La Chronique Agora

La rémunération des PDG US menace la relance de l’économie

▪ Que voyons-nous là ? Christine Lagarde, chef du FMI, a déclaré la semaine dernière que les pays du monde devaient travailler de concert pour éviter une dépression semblable à celle des années 30. Mais quand on voit la manière dont ils travaillent ensemble… et la direction qu’ils semblent prendre… nous préférerions une dépression.

L’idée des autorités mondiales n’est pas de résoudre le problème de la dette, mais de l’augmenter. Une banque fait faillite ; ils poussent une banque plus grande — une Banque centrale — à la renflouer. Un pays fait faillite ; ils font en sorte qu’un pays plus grand le renfloue.

Les Etats-Unis ont renfloué leur secteur financier. L’Europe a eu des problèmes pour s’aligner afin de renflouer les pays de sa périphérie. Mais petit à petit, par à-coups, les pièces du puzzle se rassemblent. Nous allons tous nous renflouer mutuellement. Ensuite, nous serons tous renfloués. Ensemble.

Nous devons agir « aussi collectivement que possible », déclare Lagarde.

Elle veut dire par là que nous devons tous accepter plus de dette… afin d’empêcher une dépression. C’est-à-dire que les autorités sont censées s’assurer que 1) les investisseurs en actions ne perdent pas d’argent… 2) les banquiers ne font pas faillite… 3) les spéculateurs ne soient pas ruinés… 4) les dirigeants ne perdent pas leur poste. Et vous, cher lecteur, noterez avec un sourire amer que ce sont là précisément les choses qui devraient arriver.

Elles se trouvent être aussi ce qu’une dépression permettrait de faire… C’est pour cette raison qu’il y a des dépressions… et qu’elles sont nécessaires. Elles ne sont pas forcément des désastres longs et lents. Elles peuvent être courtes et aisées. Mais elles doivent faire leur travail.

▪ Maintenant, regardons ce que les actions collectives de lutte contre la dépression parviennent à faire. En deux mots, elles protègent les insiders aux dépens des outsiders. C’est-à-dire qu’elles font ce qu’un gouvernement fait toujours. Mais elles le font de manière particulièrement agaçante. Voilà quelques nouvelles de ce que les initiés mijotent, selon le Guardian :

« Les salaires des plus hauts dirigeants d’entreprise ont effectué une remontée fulgurante après deux ans de stagnation et de déclin. Les plus grands patrons des Etats-Unis ont enregistré des augmentations de salaires entre 27% et 40% l’an dernier, selon la plus grande étude effectuée sur la rémunération des PDG américains. Ce rebond dramatique s’est produit alors que les derniers chiffres gouvernementaux montrent que les salaires de la majorité des Américains ne parviennent pas à suivre l’inflation ».

« Les dirigeants les mieux payés d’Amérique ont empoché plus de 145,2 millions de dollars. Par ailleurs, à mesure que les cours boursiers se remettaient, la valeur médiane des profits des chefs d’entreprises sur les stock options a grimpé de 70% en 2010, de 950 400 $ à 1,3 million de dollars. Ces nouvelles arrivent dans le contexte du mouvement Occupy Wall Street, qui a fixé l’attention de Washington sur la rémunération des personnes les mieux payées des Etats-Unis ».

« Trois des dix dirigeants les mieux payés cette année proviennent du secteur de la santé. En tête se trouve John Hammergren, de McKesson, la plus grande entreprise de santé au monde ; il a gagné 145 226 910 $ l’an dernier — en majeure partie grâce à ses stock options« .

Plutôt intéressant, vous ne trouvez pas ? Un grand nombre des personnes les mieux payées se trouve dans le secteur zombie de la santé. C’est un secteur zombie parce qu’il est lourdement contrôlé, subventionné et protégé de la concurrence par le gouvernement zombie.

De la manière dont nous voyons les choses, aucun P-DG ne vaut 145 millions de dollars. Ni un million, d’ailleurs. C’est pourtant ce qu’on obtient dans un système pseudo-capitaliste dégénéré.

Pendant ce temps, le travailleur moyen — qui n’a pas la moindre idée du comment ni du pourquoi — se fait escroquer.

« Un déficit de rémunération de 740 milliards de dollars menace la reprise américaine », déclare le Financial Times. Cette somme, c’est l’argent qui serait allé aux travailleurs s’ils avaient maintenu leur part des revenus nationaux à la hauteur de la moyenne d’après-guerre.

Le Financial Times se gratte la tête pour tenter de comprendre comment l’économie peut se relever alors que les gens qui achètent ont si peu d’argent. Selon ces chiffres, le travailleur moyen aurait 5 000 $ de plus rien que cette année si les salaires représentaient toujours 63% du revenu national. Au lieu de ça, ils sont passés à seulement 58%… une plus grande partie allant aux dirigeants et aux actionnaires.

Pour sa part, le travailleur moyen s’intéresse moins à ce que ça signifie pour l’économie… et plus à ce que ça signifie pour lui :

« Comme beaucoup d’Américains, je suis plutôt en colère », déclare un manifestant d’Occupy Wall Street. « Le problème, ce n’est pas qu’il y a des gens riches. C’est que les gens qui ont beaucoup d’argent, ces dernières décennies, ont truqué le système de sorte qu’il n’y a plus de chances égales pour tout le monde, désormais ».

Il a raison. Le système est truqué. Probablement pas comme il le pense. Mais truqué quand même.

Ce sont les autorités qui l’ont truqué. Aux Etats-Unis, elles ont transformé des secteurs de pointe en industries destructrices de valeur, contrôlées par des zombies. Elles ont transformé la devise du pays en ersatz monétaire. Et elles ont poussé les ménages de la classe moyenne américaine dans des trous de dette dont ils ont bien du mal à se sortir…

Ensuite, quand tout le système dégénéré semblait prêt à s’effondrer… les autorités ont renfloué les brasseurs de dette… et étayé cet ensemble corrompu avec 29 000 milliards de dollars qui ne leur appartenaient pas.

Une joyeuse petite dépression aurait été bien préférable.

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