La Chronique Agora

La reprise est une fraude

▪ Cette reprise économique est extraordinaire par bien des aspects — sauf les plus importants. On dirait un avion flambant neuf. Il a des ailes d’aluminium luisant. On trouve de luxueux fauteuils en première classe. Des hôtesses agréables servent des boissons. Il y a la vidéo à la demande dans toutes les sections…

Une majorité des gens interrogés par Bloomberg récemment pensent que c’est parfait ; 61% ont déclaré penser que l’économie avait décollé et volait à haute altitude. Les actions grimpent. Les matières premières grimpent. Et voilà un autre gros titre de Bloomberg : "les investisseurs mondiaux accordent la meilleur note à Ben S. Bernanke, président de la Réserve fédérale".

La reprise vient d’avoir l’approbation des économistes et du public. Elle a quasiment tout en sa faveur. Simplement, elle ne vole pas !

On apprenait hier matin que l’économie américaine est encore sur le tarmac. Cet article de l’agence Associated Press explique pourquoi :

"Les consommateurs ont réduit leurs emprunts en juin dans des proportions sans précédent alors que les pertes d’emploi et l’incertitude quant à la reprise économique poussaient les Américains à contrôler leur dette".

"Les économistes pensent que les consommateurs continueront à moins dépenser, épargner plus et réduire leurs dettes afin de remettre en état des finances domestiques laminées par la récession. Un tel comportement, cependant, génère une reprise léthargique, puisque les dépenses de consommation représentent 70% de l’activité économique".

"La Réserve fédérale a rapporté mardi que les consommateurs, en juillet, avaient réduit leur crédit d’un montant plus élevé que prévu par rapport à juin, à 21,6 milliards de dollars — la plus grosse baisse enregistrée depuis 1943. Les économistes pensaient que le crédit chuterait de quatre milliards de dollars".

▪ Hé, pas mal… les économistes ne se sont trompés que de 430%. Les consommateurs remboursent la dette plus de quatre fois plus rapidement qu’ils le pensaient. En partie parce qu’ils le veulent… et en partie parce qu’ils le doivent. Ils ne veulent pas emprunter… et les banques ne veulent pas leur prêter, de toute façon. Le crédit à la consommation américaine chute au taux annuel de 10%, si l’on se base sur les chiffres de juillet. La dette de carte de crédit baisse au taux de 8%.

Lorsqu’ils remboursent un dollar de dette, c’est un dollar de moins dans l’économie de consommation. Mais c’est aussi un dollar qui n’est pas emprunté. Alors que le consommateur américain dépensait tout son revenu il y a deux ans… et empruntait plus pour pouvoir augmenter encore plus sa consommation… aujourd’hui, il n’emprunte plus… et ne dépense plus l’intégralité de son revenu. A présent, l’argent qui s’écoulait autrefois dans les dépenses de consommation fuit peu à peu.

Les dépenses personnelles américaines chutent… Les chiffres étaient en baisse durant quatre des six derniers trimestres — une chose qui ne s’était encore jamais produite depuis qu’on a commencé à suivre les chiffres en 1947. Et le niveau de dépenses de consommation est en baisse de 33% par rapport à l’année dernière à la même époque — avec des dépenses discrétionnaires qui ont atteint un niveau jamais vu en 50 ans.

Evidemment, c’est exactement ce que nous disions. La grande expansion de crédit a commencé en 1945. Elle s’est terminée en 2007. Le crédit se contractera durant de nombreuses années. Une étude suggère même que les consommateurs américains dépenseront 14% de moins — même une fois que l’économie se serait remise. Nous estimons que le niveau total de dette doit passer sous les 200% du PIB. Si nous avons raison, les Américains vont devoir rembourser l’équivalent de 25 000 milliards de dollars de dettes environ. Ce ne sera pas facile, et ce ne sera pas rapide.

Cela impliquera aussi des niveaux de chômage élevés durant longtemps. Déjà deux Californiens en âge de travailler sur cinq sont sans emploi. Les trois autres font les heures de travail les plus courtes de l’histoire. Ce n’est pas étonnant — avec des dépenses qui chutent, les ventes aussi. Les entreprises n’ont plus besoin d’autant de monde pour fabriquer, expédier, vendre et entretenir leurs produits. Ainsi, bien entendu, lorsqu’elles licencient des travailleurs pour réduire les coûts, les travailleurs au chômage doivent réduire leurs dépenses !

Comment une économie de consommation peut-elle se développer alors que les consommateurs dépensent moins d’argent ? Elle ne le peut pas. Ce n’est pas une véritable reprise… c’est un imposteur. Une fraude. Un travesti.

▪ Le Forum économique mondial a détrôné les Etats-Unis de leur première position. Les Etats-Unis ne sont plus l’économie "la plus compétitive" au monde. Le titre revient à la Suisse. Parallèlement, le système bancaire américain est noté 109ème au monde — juste au-dessous de la Tanzanie.

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