La Chronique Agora

Le cimetière des grandes idées

Par Simone Wapler (*)

Aujourd’hui, nous abordons le sujet de la sortie de crise par l’émission monétaire. Trop de liquidité enivre et c’est bien ce qui nous ennuie.

Cette idée consiste à dire (ou écrire) en substance :
– 1. l’économie tourne avec la consommation. Fait incontestable ;
– 2. lorsque la consommation ralentit, il faut la stimuler. Fait douteux ;
– 3. la façon la plus simple de la stimuler consiste à faciliter le crédit. Croyance dangereuse.

Certes, l’économie tourne grâce à la consommation, c’est exact, mais pas totalement. Supposons une île où habitent un pêcheur, un coiffeur, un médecin et un banquier central. Le pêcheur pêche et vend sa production. Le coiffeur coupe les cheveux et le médecin soigne. Ils vivent de leurs services. Des coquillages servent de monnaie d’échange. La population est stable, la productivité du pêcheur est correcte. Tout le monde est nourri, a les cheveux bien coupés et se fait soigner. Le nombre de coquillages en circulation reste stable. Fin de l’histoire.

La croissance ne se décrète pas
La consommation seule ne fait pas la croissance. Ou bien alors, il faut admettre que le coiffeur et le médecin deviennent simultanément des goinfres, la pousse des cheveux du pêcheur et du médecin s’accélère par magie et que tout le monde soit constamment malade.

En revanche, si jamais des migrants arrivent sur l’île, le pêcheur a besoin de gagner en productivité. Il lui faudra de nouveaux filets, il devra investir. Ou bien, il lui faudra former un autre pêcheur. Le coiffeur est physiquement limité à un certain nombre de clients par jour. Il engagera un apprenti coiffeur.

L’économie s’organise pour assouvir au mieux les besoins, la consommation. Mais la croissance dépend d’une augmentation des besoins ; elle passe le plus souvent par l’investissement.

Stimuler la consommation sans que les besoins aient fondamentalement changé crée de la croissance illusoire.

Stimuler l’investissement alors qu’il n’y a aucun supplément de demande est également dangereux. Pourquoi le pêcheur pêcherait-il pour jeter ensuite sa production ?

La plupart des gens, sans être des goinfres, aspirent à consommer toujours plus ou mieux. Cependant, la loi du toujours plus et toujours mieux est mise en défaut si la dépense n’est pas financée par du travail.

Croire que l’argent peut se créer sans travail est illusoire
Le malheur est que, dans un régime démocratique, il est très difficile de se faire élire. C’est mission impossible sans promettre toujours plus et toujours mieux. Donc stimuler la consommation avec de l’argent créé à partir de rien reste une éternelle tentation des politiques. C’est pour cela qu’ils ont asservi les banques centrales.

A chaque fois qu’un plan de relance est mis en place, il est financé par de l’émission de dette publique ou de la création de monnaie. Seule la Chine, forte de ses réserves monétaires, peut se permettre de financer son plan cash, contrairement aux Etats-Unis et à l’Europe.

La contrepartie de toute création monétaire a toujours été de l’inflation. Des milliers de milliards de dollars et d’euros ont été imprimés en 2008 pour lutter contre la déflation et imaginer des moyens de stimuler la consommation. Ces milliers de milliards de dollars et d’euros vont nous revenir en boomerang sous forme d’inflation.

Suite et fin de la visite du cimetière dès demain…

Meilleures salutations,

Simone Wapler
Pour la Chronique Agora

(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises ou dans différents rapports d’investissements.
Elle est aussi la rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.

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