La Chronique Agora

Le cimetière des grandes idées (1)

Par Simone Wapler (*)

Il faut reconnaître que 2008 fut une année riche en idées stupides. La plupart de ces idées tournaient autour des plans de relance susceptibles de fouetter une économie en panne, ou autour des hypothèses de sortie de crise.

Dans le cimetière des grandes idées, nous nous recueillons d’abord sur la tombe du rebond américain.

L’improbable rebond américain
Cette idée consiste à dire (ou écrire) en substance :
– 1. l’économie des Etats-Unis est bien plus dynamique que l’économie européenne. Cette proposition est incontestable ;
– 2. c’est la plus grosse économie du monde. Elle tourne sur la consommation intérieure de centaines de millions de citoyens riches. Il s’agit ici d’une vérité partielle ;
– 3. les mesures gouvernementales — baisse des taux et injection d’argent — vont porter leurs fruits. Dès que le consommateur américain recommencera à consommer, tout repartira comme avant.

Examinons le point 2. Le carburant de la plus grosse économie du monde n’est pas de la consommation, mais de la surconsommation. C’est là que le bât blesse. Le consommateur américain ne consomme pas de l’argent gagné avec son travail. Il consomme avec de l’argent qu’il n’a pas encore gagné.

L’épargne n’est pas dans sa nature, car il croit que demain sera toujours meilleur qu’aujourd’hui. En Europe, nous nous méfions. Nous savons qu’à l’échelle d’une génération demain n’est pas toujours meilleur que la veille. Nous l’avons appris en vingt siècles de guerres, de famines et d’épidémies. Mais le citoyen américain ne le sait pas. En deux siècles, son pays est passé du stade de colonie de la Grande-Bretagne au stade de première puissance mondiale. Pour lui, il est logique que le futur soit bien plus agréable que le passé.

Comment la surconsommation pourrait-elle repartir ?
A partir du moment où la proposition 2 est fausse, la proposition 3 est impossible. Toute l’économie américaine était, ces dernières années, fondée sur la surconsommation. Le citoyen américain ne peut plus surconsommer, il est maintenant surendetté.

Si le citoyen américain consomme normalement, la croissance américaine sera une croissance molle, comme celle que connaît l’Europe depuis la fin des Trente Glorieuses, depuis donc maintenant presque 30 ans.

Une minute de recueillement sur la tombe de Ford
L’ouvrier de Ford, qui pouvait s’acheter sa voiture par son travail, est mort. Ford n’a d’ailleurs plus beaucoup de clients. Les Etats-Unis tendent vers un modèle à l’européenne : moins de production (on achète en Asie), plus de chômeurs, plus d’assistés. Depuis les années Reagan, les emplois industriels se détruisent régulièrement. En 1980, l’industrie pesait 21,5% du PIB américain. En 2005, elle n’en pesait plus que 12%. Inversement, la part des services financiers passait de 12% à 22%.

Inutile de compter sur les Yankees pour nous sauver et relancer la machine.

Nous verrons la suite dès demain…

Meilleures salutations,

Simone Wapler
Pour la Chronique Agora

(*) Simone Wapler est analyste, journaliste et ingénieur de formation. Elle a déjà contribué à des publications telles que Le Point, Enjeux, Les Echos, Chart’s… Spécialisée dans les valeurs industrielles, les matières premières, les énergies, l’or, les minières Simone Wapler est passionnée par et les investissements "tangibles".
Elle analyse chaque mois le secteur aurifère dans la lettre d’investissement Vos Finances – La Lettre du Patrimoine et elle intervient régulièrement dans l’Edito Matières Premières & Devises ou dans différents rapports d’investissements.
Elle est aussi la rédactrice en chef du magazine MoneyWeek.

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