La Chronique Agora

La période est idéale pour entrer sur le pétrole (2)

Par Thomas Chaize (*)

5- Le taux de déclin de la production est sous estimé !
Le taux de déclin, c’est la vitesse à laquelle la production d’un puits de pétrole baisse après avoir atteint son maximum de production (pic de production). Le taux de déclin moyen « officiel » est de l’ordre de 4% par an, mais cela semble s’avérer un peu trop optimiste.

Pour résumer la situation, les techniques utilisées pour produire plus et plus vite ont eu pour conséquence une baisse beaucoup plus rapide que prévue de la production une fois le pic de production atteint. Les gisements de la mer du Nord et le gisement Cantarell au Mexique en sont les deux meilleurs exemples. Leur taux de déclin s’est avéré être beaucoup plus rapide que prévu. Le taux de déclin d’un champ varie en fonction de son âge, de sa taille et des investissements techniques ; de ce point de vue la situation n’est pas au mieux.

Les grands gisements sont tous très anciens. Selon Matthew Simon, 70% de la production d’Arabie Saoudite provient de gisements vieux de 50 ans, 50% de la production de l’Iran de gisements de 40 ans, 80% de la production de l’Irak de gisements de 44 ans et 67% de la production du Koweït de gisements de 67 ans.

La taille des gisements n’est pas non plus une source d’optimisme. Les champs découverts sont de plus en plus petits ; or les petits champs ont un taux de déclin beaucoup plus rapide que les grands gisements et demandent plus d’investissements. Une étude de Merrill Lynch effectuée à partir de sources de l’AIE indique que les champs pétroliers d’avant 1998 avaient un taux de déclin de 4% et que ceux d’après 2002 ont un taux de déclin de 18% — ce qui s’explique principalement par la petite taille des nouveaux gisements.

Il reste les investissements. De ce point de vue-là non plus la situation n’est pas merveilleuse puisque les investissements ont chuté aussi vite que le prix du baril de ces derniers mois, alors qu’il n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui d’investir dans la future production de pétrole.

La baisse des investissements des compagnies pétrolières risque d’aggraver encore un peu plus le taux de déclin de la production pétrolière dans les prochaines années. Les nouveaux gisements sont petits et de ce fait ils nécessitent plus d’investissements pour éviter que leur production ne décline trop vite.

6- Le prix du pétrole n’est actuellement pas à son juste prix
Avec un baril de pétrole à 50 $ (159 litres), cela fait 0,31 $ le litre, soit 0,23 euro le litre de pétrole. C’est moins cher qu’un litre d’eau dans une grande surface. Ce n’est pas la vraie valeur du pétrole, c’est même une anomalie à laquelle nous nous sommes tous habitués.

« Selon certaines estimations, il y aura une croissance moyenne de 2% de la demande globale de pétrole dans les années qui viennent, avec en parallèle, un déclin naturel de 3% de la production des réserves existantes », nous dit Dick Cheney, ex vice-président des Etats-Unis d’Amérique.

Pendant combien de temps encore le brut sera-t-il moins cher que l’eau ? Cette situation peut elle vraiment perdurer ? Je vous laisse deviner…

7- Autre facteur de soutien au prix : l’inflation à venir et la dépréciation inévitable du dollar
Je ne vais pas approfondir ici ce point macroéconomique. Retenez juste que pour lutter contre les risques déflationnistes actuels et relancer l’activité économique, les Etats s’endettent massivement pour émettre des plans de relance. Parallèlement, les banques centrales se mettent à utiliser des outils monétaires non conventionnels : augmentation de la masse monétaire, autrement dit création monétaire massive. La planche à billets tourne à plein régime, surtout aux Etats-Unis.

Il y a unanimité : l’explosion actuelle de la dette et de la masse monétaire entraînera une inflation très forte en sortie de crise, ainsi qu’une dépréciation significative du dollar.

Cette situation est explosive pour les matières premières libellées en dollars. Toute dépréciation du dollar se traduit mécaniquement par une hausse des cours des matières premières, à commencer par le pétrole. Et la moindre inflation entraîne une fuite des capitaux vers les actifs « tangibles », qui, eux, ne se déprécient pas — les principaux bénéficiaires étant l’or et le pétrole.

Le sous-investissement actuel est une véritable dynamite pour les prix à venir du pétrole
Avec la crise, le prix du baril du pétrole est descendu à un niveau extrêmement bas. Il a touché rapidement les 30 $ ; à ce niveau de prix, beaucoup de producteurs dans le monde ne gagnent plus d’argent. Ils continuent à produire mais ils investissent beaucoup moins.

On donne souvent un coût de production situé entre 70 et 90 $ pour que les projets complexes (les sables bitumineux, l’offshore profond…) soient rentables. Par exemple, les gisements offshore découverts au large du Brésil par Petrobras sont à une profondeur de deux kilomètres sous la mer et à six kilomètres sous terre. On devine facilement, étant données les contraintes techniques, qu’il est nécessaire que le prix du pétrole soit beaucoup plus élevé qu’aujourd’hui pour couvrir les coûts d’extraction /production d’un baril dans de telles conditions. Les investissements technologiques à mettre en oeuvre seront gigantesques.

Il faudra même que le prix du baril soit nettement au dessus du seuil de rentabilité « minimum » (point mort) pour qu’un peu d’euphorie encourage les investisseurs à prendre autant de risques et investir dans de tels projets. Or la chute du baril à 30 $ en décembre dernier risque de marquer durablement les esprits.

Nous somme en train d’hypothéquer notre avenir
La situation est la même pour les projets non conventionnels des sables bitumineux. Rien que pour le Canada, ce sont 196 milliards de dollars de projets dans les sables bitumineux qui ont été reportés ou supprimés en quelques mois, soit l’équivalent en production journalière de 1,8 million de barils de pétrole.

Les compagnies nationales (NOC) des pays producteurs comme l’Arabie Saoudite, le Venezuela, le Koweït ont baissé leurs investissements de 10% à 20%. La Russie, deuxième producteur mondial de pétrole, a déjà prévenu que faute d’investissements supplémentaires sa production allait baisser en 2009 et 2010 comme déjà en 2008. Les compagnies internationales (IOC) ont, elles aussi, des investissements qui fondent comme neige au soleil, et bien souvent dans des proportions bien plus importantes que les compagnies nationales.

Quand le prix du pétrole est haut, il menace la croissance ; quand le prix du pétrole est bas, il condamne une partie de la production future par le manque d’investissements.

Qui ne sème rien, ne récolte rien. Lorsqu’en sortie de crise la demande repartira, puis deviendra de plus en plus forte sous l’effet de la hausse de la demande des BRIC émergents, la production ne sera pas à la hauteur, faute d’investissement aujourd’hui. Nous sommes en train de semer le chaos à venir : une menace explosive sur le cours du brut dans les prochaines années.

Par le passé, la production de pétrole était abondante et la demande « mesurée » ; il suffisait d’ouvrir les vannes pour rétablir l’équilibre en cas de pic de demande. Aujourd’hui, il faut des investissements de plus en plus importants pour parvenir tout juste à maintenir la production à son niveau actuel et éviter son déclin. Parallèlement, la population mondiale continue de croître et les pays en voie de développement consomment de plus en plus de pétrole.

Retenez ceci : nous vivons une période exceptionnelle pour investir dans le secteur pétrolier. Nous sommes dans une tendance haussière à long terme pour des raisons structurelles très fortes mais les prix se sont temporairement effondrés à cause de la crise. C’est pour nous une opportunité unique. C’est même pour moi la meilleure occasion d’investir dans le secteur pétrolier depuis 2003 — et il faudra probablement attendre des années pour retrouver une pareille opportunité !

Meilleures salutations,

Thomas Chaize
Pour la Chronique Agora

(*) Spécialiste des matières premières, le docteur Thomas Chaize est reconnu aux Etats-Unis aussi bien qu’en France. Il a beaucoup publié outre-Atlantique, notamment sur des sites aussi prestigieux que GoldEagle, 321Gold, 321 Energy, SilverSeek…

Retrouvez l’opinion de Thomas Chaize sur l’or, l’argent, le pétrole… sur son site Internet en cliquant ici.

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