La Chronique Agora

La spéculation passe du papier au réel

▪ "Les matières premières attireront cette année 60 milliards de dollars", titre L’Agefi, qui analyse que les investisseurs souhaitent diversifier leurs portefeuilles grâce à cette classe d’actifs, réputée être indépendante des marchés actions.

Barclays Capital estime que les preuves du manque de corrélation systématique entre les matières premières et les marchés actions sont réapparues depuis le printemps. Avec ces 60 milliards de dollars supplémentaires, les encours s’élèveraient à plus de 230 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année.

Mais là où les investisseurs se contentaient jusqu’à présent de papier — les contrats à terme –, ils se tournent de plus en plus vers le physique, la matière première elle-même. Au premier trimestre 2009, l’or et le pétrole avaient attiré la majorité des flux de capitaux, note L’Agefi. Les ETP (exchange traded products) ont ainsi capté 27,4 milliards de dollars depuis le début de l’année.

C’est une dérive inquiétante, pointe notre collègue Martin Hutchinson dans MoneyMorning, conséquence des nouvelles réglementations mises en place par la Commodity Futures Trading Commission (CFTC). Cet organisme administre et régule le marché américain, le plus important. Pour lutter contre la spéculation, la CFTC veut limiter l’accès aux contrats à terme d’une matière première aux non-professionnels de ce secteur.

Mais, pour réduire leur risque, beaucoup d’investisseurs institutionnels chercheront à maintenir un certain niveau d’investissement dans les matières premières. Si on leur interdit les contrats à terme, ils se tourneront vers les vraies choses.

▪ Un blocage économique possible
Le Canadien ScotiaMocatta, courtier en matières premières filiale de la banque du même nom, a soumis aux régulateurs un projet de fonds qui détiendrait du cuivre. Le Crédit Suisse et Glencore International planchent sur un projet de fonds adossé à une réserve d’aluminium. ETF Securities envisage un fonds pétrole adossé à des accords avec des grands pétroliers.

Début octobre, le Financial Times notait déjà que de plus en plus de détenteurs de contrats à terme, notamment des fonds de retraite, en demandaient la livraison physique. L’économie virtuelle qui pourrait potentiellement investir dans les matières premières pèse près de 8 000 milliards de dollars (fonds de couverture, réserves des banques centrales au Japon, en Chine et au Moyen-Orient).

Face à cela, l’économie réelle des biens manufacturés ne fait pas le poids. En 2008, l’ensemble des importations de biens manufacturés aux Etats-Unis pesait 2 100 milliards de dollars. Si 5% de la masse d’argent disponible (soit 40 milliards de dollars) se mettaient à stocker des matières indispensables à la production de biens manufacturés, l’industrie serait gravement perturbée. "Cela pourrait engendrer une profonde récession", analyse Martin Hutchinson. "Des pénuries d’approvisionnement surgiraient, et un grand nombre de personnes se retrouveraient au chômage".

▪ L’or n’échappe pas à cette tendance
L’or a deux visages : celui d’une matière première pour la joaillerie et celui d’actif monétaire. Là aussi, les investisseurs lâchent le papier pour se tourner vers le physique. Les fonds adossés à des réserves ont vu le jour dès 2003 en Australie. Ces fonds, promus par le World Gold Council, ont essaimé et détiennent aujourd’hui près de 1 300 tonnes d’or. La demande d’or physique a doublé en un an.

L’extraordinaire écart entre le volume d’or couvert par les contrats à terme (plus de 500 000 contrats portant sur 100 onces, soit 50 millions d’onces) et le contenu des entrepôts du Comex américain (2,15 millions d’onces) inquiète. Une fronde contre cette place de marché s’est organisée, poussant les porteurs de contrats à demander livraison. Vaporize Comex, ou "Pulvérisez le Comex", est menée par les producteurs canadiens d’or qui voudraient faire revenir le marché de l’or à la réalité.

En effet, pour beaucoup, le prix du fixing ne représente plus une véritable demande, puisque le Comex serait incapable d’honorer tous ses contrats.
[NDLR : investissements en matières premières, nouveaux moyens de se positionner sur l’or — retrouvez toutes les semaines les conseils des experts de MoneyWeek pour profiter des meilleures occasions du marché ! N’attendez plus : il suffit de suivre le guide…]

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