La Chronique Agora

La résistance

Les nations, les clubs, les tribus – presque toutes les formes d’associations humaines – ont besoin de mythes unificateurs. Aucun n’est absolument vrai. Mais certains sont plus faux que d’autres.

Les vainqueurs écrivent l’Histoire. Et ils se donnent des rôles de premier plan.

Immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, des officiers américains ont interrogé des soldats allemands capturés, et des membres de la population civile. Ils ont été stupéfaits de constater que presqu’aucun allemand ne se proclamait nazi. Quelques semaines après leur capitulation, les nazis avaient disparu de l’histoire de l’Allemagne. La plupart des gens ont déclaré qu’ils avaient toujours été contre eux… et qu’ils n’avaient revêtu l’uniforme, ou soutenu l’effort de guerre, que parce qu’ils y avaient été obligés.

De même, en France, après une courte période de règlements de comptes et de honte pour les collaborateurs, les visiteurs du pays ont découvert que presque tout le monde avait été membre de la résistance française – apparemment, toute la population avait courageusement combattu les usurpateurs allemands.

C’est ainsi qu’hier, jour de la fête nationale française, les drapeaux se sont déployés et les « anciens combattants » se sont rassemblés dans notre petit village pour honorer les héros locaux de la résistance, 1940-1945.

 

Source : Bill Bonner Bill Bonner

 

Les anciens soldats – ils ne devaient pas être plus d’une douzaine – étaient décorés comme il se doit de rubans. Il y avait des vétérans des guerres d’Indochine (au cours desquelles les Français se sont battus pour éviter l’indépendance du Viêt Nam)… et des vétérans de la guerre d’Algérie (au cours de laquelle la France a tenté de tenir les Algériens en laisse). Le dernier vétéran de la Seconde Guerre mondiale du village doit avoir déjà mordu la poussière ; aucun n’était présent.

Cependant, une Jeep de la Seconde Guerre mondiale était présente. Il n’y avait pas de fanfare en tête de cortège ; c’est la Jeep qui ouvrait la voie, avec un haut-parleur monté à l’arrière. Pour rappeler la perte de la puissance industrielle américaine, deux camions GMC, également datant de la Seconde Guerre mondiale, se sont joints à la promenade.

 

Source : Bill Bonner

 

A 11 h 15 précises, quelqu’un a mis la musique en marche et le défilé a commencé. Drapeaux brandis, maires, préfets, gendarmes et notables locaux… tous se sont engagés dans la petite ruelle qui mène au centre de la ville, suivis par une foule solennelle d’observateurs et de patriotes.

Arrivés sur la place du village, les officiels se sont alignés selon leur rang… les meilleurs et les plus importants à l’avant… les moins bons derrière… et le hoi polloi, y compris votre rédacteur en chef, tout autour.

Il doit y avoir une loi qui oblige les fonctionnaires à prendre la parole lors d’événements comme celui-ci, mais qui leur interdit de dire quoi que ce soit de significatif. Nous avons entendu des politiciens, des chefs militaires et des personnalités locales. Tous avaient le même message : sans le courage et la détermination des « maquis » (résistants dont le quartier général était caché dans les bois, et que les Allemands considéraient comme des « terroristes »), la France ne serait pas le pays libre qu’elle est aujourd’hui… et nous serions en train d’écouter des discours en allemand, de boire de la bière plutôt que du vin et de payer nos factures à l’heure.

Mais la Seconde Guerre mondiale, comme la Première, a été gagnée grâce à la puissance humaine et à la puissance de feu. Les résistants n’avaient ni l’un ni l’autre. Pour ce qui est de ressembler aux Allemands, les Français ont perdu la guerre franco-prussienne en 1870 ; après la capitulation, rien n’a été fait pour changer la langue du pays, les préférences des habitants en matière de consommation d’alcool, ou les taux d’intérêt. La France a prospéré, en remboursant rapidement ses dettes de guerre – en or.

Mais les nations, les clubs, les tribus – presque toutes les formes d’associations humaines – ont besoin de mythes unificateurs. Aucun n’est absolument vrai. Mais certains sont plus faux que d’autres.

Les enquêtes montrent que les Américains et les Britanniques croient, à une large majorité, que ce sont leurs propres soldats qui ont vaincu Hitler. Mais ce n’est pas le cas. L’Union soviétique a réussi un remarquable « double enveloppement » à Stalingrad et a anéanti 800 000 soldats allemands, italiens, hongrois et roumains. Par la suite, les forces allemandes ont mené une bataille perdue d’avance… avec un fantaisiste incompétent comme commandant.

En France, la majorité de la population soutenait le gouvernement de Vichy et son arrangement pacifique avec les Allemands. Beaucoup espèraient que les Allemands gagneraient la guerre contre les Soviétiques, qu’ils considéraient comme une menace plus grave.

Dans les maquis, la confusion, la violence et la langue de bois régnaient en maître. Dans la campagne, la Seconde Guerre mondiale a été un épisode sombre… et tous les chats étaient gris.

« Ce n’était pas exactement ce qu’ils prétendent », nous raconte un ami de 87 ans.

« Les groupes de résistance les mieux organisés étaient les communistes. Ils ne recevaient pas leurs ordres de de Gaulle à Londres, mais de Staline à Moscou. Et ils détestaient tous ceux qu’ils considéraient comme des bourgeois.  

Il y avait aussi des groupes de voleurs… et des milices d’extrême droite. Ainsi, lorsque des hommes armés se présentaient chez vous, vous ne saviez pas qui ils étaient, ni ce qu’ils allaient faire.  

Parfois, ils volaient simplement votre voiture… en disant qu’ils la réquisitionnaient pour la résistance. Mais parfois, c’était bien pire.  

Ils ont rassemblé un groupe de personnes de la ville voisine et les ont exécutées. Pendant longtemps, nous n’avons pas su ce qui leur était arrivé, puis leurs corps ont été retrouvés dans la rivière. Personne ne semblait savoir qui avait fait ça, ni pourquoi. 

Et mes voisins d’en face… ils ne voulaient jamais en parler, mais les maquisards sont venus et ont apparemment fait des choses innommables. La fille, qui était adolescente à l’époque, ne s’est jamais remise de ce qui était passé. »

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