** Une fois encore, les statistiques économiques sont venues peser — très lourd — sur les cours boursiers hier. Oui, la récession est bel et bien là ; on peut jouer sur les mots, compter les dixièmes de points entre "récession technique" et "croissance", voir qui "y est" et qui n’ "y est pas" (le Japon étant le dernier arrivé dans la première catégorie)… il n’en demeure pas moins que la crise est mondiale, que l’effet domino est en train de se propager, que de nombreuses entreprises vont mettre la clé sous la porte, et que la consommation chute à pic tandis que les taux de chômage augmentent peu à peu.
Il suffit de regarder l’indice d’activité publié hier par la Fed de New York : il a touché un plancher historique ce mois-ci, à -25,4 (contre -24,6 en octobre). Et si la production industrielle américaine a enregistré une hausse de 1,3% (contre 0,2% attendu) le mois dernier… il ne faut pas oublier que sur un an, elle connaît en fait un recul considérable, de 4,1%.
Enfin, nous apprend Investir.fr, "les inquiétudes sur la solidité de l’économie ont également été entretenues par la publication de l’enquête de la Banque fédérale de la réserve de Philadelphie, qui apporte une fois de plus la preuve du pessimisme des économistes du secteur privé. Ils estiment que les Etats-Unis sont entrés en récession au printemps et ils anticipent une forte contraction de l’activité au quatrième trimestre. Ils tablent en moyenne sur la suppression de 222 4000 emplois par mois au cours des trois derniers mois de 2008. Cela correspond à près de cinq fois le chiffre estimé lors de l’enquête réalisée en août (soit 45 400)".
Ah, et n’oublions pas la Confédération de l’industrie britannique ! D’après elle, la crise qui frappe la Grande-Bretagne devrait être la pire de ces trente dernières années (rappelons au passage que l’Allemagne trouve déjà que sa propre crise est "la pire de ces douze dernières années") ; on ne prévoit pas moins de trois millions de chômeurs britanniques en 2009.
** Avec de tels coups de massue, comment s’étonner de voir les marchés plonger ? Le CAC 40 a ainsi perdu 3,32% sur la journée d’hier, terminant à 3 182,03 points, tandis que le Footsie londonien abandonnait 2,83% et qu’à Francfort, le DAX chutait de 3,25%.
De l’autre côté de l’Atlantique, le Dow Jones a chuté de 2,63%, clôturant à 8 273,58 points ; le Nasdaq a quant à lui perdu 2,29%, à 1 482,05 points. Enfin, le S&P 500 a terminé la journée à 850,75 points, soit une chute de 2,58% sur la séance.
"C’est la deuxième plus mauvaise clôture de l’année pour le CAC 40", me disait Philippe Béchade hier soir au téléphone (Philippe est immobilisé pour des raisons médicales… mais cela ne l’empêche pas de rester vissé à CNBC, BFM et autres Bloomberg !). "On a fermé le gap du 28 octobre ; l’indice est revenu toucher un troisième plancher annuel. C’est donc un ‘triple test’ d’un point clé, formant un triple bottom très net". Ce fameux triple bottom pourrait être le signal d’un retournement… mais il se pourrait aussi qu’on enfonce la résistance à la baisse — et dans ce cas, où s’arrêtera-t-on ?
Pour Philippe, les choses sont claires : "pourquoi est-ce qu’on continue de baisser ? Parce que le G20 n’a débouché sur rien, à cause de la rigidité d’Angela Merkel".
L’Allemagne continue de s’arc-bouter sur les principes monétaristes de Maastricht, pro-BCE, anti-déficits, alors que ce qu’il faudrait, c’est se concentrer sur la relance. Comme le disait Philippe, "selon l’Allemagne, ces principes sont censés nous empêcher d’aller dans le mur — sauf que dans le mur, on y est déjà !"
Le manque de souplesse de l’Allemagne peut s’expliquer en partie par un problème d’électorat. En effet, si l’on examine la situation telle qu’elle est actuellement, nos voisins d’outre-Rhin sont ceux, parmi l’Union européenne, qui ont le moins besoin d’un plan de relance ; leur industrie automobile, notamment, reste relativement vigoureuse — pourquoi iraient-ils adopter un plan qui les pénalise en aidant leurs concurrents ? Ce n’est pas avec de telles mesures qu’on se fait réélire… surtout si, en plus, parmi les électeurs, se trouvent des monétaristes purs et durs que le spectre de l’inflation fait frémir et à qui les déficits donnent de l’urticaire.
Sauf que… Madame Merkel oublie peut-être un point essentiel : sans relance, la crise deviendra générale ; "la récession se transformera en dépression", continuait Philippe — avec les niveaux de chômage et d’appauvrissement correspondants : "plus personne ne sera en mesure d’acheter les voitures allemandes. Plus une seule vente dans leurs carnets de commande… alors que les Etats-Unis, eux, auront eu leur plan de relance !"
** En attendant, la crise a pesé aussi sur le cours du pétrole ; partout, les opérateurs envisagent une chute de la demande. L’OPEP a beau annoncer des baisses de la production, cela ne suffit pas à nourrir un rebond durable de l’or noir… même s’il a terminé dans le vert hier soir : le baril de WTI New York a en effet grimpé de 53 cents, à 55,48 $ (contre 54,95 $ en fin de semaine dernière).
L’or jaune était quant à lui en baisse hier : il a abandonné 11 $ entre le premier et le second fixing de Londres, à 734 $ l’once en fin de journée — alors qu’il était à 747,50 $ vendredi soir.
Enfin, le dollar continue d’être un paradoxe (à mes yeux en tout cas) : alors que c’est la devise la plus fragile, la plus "gonflée" et la plus malmenée par les gens qui sont chargés de la protéger, le billet vert continue d’être considéré comme un "refuge" contre les aléas de l’économie.
Les investisseurs "optent ainsi pour la devise la plus liquide au monde et ce même si l’économie américaine n’échappe pas à la dégradation mondiale", explique Investir.fr. Personnellement, j’y regarderais à deux fois avant de mettre mon argent dans un tel "refuge", mais bon… quoi qu’il en soit, le billet vert est à 1,2622 pour un euro : mais pour combien de temps ?
Françoise Garteiser,
Paris