La Chronique Agora

La rencontre de trois armées

** En dépit de toutes les mauvaises nouvelles, la Semaine Infernale n’a pas été si terrible. C’est plutôt comme le Purgatoire… les limbes… ou un foyer de réinsertion au sortir de prison.

* Les journaux parlent d’une crise financière mondiale — mais jusqu’à présent, les effets de cette crise sont extrêmement limités. L’OCDE rapporte qu’au niveau mondial, le chômage n’est que 0,3% plus élevé qu’il y a un an — le même chiffre que pour le chômage américain durant la même période.

* A part la panique qui affecte les marchés de capitaux, certaines régions semblent ne pas souffrir du tout. L’Amérique du Sud, l’Asie, le Golfe et l’Afrique semblent tous se développer sans effets économiques significatifs — du moins pour l’instant.

* Le Financial Times résume les perspectives de grandes zones de la planète :

* Aux Etats-Unis, les gens se demandent à quel point l’atterrissage sera brutal.

* En Europe et au Japon, ils se demandent si l’atterrissage se fera brutalement ou en douceur.

* Dans le reste du monde, ils se demandent s’il y aura un atterrissage.

* La banque centrale américaine prête désormais de l’argent à environ la moitié du taux d’inflation des prix à la consommation. Un emprunteur peut prendre l’argent en étant quasi-certain de sortir gagnant. Si rien ne change, il remboursera une somme valant moins que l’argent qu’il a emprunté… Il peut aussi déposer son argent en Grande-Bretagne et obtenir le double du rendement… ou au Brésil, où il obtiendra cinq fois la somme.

* Les taux bas sont censés encourager l’emprunt. Est-ce qu’ils encouragent également les dépenses de consommation, l’embauche et l’investissement des entreprises — voilà un autre groupe de questions aux réponses pour le moins incertaines. Si c’est oui… on peut raisonnablement s’attendre à plus d’inflation sur les marchés matières premières… une hausse des cours des actions… et une croissance positive du PIB. Si la réponse est non… on peut parier sur une hausse du chômage, la chute des cours des actions et des prix des maisons… et probablement une chute des prix des matières premières également.

** Il y a un autre moyen d’envisager les choses — un moyen que ceux qui subissent la Chronique Agora depuis longtemps reconnaîtront facilement : c’est notre scène de bataille si familière… avec l’artillerie lourde de l’inflation chargeant l’infanterie constante de la déflation.

* Même si cette image décrivait plutôt bien le monde financier de l’an dernier… nous pensons qu’il est temps d’ajouter une complication. C’est comme si une troisième armée était apparue sur le champ de bataille… une armée de taille aussi inconnue que ses intentions. Alors revoyons les lignes de front.

* D’un côté, on trouve la force familière d’une phase baissière du cycle du crédit… dont nous pensons qu’elle marque le début d’une contraction majeure sur les marchés du crédit. Ces évolutions sont considérables. La dernière grande force ayant fait évoluer le monde du crédit, c’était l’expansion qui a commencé en 1980. De toute évidence, elle a duré 25 ans, peut-être un peu plus. Cette expansion semble avoir pris fin. Les rendements sont à peu près aussi bas aujourd’hui qu’ils l’étaient lorsque la dernière expansion a commencé… et commencent sans doute à remonter.

* Ce "probablement" est un mot important. Récemment, les rendements ont baissé — les investisseurs recherchant la protection contre les faillites plutôt que la protection contre l’inflation. Chercher protection du côté du marché des bons du Trésor nous semble un peu comme chercher la véracité dans une réunion du Congrès… et nous soupçonnons que lorsque les choses se calmeront, les investisseurs réaliseront qu’ils ont fait une erreur.

* "Le credit crunch se transforme rapidement en effondrement du crédit", déclare Kenneth Rogoff, de Harvard. "Les facteurs qui ont propulsé la bulle de l’immobilier sont désormais inversés. Et le fond n’est pas encore en vue".

* De l’autre côté, bien entendu, on trouve une autre force familière — l’inflation. C’est ce qu’on obtient quand on privilégie la production de monnaie plutôt que la production de choses que la monnaie permet d’acheter. L’inflation fait clairement grimper certains prix. Le pétrole ne descend pas sous les 100 $. L’or sprinte depuis huit ans. Le riz a atteint un sommet de 32 ans cette semaine. CNNMoney rapporte que l’inflation est la principale préoccupation des Américains.

* Parallèlement, dans le grand paysage financier mondial qui se déroule devant nous, avec l’inflation à gauche et la déflation à droite… au centre nous arrive une gigantesque bande de combattants désorganisés et polyglottes — efflanqués et affamés — des marchés émergents, des producteurs de pétrole, d’anciennes républiques soviétiques… tout le bric-à-brac de l’humanité.

* Alors que la déflation fait chuter les prix des matières premières, ces économies émergentes les achètent aussi vite qu’elles le peuvent.

* Alors que la déflation refroidit les économies occidentales — ces économies du Tiers-Monde chauffent encore.

* Alors que l’inflation met à mal les familles vieillissantes de la classe moyenne à l’Ouest — à l’Est, des millions de nouvelles familles jeunes accèdent à la classe moyenne, débordant littéralement de nouvelles demandes de consommation.

* Que se passera-t-il quand ces trois armées s’affronteront ?

* Nous n’en savons rien… mais nous les observons de près…

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