La Chronique Agora

Plutôt que Larry Summers, voici qui devrait succéder à Bernanke à la Fed

▪ A la Chronique Agora, nous profitons des chaudes journées d’été pour prendre de l’avance sur les autres investisseurs. Et les autres tout court ! Pas de fausse modestie sur le sujet — il justifie un peu de vantardise. Tandis que d’autres paressent à la plage, nous essayons de comprendre des choses… des choses qu’Aristote aurait manquées… des choses qui ont interloqué Nietzsche. Quelle est vraiment la nature de la civilisation et pourquoi "s’effondre-t-elle" de temps à autre ? Quel est le rôle de l’argent dans les relations entre les gens… et entre une personne et son gouvernement ? Pourquoi les gens intelligents font-ils des choses idiotes, quand n’importe quel imbécile pourrait leur dire qu’ils sont en train de se tromper ?

Ces questions vous semblent-elles trop abstraites, cher lecteur ? Vous vouliez simplement savoir si les actions vont grimper… ou baisser ? Eh bien, un peu de patience : nous allons y arriver — et nous avons une annonce importante à faire.

Ben Bernanke quitte la Fed à la fin de l’année. Les principaux candidats à son remplacement se sont tous pleinement engagés à poursuivre sa politique — laquelle consiste à fournir autant de corde de crédit que nécessaire pour se pendre.

Les gens en viennent à penser ce qu’ils doivent penser quand ils doivent le penser. Quand approche la phase "bout du rouleau" lors d’une catastrophe financière, ils doivent penser qu’ils n’ont pas d’autre choix que de dérouler encore un peu de surface. Les doutes cèdent le pas à une confiance désespérée. On abandonne la réflexion pour l’action.

Tous les candidats annoncés pour le poste de Bernanke — Yellen, Summers et Kohn — sont des croyants. Bien entendu, ils ne seraient jamais arrivés à un tel niveau s’ils doutaient du fait que la planification centrale et les contrôles de prix peuvent fonctionner. Après tout, ils se battent pour planifier toute l’économie américaine en contrôlant son prix le plus important — le prix du crédit.

▪ Larry Summers et l’absence de doute
Le pire de ces candidats est Larry Summers. C’est pour cette raison qu’il a le plus de chances d’obtenir le poste. Des trois, c’est lui qui semble avoir le moins de doutes.

Summers est si souvent décrit comme "brillant" que nous commençons à nous poser des questions sur ce terme. Peut-être sa signification est-elle en train de changer. "Mortel" signifiait autrefois "pouvant entraîner la mort". Désormais, on l’utilise pour décrire des choses géniales, "trop cool". Ainsi, "brillant" pourrait aussi signifier "pas très futé", ce qui décrirait mieux Larry Summers. C’est le Tom Friedman du monde financier — toujours sûr de lui, toujours avec une réponse à tous les problèmes, et toujours légèrement retardé.

Le vrai problème de Summers, c’est qu’il manque de modestie. Il est tellement sûr de savoir ce qui se passe qu’il ne ménage aucune marge d’erreur. Chaque problème a une solution, pense-t-il. Et il la connaît !

Brad DeLong, écrivant dans le Financial Times, juge que tous les principaux candidats à la succession de Bernanke sont "excellents". Il décrit cependant Summers (éditorialiste au Financial Times) comme étant "un peu plus excellent". Les critères de DeLong en la matière semblent se résumer au fait que Summers est "le penseur le plus créatif du moment". Ce qui démontre à quel point le métier de banquier central a changé. Durant la majeure partie de l’histoire, les gens préféraient que leur banquier central manque totalement d’imagination. Le banquier était censé encaisser l’argent… puis le rendre. A l’époque du roi Edouard II en Angleterre, par exemple, si le banquier en chef de la Monnaie royale faisait preuve de créativité avec la devise du royaume, on l’émasculait.

▪ Et vous, vos viscères, ça va ?
Aujourd’hui, DeLong clame que "l’époque n’est pas normale" et que la nouvelle personne à la Fed doit "ressentir la douleur des chômeurs jusque dans ses viscères". Peut-être que l’anglais n’est pas la langue natale de M. DeLong. Ou peut-être pense-t-il vraiment que les chômeurs ont mal aux viscères. Et peut-être pense-t-il enfin que le principal banquier des Etats-Unis doit ressentir ladite douleur.

Pourquoi ? DeLong ne s’explique pas. C’est laissé à notre imagination créative. Nous pouvons supposer que M. DeLong pense que M. Summers est l’homme pour le poste parce que 1) il ressent la douleur de l’Américain sans travail et 2) il a la créativité nécessaire pour aider le pauvre homme à trouver un emploi.

M. Bernanke a eu peu de succès dans ce domaine. Même après avoir fait disparaître neuf millions de personnes de la "main-d’oeuvre", le nombre de chômeurs officiel a à peine bougé. D’un autre côté, peut-être qu’un chef de la Fed plus excellent pourra faire une chose supplémentaire. Mais quoi ? Plus de crédit ? Des taux de prêt plus bas… peut-être sous le zéro ? Plus de créativité dans la banque centrale ?

M. Bernanke n’était-il pas assez créatif ? Dans son enthousiasme pour le Twist, les taux zéro, l’assouplissement quantitatif et autres innovations, il a oublié les bases. Le dollar de 2006, quand il a repris la Fed, ne vaut désormais plus qu’environ 88 cents (en fonction des chiffres que vous décidez de croire). Peut-être que s’il s’en était tenu à l’essentiel, plus de gens auraient un emploi. Après tout, c’est ce que la Fed a fait suite à la Panique de 1907 et la dépression de 1920-1921. Les deux fois, le marché s’est effondré de 50% ou presque. Et les deux fois, le plein emploi était rétabli sous les deux ans.

▪ Et si le prochain président de la Fed était… ?
Ce qui nous amène à notre suggestion. D’abord, retenons les leçons du 13ème siècle. Lorsque Ben Bernanke quittera son poste, qu’on lui coupe les bijoux de famille. Ce sera son cadeau de départ. Après tout, il a échoué à accomplir son travail le plus important — protéger la valeur de la monnaie du pays. Cela servira aussi de rappel à ses successeurs : n’utilisez pas votre imagination ; tenez-vous en à des politiques qui fonctionnent.

Ensuite, en ce qui concerne le service public, votre correspondant est contre. Mais, une fois tous les siècles, il entend la lamentation perçante de la mère-patrie : "aidez-moi, par pitié". Il offre donc ses services.

Oui, cher lecteur, si on nous le demande poliment, nous accepterons le poste de prochain président de la Réserve fédérale. Nous seul, parmi les candidats, avons les qualités nécessaires pour éviter le désastre financier qui approche. Nous seul connaissons le vrai rôle, modeste, de la banque centrale. Et nous avons déjà notre plan d’action.

– Renoncer immédiatement au système fiduciaire de Richard Nixon. Mis en place en 1971, il va bientôt se retrouver à court de temps et à court d’argent.
– Fixer le dollar à l’or au cours actuel de l’or.
– Mettre fin au QE, aux taux zéro et toutes autres tentatives de manipuler les prix, les taux d’intérêt et les marchés.

Aucune pression politique ne saura nous détourner de notre chemin. Ce n’est pas que nous sommes particulièrement noble. Simplement, nous n’en avons cure.

Oui, que les Américains écrivent au Congrès, au Sénat, au président et au Père Noël. Qu’ils leur demandent de soutenir notre candidature au poste de président de la Fed. Nous ne garantissons pas de meilleurs résultats… mais nous garantissons que ce sera plus amusant à observer.

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