La Chronique Agora

L'AIE pessimiste sur le pétrole en dépit des manoeuvres de l'OPEP

** J’ai reçu de nombreux appels et e-mails de personnes qui désiraient en savoir plus sur la chute du prix du pétrole ces dernières semaines. L’explication immédiate, c’est que l’activité économique mondiale ralentit. La demande chute. L’OPEP a annoncé des baisses de production. Mais les marchés croient encore que ce déclin économique sapera les tentatives de l’OPEP de maintenir les prix du pétrole.

– Profitez du pétrole à bas prix tant que c’est possible.

– Juste au-dessus de l’horizon, les choses deviennent de plus en plus risquées. Cette semaine, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) va publier un nouveau rapport sur l’avenir de l’énergie mondiale. Dans ses perspectives sur l’énergie mondiale, l’AIE déclare catégoriquement : "les tendances mondiales actuelles en matière d’approvisionnement et de consommation d’énergie ne sont absolument pas durables".

– Pas vraiment de quoi plaisanter dans cette déclaration. Selon l’AIE, malgré la chute récente du prix du pétrole, les perspectives à moyen et long terme concernant l’offre en énergie ne sont pas encourageantes. La production conventionnelle de pétrole est vouée à décliner. Mais la demande va continuer à augmenter, particulièrement dans les pays en voie de développement. Et les deux ne seront conciliables qu’à condition que les prix augmentent et que le vide soit fait dans le marché.

– L’AIE a mené une enquête globale sur 800 des principaux gisements de pétrole du monde. Et la conclusion est la suivante : la diminution des gisements conventionnels se produit à un taux qui dépasse les 9% par an (il s’agit d’une moyenne ; par exemple, le taux de diminution au Mexique dépasse les 15% pour le gisement de Cantarell). Cela signifie que sans une multiplication des nouveaux forages, des nouveaux investissements dans la récupération et les nouvelles découvertes, la production mondiale actuelle de pétrole va baisser de plus de 9% par an. Et si cela continue sur cette même lancée (il n’y a pas de raison que cela s’arrête), la base de production de pétrole mondiale pourrait vraisemblablement s’assécher dans sept à dix ans.

** Comprenez-moi bien. Le monde ne va pas se retrouver à court de pétrole dans sept à dix ans. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne. Cela signifie seulement que le volume de pétrole conventionnel diminue. Ce qu’il faut retenir, c’est que les marchés de l’énergie vont se resserrer, comme la corde du pendu autour du cou des consommateurs de pétrole.

– Combien de temps devrons-nous attendre avant que cet "avenir" ne se profile ? Et combien de temps la récession mondiale actuelle va-t-elle durer ? Je ne sais pas. Mais je sais que si vous pouvez vous permettre d’être patient avec vos fonds, vous devriez en ce moment même être en train d’acheter des actions d’entreprises qui possèdent des réserves de pétrole dans le sol, et celles des entreprises d’exploitation pétrolière qui extraient du pétrole et du gaz naturel. Celles-ci pourraient faire un joli retour sur scène quand le prix du pétrole va remonter.

– Selon l’AIE, même avec de très hauts niveaux d’investissement dans le secteur du pétrole, l’estimation la plus encourageante est celle qui dit que l’industrie pétrolière mondiale peut réduire le taux de diminution à un niveau proche des 6%. L’industrie mondiale de l’énergie va donc devoir courir plus vite pour éviter de tomber trop loin derrière les courbes de demandes.

– Une fois encore, vous ne devez pas oublier que les prix actuels de l’énergie sont trop bas pour soutenir le niveau d’investissement dans l’énergie dont le monde a besoin pour avancer. Pendant ce temps, le gouvernement américain dépense des milliers de milliards de dollars pour renflouer les banques et les banquiers, ces gens qui n’actionnent aucune pompe à pétrole.

** L’AIE estime que l’industrie pétrolière devra investir plus de 350 milliards par an pour contrer les importants taux de déclin de la production. Mais cela ne sera pas suffisant pour maintenir les niveaux de production des formes traditionnelles de pétrole brut. La majorité du futur investissement devra être dirigée vers l’extraction d’autres types d’hydrocarbures. Et ces "autres types" coûtent très cher en développement.

– Il existe de nombreux types de molécules d’hydrocarbures dans le monde. La base de carbone mondiale atteint au total un niveau impressionnant, sans compter le carbone que l’on trouve dans la vie biologique de la planète. Pour l’instant je ne parle que du carbone fossilisé comme le pétrole, le gaz naturel, le bitume des sables bitumeux, les schistes bitumeux et le charbon.

– Le principal problème pour les formes de carbone non pétrolières, c’est le coût de transformation pour en faire un carburant viable. Nous le constatons, par exemple, dans les projets canadiens de sables bitumeux. Beaucoup de métal, de ciment, d’eau, de machines, de travail et d’énergie — tout ça pour extraire ce magma infâme qui doit être transformé en quelque chose qui ressemble à du carburant.

– Les sables bitumeux sont pleins d’hydrocarbures, mais leur extraction coûte cher. Il en va de même pour toutes les autres sources d’hydrocarbures non-conventionnels. Ils peuvent fournir énormément d’énergie sur une longue période… mais cela a un prix. Et ce prix sera certainement au-dessus des 60 $ le baril… largement au-dessus.

Par Byron King (*)

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile