La Chronique Agora

L'avenir de la Chine, c'est la Chine

▪ Je crois que la plupart des Occidentaux seraient choqués de voir à quoi ressemble Pékin aujourd’hui. Un de mes amis, très cultivé et grand voyageur, m’a dit qu’il pensait trouver une ville comparable à Bombay ou Managua. Au lieu de quoi il s’est retrouvé dans une ville comparable à New York ou Chicago.

J’ai envoyé des vidéos des principaux sites de la ville à un autre de mes amis. Après avoir regardé plusieurs de ces vidéos, il m’a écrit : "je crois que beaucoup d’Occidentaux n’ont pas idée de ce qu’est vraiment la Chine au quotidien. Dans la mémoire collective, c’est un pays de pauvres mangeurs de riz… qui grattent la terre en croisant les doigts pour avoir de la chance".

L’une des vidéos que j’ai envoyées montre l’intérieur d’un magasin Carrefour, qui mène en ce moment une opération d’implantation de grande ampleur en Chine. Mon ami m’a ensuite écrit : "et pourtant, il y a un boucher, avec des piles de viande rouge, fraîche, non emballée (ça doit se vendre très vite pour qu’ils la présentent de la sorte)… 30 marques différentes de dentifrices dans les rayons…et plus de 60 caisses où les clients font la queue".

Toutes les marques les plus connues du monde sont disponibles dans les longues allées éclairées au néon. Il faut le voir pour le croire. En cinq ans, depuis la dernière fois que je suis venu, Pékin a complètement changé. Mais la surprise est presque devenue la routine ici.

En 2001, on pensait que la population de Pékin atteindrait les 14 millions d’ici 2040. Ce chiffre a été atteint en 2003. Aujourd’hui, 22 millions de personnes habitent Pékin. En 2001, les experts pensaient que Pékin aurait un million de voitures sur ses routes d’ici 2010… ce chiffre a lui aussi été atteint en 2003. Aujourd’hui, il y a près de cinq millions de voitures sur les routes de Pékin.

La Chine est désormais le plus grand marché automobile du monde et ne va pas tarder à devenir le plus grand marché pour de nombreux produits. C’est également le plus grand marché du monde en matière de téléphones portables. Nous avons vu un nombre hallucinant de Pékinois discuter au téléphone aux caisses des magasins et dans leur voiture, comme on voit tant de gens le faire en Occident.

▪ Mais tout le pays n’en est pas là. Nous sommes allés à 40 minutes du centre-ville, en voiture, et avons visité un petit village qui fait techniquement encore partie de Pékin. Nous avons parcouru des chemins poussiéreux, longé des maisons modestes et un petit temple bouddhiste. Les villageois nous ont souri. Ils ne voient pas beaucoup d’étrangers dans ce coin-là, mais vous pouvez quand même acheter un Coca-Cola et un Snickers dans l’épicerie du village.

Nous avons également eu la chance de rencontrer le maire du village, qui nous a accueillis à bras ouverts et nous a fait visiter sa maison, une petite demeure avec une cour. Nous avons fait une photo de groupe, qu’il nous a demandé de lui envoyer par mail après nous avoir donné son adresse. Certaines de ces maisons n’ont même pas de salle de bains, mais vous pouvez quand même leur envoyer un e-mail.

Voilà pour la Chine, en résumé. L’avancée est inégale — et il y a encore du chemin à faire.

▪ De retour dans le centre de Pékin, nous avons visité une branche de la Bank of China. Il y avait 77 guichets. Au centre de la banque, un distributeur automatique proposait des pièces en or et en argent, comme de simples stylos ou des casquettes publicitaires. Les Chinois achètent plus d’or que n’importe qui. Ils ont récemment dépassé l’Inde.

Je vous raconte tout ça pour vous préparer à une idée clé. Comme l’a récemment dit CLSA, spécialiste de l’investissement en Asie, dans un rapport : "l’avenir de l’Asie est en Asie".

C’est un changement important. Pendant longtemps, l’économie de la Chine (et de l’Asie en général) s’est concentrée sur les services à l’Occident, sur l’exportation. Il s’opère aujourd’hui une transformation : la montée du consommateur asiatique.

Une donnée clé ici, c’est le revenu disponible. CLSA déclare que le nombre d’Asiatiques (hors Japon) avec un revenu disponible de 3 000 $ par an va passer de 570 millions à 945 millions d’ici 2015. Plus de deux tiers de cette augmentation viendra de la Chine.

Comme le remarque CLSA, "les dépenses de consommation de cette classe moyenne vont passer de 2 900 milliards de dollars US à 5 100 milliards de dollars US, avec une contribution de 69% de la part de la Chine, 16% de l’Inde, et 4% de l’Indonésie". D’ici 2014, près de 44% de la population chinoise va atteindre ce seuil des 3 000 $ — une augmentation de 9% par rapport à 2009.

Ces chiffres confirment ce que j’avais déjà deviné au cours de mon voyage. Il y a une quantité énorme de consommateurs qui veulent toutes ces choses que nous tenons pour acquises — comme le dentifrice Colgate, les jeans et les climatiseurs. Cela représente beaucoup d’argent frais — et les entreprises comme Yum! Brands, McDonald’s, Wal-Mart, Carrefour, Starbucks et beaucoup d’autres manoeuvrent en ce moment pour obtenir leur part du butin. Et dans de nombreux cas, ils ont déjà bien développé leur entreprise là-bas. Vous pouvez les voir quand vous vous promenez dans Pékin.

Les services destinés à cette classe moyenne en pleine croissance constitueront un secteur d’investissement non négligeable au cours des prochaines années.

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