** La Bourse de Paris s’est adjugé 0,68% ce mercredi, ce qui porte à 11,1% les gains engrangés depuis lundi matin. Voilà de quoi faire oublier les 8,5% perdus la semaine passée. Ce rebond n’est cependant pas encore décisif, dans la mesure où le CAC 40 clôture à proximité de la MM50 (3 330 points) qui borne à la hausse les évolutions de l’indice depuis les 19 et 22 septembre derniers — et l’ultime test des 4 350 points.
La MM50 se comporte en fait comme une résistance depuis le 6 juin dernier et la cassure des 4 800 points. Ce dernier seuil ne sera plus jamais approché, pas même lors du sursaut du 2 septembre vers les 4 550 points ; le rebond sur les 4 000 points du 17 juillet a été la meilleure porte de sortie de la période estivale.
Alors que nous commencions à croire au rebond vers les 3 700 points d’ici le 20 décembre prochain, voilà que les volumes d’échanges se contractent brutalement de 25% en 24 heures. 3,3 milliards d’euros seulement ont en effet changé de mains hier, après deux belles séances de rachats à bon compte où les échanges avaient porté sur 4,3 puis 4,6 milliards d’euros.
La bonne tenue initiale de Wall Street a largement contribué à faire pencher la balance du côté de la hausse en Europe, après une série d’oscillations entre 4 260 points et 4 320 points. Le Dow Jones gagnait rapidement 2% (contre 2,7% perdus mardi soir) et le Nasdaq affichait jusqu’à 2,3% de hausse (après -1,55% la veille). La tendance est cependant devenue beaucoup plus irrégulière à partir de la mi-journée et les indices américains n’ont pas tardé à reperdre la moitié de leurs gains.
** Assistons-nous à une nouvelle manifestation du phénomène du fait accompli ? Après 72 heures de suspense, la Maison Blanche et la majorité démocrate du Congrès US sont enfin tombés d’accord sur la mise en oeuvre d’un plan d’aide de 15 milliards de dollars en faveur du secteur automobile, avec prise d’effet dès cette semaine.
Mais ce plan pourrait être retoqué par le Sénat où les républicains ultralibéraux demeurent très influents et continuent de se montrer hostiles au "sauvetage des dinosaures" avec l’argent des contribuables.
Ils se sont pourtant fait beaucoup plus discrets lorsque 200 milliards de dollars ont été mobilisés dans l’urgence pour sauver — par voie de renationalisation pure et simple — les GSE (notamment Freddie Mac et Fannie Mae) le week-end des 6 et 7 septembre derniers.
Est-il bien utile de rappeler à nos lecteurs que les GSE se sont longtemps distingués comme de très généreux sponsors de candidats républicains et même comme ancien employeur — dans le cas de Freddie Mac — du directeur de la campagne de John McCain ?
Nous ne saurions accuser les sénateurs les plus intransigeants au sujet du respect des principes libéraux de faire preuve de "sévérité sélective"… mais nous les trouverions plus crédibles s’ils dénonçaient avec la même véhémence les 150 milliards de dollars d’argent publics engloutis — et ce pourrait être en pure perte — dans la tentative de sauvetage d’AIG, autre sponsor notoire de parlementaires républicains "bon teint".
Laxistes avec les ex-toutes puissantes institutions financières américaines, impitoyables avec les firmes automobiles "infestées de communistes et de syndicalistes aux exigences sociales exorbitantes", voilà un peu le sentiment qui transparaît dans les commentaires de la presse américaine modérée, de sensibilité pro-démocrate. Cette bande de journalistes ne sont que de "satanés socialistes" aux yeux de l’aile droite du parti républicain.
** Le Sénat US ne pourra peut-être pas empêcher le vote d’un chèque (c’est en réalité un prêt) de 15 milliards de dollars mais il a réussi à empêcher que l’enveloppe soit plus généreuse. En effet, General Motors réclamait 13 milliards de dollars, Ford 7 milliards de dollars et Chrysler 6 milliards de dollars, soit en tout 26 milliards de dollars… et encore, cette somme était présentée comme un plancher, permettant juste d’assurer leur survie pendant quelques mois.
Très franchement, nous ne pensons pas que les "Big Three" s’en tireront avec cette aumône ! Et il faudrait être inconscient pour imaginer que de profondes restructurations de l’outil industriel et un renouvellement complet de la gamme automobile puissent être menés à bien avec le plan approuvé par les démocrates et G.W. Bush — à moins de délocaliser massivement vers le Mexique et de faire appel à des sous-traitants vietnamiens ou birmans.
General Motors, qui avait déjà beaucoup progressé depuis une semaine, rechutait de 3% à la mi-séance ; et Ford de 4%. Si la crise se prolonge et que les constructeurs sont acculés à un placement sous la protection de l’article 11 de la loi sur les faillites, ce sera le début de la fin car aucune banque ne leur avancera d’argent — sinon à un taux de 20%…. et il mieux vaut ne pas leur prêter un centime car c’est le genre de conditions qui ruine l’emprunteur.
** Les Etats-Unis auront du mal à se tirer du piège de la déflation et du credit crunch… mais l’Europe n’est pas mieux lotie. En France, tout d’abord, la production industrielle a chuté de 2,7% en octobre par rapport à septembre selon l’Insee.
La chute des ventes d’automobiles explique largement cette contre-performance car hors énergie et alimentation (qui demeurent stables), la baisse atteint 3,2%.
L’Italie est officiellement entrée en récession. L’Institut national des statistiques italien, Istat, confirme que le PIB transalpin a reculé de 0,5% au troisième trimestre, après avoir déjà fléchi marginalement au deuxième trimestre.
De même, le PIB du Royaume-Uni aurait reculé de 1% (de septembre à novembre), d’après le National Institute of Economic and Social Research, lequel estimait que ce taux était de -0,8% pour le trimestre clos fin octobre et qu’il sera plus négatif encore au quatrième trimestre.
** Paradoxalement, la remontée du cours du pétrole s’est confirmée pour la deuxième journée consécutive (+7%) ; le baril se rapproche des 45 $. Il s’agit principalement de la prise en compte du risque de voir l’OPEP réduire drastiquement sa production à l’issue de son sommet du 17 décembre prochain car les demi-mesures (comme en novembre) ne fonctionnent pas.
La Banque centrale européenne constate à son tour qu’à force de trainer des pieds, ses baisses de taux a minima n’ont pas eu l’impact technique et psychologique espéré.
Jürgen Stark, membre du directoire de la BCE, reconnaît qu’après sa baisse de taux de 75 points de base du 4 décembre, les marges de manoeuvre en matière d’assouplissement monétaire sont désormais réduites.
Mais même en imaginant que la BCE soit déterminée à ramener son taux directeur de 2,5% à 1%, cela n’augmenterait guère la liquidité du marché interbancaire qui demeure littéralement gelé depuis l’été dernier. Sans oublier que les T-Notes américains à trois mois ont affiché mardi — pour la première fois aux Etats-Unis — un rendement négatif de 0,05%. Cependant, il s’est produit mercredi un sursaut qui donne le tournis à… +0,01%.
Vous l’avez compris, les investisseurs étrangers doivent maintenant payer pour avoir le droit de placer le peu d’argent que le krach leur a laissé sur des bons du Trésor US !
Mais lorsqu’il s’agit d’acquérir un dollar auréolé depuis quelques mois d’une gloire quasi divine, aucune condition de rémunération ne leur semble dissuasive…
Nous parions que ce sont les mêmes qui achetaient du pétrole à 145 $ le baril et du riz au jasmin à 1 000 $ la tonne. Si l’argent n’a pas d’odeur, la ruine, a contrario, a bien une couleur bleuâtre, une texture visqueuse et une saveur vaguement florale.
Si vous rentrez en contact avec quelque chose — ou quelqu’un — qui présente ces caractéristiques… fuyez !
Philippe Béchade,
Paris