La Chronique Agora

Le mois où Wall Street n'a jamais eu aussi peur

Par Frédéric Laurent (*)

Septembre 2001, le monde apprenait avec stupeur l’effondrement des tours du World Trade Center à New York et la géopolitique s’en trouvait changée pour les décennies à venir.

Septembre 2008 : un ouragan sans précédent depuis 1929 vient dévaster la planète finance et son épicentre se trouve à Wall Street. La bourrasque financière a tout emporté sur son passage. On ne réconforte pas les victimes, mais on comptabilise ceux qui sont encore en vie. La débâcle des marchés a eu raison de Lehman Brothers qui, acculé par les pertes, a dû se déclarer en faillite en concertation avec le Trésor américain. Ce dernier n’a pas voulu le sauver dans les mêmes conditions que Bear Stearns en début d’année…

Lehman Brothers est la plus grosse faillite financière de l’histoire avec ses 120 milliards de dollars de dette. Malgré des recherches actives, il n’a su trouver repreneur à temps. Il va falloir des semaines avant que tous les établissements financiers mondiaux fassent leurs comptes et trouvent les lignes correspondant aux contrats passés avec Lehman… L’impact sera forcément très lourd et il est impossible aujourd’hui de connaître avec précision les montants dont les établissements pourront être remboursés.

En 24 heures, deux des plus grandes banques d’affaires, Lehman Brothers et Merrill Lynch, ont disparu de la scène financière. Deux institutions centenaires. C’est triste.

Seules Goldman Sachs et Morgan Stanley font figure de survivants au milieu des victimes du séisme qui vient d’ébranler la planète finance. Un véritable jeu de quilles. Au suivant ! Et malgré des résultats meilleurs que ceux attendus, Morgan Stanley se trouve entraîné dans les pires inquiétudes concernant les dérivés de crédit qui pourraient bien l’obliger à fusionner avec une banque traditionnelle…

Jamais Wall Street n’a eu aussi peur
Après la faillite de Lehman Brothers, un vent de panique a saisi les marchés américains quant à la possible faillite d’AIG, le troisième assureur mondial, dont les conséquences auraient été dramatiques et complètements incontrôlables. Acculée, la Fed a décidé de prêter in extremis 85 milliards de dollars à l’assureur pour lui éviter la faillite. Celle-ci aurait eu de graves conséquences non seulement sur les marchés, mais également auprès des 74 millions de clients qui composent le portefeuille AIG. Quatre jours plus tôt, elle avait refusé toute intervention directe en faveur du sauvetage de Lehman Brothers en état de faillite et avait précisé que les assureurs n’étaient pas de son ressort. En contrepartie du prêt, l’Etat américain recevra 79,9% du capital de l’assureur. Cette nouvelle nationalisation de facto fait suite à celle de la semaine dernière concernant nos brillants Fannie et Freddie. 5 000 milliards de garantie de prêts hypothécaires pour les deux géants, et des actifs de l’assureur qui s’élèvent à 1 060 milliards de dollars. Les Etats-Unis, hier colosse mondial, reposent sur des pieds d’argiles qui s’effritent.

On a, encore une fois, évité non pas une simple crise de plus… mais bien l’anéantissement du système financier américain (et donc mondial ?). Ces interventions devraient permettre de détendre les taux du crédit immobilier, ce qui profitera aux ménages qui sont endettés à taux variables. Mais la crise n’est pas finie pour autant.

Les stocks de maisons invendues restent très importants, et la détérioration du marché de l’emploi aux Etats-Unis ne devrait pas stimuler la demande. Or dans le même temps, l’économie se dégrade de part et d’autre de l’Atlantique.

Mieux vaut donc éviter d’investir aujourd’hui sur les actions. Continuez à vous renforcer sur l’or… Cela représente la seule véritable alternative de précaution. Il reste encore trop d’incertitudes pour se positionner et les marchés devraient continuer à souffrir au cours des trois prochains mois. Ensuite, pourquoi pas vers la fin de l’année, il sera temps de revenir progressivement sur les marchés actions pour anticiper la sortie de crise que nous ne voyons pas avant la seconde partie de 2009.

A qui peut-on faire confiance ?
Telle est la question. Vitale pourtant si l’on se réfère à la psychologie des marchés. Comment investir dans quelque chose ou sur quelqu’un si vous n’avez pas confiance ? Impossible. Le problème est que les banquiers, tout comme les politiques, ne parlent que la langue de bois.

Les frasques des banquiers de Natixis, SG ou Bear Stearns sont bien connues. Même combat pour nos politiques comme Christine Lagarde qui n’hésite pas à déclarer : "la crise de l’immobilier et la crise financière semblent ne pas avoir d’effet sur l’économie réelle américaine" sur Europe 1 en novembre 2007. Admettons qu’à cette époque et sans vouloir lui jeter la pierre, les différents responsables n’avaient pas évalué la profondeur de la crise qui s’était mise en place. Mais alors… que penser de sa plus déclaration sur BFM du 20 août 20008 : "je pense que le gros de la crise est derrière nous".

Les seuls mots qui me viennent à l’esprit sont "aberrant" et "inquiétant". Que notre ministre des Finances puisse faire de telles déclarations sans doute pour rassurer le petit peuple… On a tout de suite une arrière-pensée : elle nous prend pour des idiots. Et surtout cela me rappelle la classe politique de l’époque qui déclarait, la main sur le coeur, que le nuage de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières.

Après la panique, l’euphorie : le casino boursier perd la boule
Le plan gouvernemental a été publié au terme d’une folle semaine marquée par la panique puis l’euphorie des Bourses.

Le président George W. Bush lui-même a expliqué samedi aux Américains que l’énormité sans précédent des sommes engagées amènerait à relever le plafond de la dette américaine à quelque 11 300 milliards de dollars. Et que c’était nécessaire pour éviter le coût encore plus énorme qu’aurait une crise généralisée. 

1 000 milliards de dollars pour sauver la planète finance
En fait, le plan du secrétaire au Trésor, Henry Paulson vise à mettre en place une immense structure de "défaisance". Il prend exemple sur notre CDR qui gérait les actifs pourris du Crédit Lyonnais (hum, cela doit vous rappeler quelque chose !)… mais en 25 fois, voire probablement 50 fois plus important ! Cette structure aura pour rôle de recueillir l’ensemble des actifs dépréciés des établissements financiers américains, invendables actuellement.

Cette mesure forte marque la volonté des politiques et des autorités régulatrices de mettre fin aux défaillances successives sur fond de rumeurs qui venaient mettre en péril l’équilibre du système financier mondial.

Meilleures salutations,

Frédéric Laurent
Pour la Chronique Agora

(*) Frédéric travaille depuis plus de 20 ans dans la gestion de patrimoine. Il a fait ses débuts dans une société d’assurance avant de s’intéresser de plus près à la finance et aux marchés. Il a alors travaillé pendant quelque temps pour Merrill Lynch, puis s’est exilé au Luxembourg, où il a appris jusqu’aux moindres détails de la gestion de fortune et de patrimoine.

Frédéric a ensuite fondé sa propre société de gestion de patrimoine. Cela lui permet de mener ce qu’il considère comme une véritable mission : aider les investisseurs comme vous à prendre réellement soin de leur patrimoine — le protéger, le faire croître quoi qu’il arrive… sans prendre de risques. C’est ce qu’il fait semaine après semaine dans le cadre du service Protection & Rendement : n’attendez pas pour profiter de ses conseils, vos finances  pourraient s’en trouver transformées !

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