sommets. Les investisseurs en métaux précieux voudront peut-être, par conséquent, rafraîchir un peu leurs connaissances en ce qui concerne "l’effet papillon"… et garder un œil sur les gros titres des journaux africains.
– Nous n’avons jamais vraiment cru qu’un papillon pouvait provoquer un raz-de-marée, mais les évènements récents en Afrique du Sud mettent notre scepticisme à rude épreuve. Depuis qu’Eskom, le fournisseur en électricité de toute l’Afrique du Sud, a réduit le "jus" dans les mines du pays, le prix du platine a explosé. On vous l’accorde, Eskom n’est pas un papillon, et le platine n’est pas un raz-de-marée, mais il n’empêche qu’un évènement apparemment anodin dans un pays lointain a eut des conséquences importantes dans le monde entier.
– Selon "l’effet papillon" de la théorie du chaos, "des variations minimes dans les conditions initiales d’un système dynamique non linéaire entraînent des variations à long terme dans le comportement de ce système". La crise de l’électricité en Afrique du Sud répond à cette théorie. Après qu’Eskom ait réduit l’approvisionnement des mines en électricité de "seulement" 10%, le prix du platine est monté en flèche, passant de 300 $ à plus de 1 840 $ l’once. Cette augmentation impressionnante est sans aucun doute une "variation importante" du comportement. La question que se pose désormais le monde de l’investissement, c’est si l’augmentation du prix du platine va devenir une variation "à long terme".
** "Quand Eskom, producteur d’électricité pour l’Afrique du Sud, a coupé le courant", explique notre expert en ressources naturelles, Byron King, "toutes les plus grandes mines souterraines de platine du pays ont fermé. Etant donné que l’Afrique du Sud contrôle près de 70% du nouveau rendement en métaux du groupe du platine, les prix de tous ces métaux ont grimpé, tandis que les utilisateurs industriels et les spéculateurs s’inquiétaient pour la sécurité des approvisionnements".
– La semaine dernière, le platine a atteint un nouveau plafond de 1 851 $ l’once, pendant que le rhodium battait un nouveau record, à 7 410 $ l’once. A moins que la production sud-africaine ne reprenne bientôt, ces records pourraient devenir une habitude.
– "Les mines sud-africaines ont presque toutes cessé leurs opérations d’extraction et de traitement, seules les mines de charbon fonctionnent encore", explique Byron. "BHP et AngloAmerican continuent de fonctionner pour fournir du charbon à Eskom. Même le pionnier du charbon liquéfié (CTL) Sasol a dû réduire sa production de carburant liquide. (La plupart des avions sud africains fonctionnent au CTL, cette crise va donc bientôt avoir un impact sur le transport aérien dans la région)".
– Les entreprises d’Afrique du Sud qui produisent du platine n’ont pas pu maintenir la production, elles n’ont donc que très peu bénéficié de cette explosion des prix du platine. Mais à des milliers de kilomètres au nord-ouest, une compagnie minière du Montana a bien profité de l’aubaine. Stillwater Mining, la seule entreprise productrice de platine — et de métaux de même catégorie — de tous les Etats-Unis, se retrouve dans une situation très enviable : du platine plein le sol, et du courant en surface. Les actions de l’entreprise battent en ce moment des records.
– Malheureusement pour l’industrie minière sud-africaine — mais heureusement pour Stillwater — Eskom ne semble pas être en mesure de subvenir aux besoins en électricité du pays, et ce pour un bon moment encore. Le fournisseur en électricité a mis en route un programme pour construire de nouveaux sites. Mais ces centrales ne devraient pas être opérationnelles avant 2012 ou 2013.
– "A plus court terme", nous dit Byron King, "Eskom promet de fournir 90% des besoins des mines. Mais quand les gestionnaires du courant disent ‘nous ne réduisons l’approvisionnement que de 10%, pour accorder 90% de la consommation habituelle’, ils ne sont pas honnêtes. Pour que les mines fonctionnent, il leur faut un niveau d’approvisionnement de base. Par exemple, dans le secteur minier, les mines profondes nécessitent 50% du courant uniquement pour les fonctions essentielles… les pompes à eau et l’aération. Les 50% restants servent à transporter les mineurs et les métaux. Une réduction de 10% correspond à au moins 20% du courant nécessaire, ne serait-ce que pour creuser un trou. Et ce n’est qu’une approche linéaire du point de vue en question. Une réduction de 10% pourrait causer beaucoup plus qu’une chute de 20% de la productivité".
– Byron conclut : "la crise de l’électricité en Afrique du Sud est un problème sérieux pour le secteur du platine, à la fois sur le moyen et sur le long terme. Quasiment tous les nouveaux projets de mines de platine sont en Afrique du Sud. Si l’électricité doit être rationnée (ce qui sera apparemment le cas dans la prochaine décennie), les nouveaux projets de mines risquent de se retrouver tout en bas de la liste des priorités. Etant donné la domination de l’Afrique du Sud dans ce secteur, le platine et le rhodium risquent de devenir des métaux très rares au moins jusqu’en 2013, peut-être même après".
– Prenez donc une chaise : le marché haussier du platine pourrait durer encore un moment.