La Chronique Agora

Le certain, le probable et le pire (2)

La semaine dernière, je vous laissais avec cet alléchant programme :

– identifiez les inconnues inconnues susceptibles de créer une panique ;
– guettez leur confirmation ;
– soyez réactif…
… et vous ferez mieux que le troupeau des bipèdes investisseurs !

Je suis sûre que vous avez passé vos nuits à vous tourner et retourner dans votre lit, que vous vous êtes rongé les ongles à la recherche de la mystérieuse inconnue inconnuece X au carré –, que vous avez fureté fébrilement sur le Web, vous égarant au passage sur des sites qui n’avaient rien à voir avec l’investissement…

Non ? Rien de tout cela ? Ah, misérable ! Toujours aussi paresseux et comptant sur nous pour vous dévoiler le pire. Mais bon, nous vous aimons bien comme cela, cher lecteur, car sinon vous n’auriez pas besoin de nous…

▪ Pourquoi les médias financiers conventionnels sont-ils si optimistes ?
Parce que les mauvaises nouvelles fâchent et sont plus difficiles à vendre que les bonnes nouvelles, tiens pardi ! Parce que les analystes ont forcément un biais optimiste. Parce que les grands médias financiers vivent de publicité et non de la vente d’information ou d’analyse à leurs lecteurs et qu’il est essentiel pour les annonceurs financiers que la situation :

1. soit bonne ;
2. ne puisse que s’améliorer.

Sinon, pourquoi voudriez-vous que les gens confient leur argent et n’aillent pas enfouir leur or dans un trou dans leur jardin ? Je vais vous faire une confidence. Vendredi 9 juillet, j’assistais à un point trimestriel sur les marchés à la Compagnie Financière Edmond de Rothschild. Dans l’assistance, des journalistes.

Etienne Gorgeon, le directeur de la gestion des taux et crédit, (c’est-à-dire le type qui choisit des obligations de par le monde pour les mettre dans les portefeuilles des clients = vaste boulot, surtout en ce moment), présentait une courbe de très long terme de l’évolution du cours des actions MSCI World. Il s’est quasiment excusé : "la maison n’aime pas que je présente cette courbe, car c’est un peu déprimant"…

Sûr : en regardant cette courbe, on pense au Tupperware dans le trou au fond du jardin et on se dit que ce n’est pas plus mal ; au moins, il n’y a pas de frais (à part le Tupperware, comme frais d’entrée) et pas de risque de contrepartie…

Donc voilà pourquoi médias, gérants, analystes doivent tout regarder au travers de lunettes roses et bourrer leurs auditoires de Lexomil.

▪ Qu’est-ce que vous savez que les autres ne savent pas ?
Posé autrement : "l’avantage informationnel" serait une clé de l’investissement.Pardon, cher lecteur-adoré-au-goût-si-sûr puisque vous nous lisez, pour cette traduction très laide de l’expression anglo-saxonne informational advantage. Si chacun connaissait tout, l’investissement n’existerait pas :

– le marché donnerait à chaque actif (actions, obligations, matières premières) son juste prix ;
– rien ne serait sous-évalué ;
– aucun profit ne serait possible ;
– Waterloo, morne plaine…

Mais dans la vraie vie, les choses sont différentes. Exemple : votre neveu travaille dans une des plus grosses mines de cuivre chiliennes. Un glissement de terrain se produit, juste au moment où votre neveu vous appelait pour vous dire que votre frère venait d’avoir eu une attaque. Il s’excuse dans un râle de devoir mettre fin à la communication.

Que savez-vous que les autres ne savent pas ? Si vous me répondez que votre frère va mal, que votre neveu est probablement englouti dans une mine chilienne et qu’il faut absolument téléphoner à votre soeur, vous avez tout faux !

Vous savez que la production de cuivre mondiale va subitement ralentir. Les autres ne le savent pas encore. Vous pouvez vous jeter sur un certificat ou un contrat à terme et vous notez mentalement d’envoyer des fleurs aux enterrements familiaux avec les plus-values.

Ce que les autres ne savent pas n’est pas dans les grands médias. Il faut fouiller les sites professionnels, les sources amonts et réfléchir pour savoir quoi guetter. C’est notre pain quotidien à MoneyWeek.

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