La Chronique Agora

Le contre-effet de levier

** Jamais dans toute l’histoire de l’économie américaine tant de gens avaient été autant endettés de tant de façons différentes. Maintenant que le crédit fuit l’économie américaine comme les PDG de la finance fuient leurs responsabilités, l’économie va devoir lutter pour sa survie. Et la baisse des prix de l’immobilier ne va pas lui faciliter la tâche.

– L’économie américaine s’est endettée pour faire jouer l’effet de levier… trop endettée… ce qui n’est pas très approprié quand le crédit se fait rare. Sans un nouvel accès à des capitaux empruntés, une entité qui a fait jouer l’effet de levier va devoir lutter pour survivre… et cela se solde souvent par un échec (Bear Stearns illustre parfaitement ce point).

– L’effet de levier est une créature financière bipolaire. Pendant la période de boom, elle offre de délicieux plaisirs. Mais quand l’activité économique se contracte, l’effet de levier donne des coups de fouets et répand la misère… et l’économie américaine n’est pas préparée à être ainsi maltraitée. L’économie américaine, dirigée par un secteur financier imprudent, a trop fait jouer l’effet de levier… beaucoup trop.

– Même avec de généreuses suppositions sur la valeur des capitaux figurant aux bilans des banques, les dirigeants du secteur financier américain doivent 40 $ pour chaque dollar de capitaux qu’ils possèdent. Et n’oublions pas ce qu’ils possèdent : des mauvais prêts, des produits dérivés affaiblis, et un labyrinthe d’actions financières complexes valorisées selon les critères très objectifs de l’imagination des spécialistes. N’oublions pas non plus que même après tous les renflouements et toutes les baisses de taux désespérées de la Fed, le secteur financier américain comptabilise près de deux fois plus de dettes qu’il y a trois ans, et près de trois fois plus de dettes qu’il y a dix ans.

– Où voulons-nous en venir ?

– A ça : toutes les bulles se dégonflent un jour… et la bulle du crédit américain ne fera pas exception.

** L’Ere de l’Effet de levier excessif a pris fin l’été dernier ; à présent, l’heure de dénouer toutes les positions perdantes est arrivée. Ce sera nettement moins amusant.

– Au cours des cinq dernières années, les sociétés financières américaines et les particuliers se sont laissés entraîner dans une boulimie frénétique d’emprunts. Ils ont fait jouer l’effet de levier au maximum. Les banques et les sociétés de courtage ont fait jouer l’effet de levier pour remplir leur mandat : optimiser les rendements pour leurs dirigeants. Et les particuliers ont fait jouer l’effet de levier pour ajouter de la superficie à leurs maisons, des 4×4 et des retraites karmiques dans l’Himalaya du rêve américain standard.

– A mesure que les Etats-Unis dénouent leurs positions, l’économie américaine va sans aucun doute vaciller. Les banques vont vendre tout ce qu’elles peuvent vendre — y compris des parts d’elles mêmes — pour lever des capitaux. Les particuliers vont vendre tout ce qu’ils peuvent vendre — y compris les toits au dessus de leurs têtes — pour lever des capitaux. Les membres les plus faibles de ces deux groupes vont faire faillite, ce qui va faire encore plus baisser les prix des actions que les survivants endettés tenteront encore de vendre.

– Dans le meilleur des cas, la valeur des actions va doucement continuer à sombrer. Plus probablement, la valeur des actions va chuter rapidement, à mesure que l’économie laisse fuir le crédit. Ce processus de contraction du crédit va presque certainement entraver la croissance économique et mettre en péril la survie de toutes les institutions financières et de tous les particuliers endettés.

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile