La Chronique Agora

La force des faibles, nouveau vecteur d’insécurité

Los Angeles n’est pas l’Amérique

Bonjour,

▪ Le terrorisme a bénéficié de la fragilité de la sécurité intérieure des démocraties occidentales, comme nous l’avons vu hier. Si ces dernières ont été visées en priorité, elles ne sont désormais plus les seules : la Russie, l’Afrique, l’Asie du Sud-Est ont été victimes de ces agissements.

La conséquence du 11 septembre a été un changement complet d’approche de la sécurité intérieure par les Américains. Fini de prendre l’avion comme l’autobus pour aller de Boston à New York, ce que j’ai fait maintes fois ! Il était devenu évident que les dispositifs de sécurité étaient totalement insuffisants.

Et ce qui était vrai pour les Etats-Unis l’était aussi pour leurs alliés et la plupart des pays du monde non totalitaires. Ce qui est sûr, c’est que tout mode d’agression frontal des démocraties occidentales étant voué à l’échec, les modes d’action asymétrique conventionnels vont demeurer l’unique stratégie pour les organisations, voire les Etats, qui s’estiment en situation de confrontation avec les Etats-Unis et les puissances occidentales qui sont leurs alliés. Les menaces voilées du colonel Kadhafi dès le début de l’intervention lancée contre lui sont de cette nature.

▪ Les Etats cibles n’ont pas tardé à réagir, mais insuffisamment
Dans ces conditions, il est devenu clair que les forces de défense ne peuvent assurer que très partiellement la sécurité intérieure des Etats. Celle-ci reste du ressort des diverses unités de police, et des organisations de la sécurité civile. Mais face à leur insuffisance de moyens, la sous-traitance à des sociétés privées de certains aspects de la sécurité s’est fortement développée.

Vous y avez été confronté chaque fois que vous avez pris l’avion, et cela n’est pas toujours très plaisant. Bien qu’elles ne soient pas autant décriées que les armées privées employées en auxiliaires dans des pays comme l’Irak ou l’Afghanistan, ces sociétés ne sont pas exemptes de toute contestation. Si leurs tarifs ne font apparemment pas débat, deux points sont en question : la qualité du recrutement et la formation.

Un reportage télévisé récent montrait les limites de compétences des agents affectés au contrôle des bagages à main à Orly et à Marignane, et leur incapacité à maîtriser pleinement les outils de détection mis à leur disposition : une arme de poing a pu tranquillement voyager dans les deux sens. Pas très rassurant !

Aux Etats-Unis, le département de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security) a été créé à la suite des attentats du 11 septembre. C’est à ce jour la troisième plus grande administration fédérale, après celle de la Défense et celle des Anciens combattants. Ce département est chargé de prévenir toute attaque terroriste sur le territoire des Etats-Unis, de la sécurité aux frontières, et de la protection civile en cas de catastrophes naturelles.

La sécurité intérieure, un des éléments clés du contre-terrorisme, passe par :

– la protection des infrastructures critiques ;
– une meilleure identification des individus ;
– la prévention des fraudes et des contrefaçons ;
– le renforcement des lois en vigueur ;
– le contrôle des frontières terrestres et maritimes ;
– la sécurité aérienne ;
– la protection biochimique.

Naturellement, l’obtention de résultats significatifs pour la sécurité intérieure a nécessité la mise en oeuvre de moyens considérables. Moyens humains d’abord, avec aux Etats-Unis les Federal Air Marshalls (agents se mêlant aux passagers, y compris à bord), et les agents de sécurité publics ou privés. Moyens de formation, comme celle par exemple de self-défense pour le personnel navigant. Moyens matériels avec l’utilisation de technologies de pointe pour identifier et détecter.

Et lorsque, face au terrorisme international, des moyens importants doivent être activés, vous pouvez être sûr qu’il y a toujours des opportunités de business qui se développent ou qui se créent, et donc des sources de profits pour les investisseurs attentifs à ce qu’il se passe dans le monde.

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Ben Bernanke… ou le génie qui ne retrouve plus sa lampe

Philippe Béchade

 

▪ Tout a commencé à Tokyo hier matin. Le net recul du yen (sous 3 $) a fait littéralement flamber le Nikkei (+2,65%) alors que la situation à Fukushima reste hors de contrôle. Le périmètre de sécurité vient d’être étendu. Mais tant que le compteur Geiger ne se met pas à crépiter frénétiquement dans les salles de marché de la capitale, rien ne saurait compter davantage que la parité dollar/yen.

Nous sommes à 48 heures de la fin de l’année fiscale 2010/2011. Elle s’achève par la pire catastrophe sismique des 100 dernières années et un déficit budgétaire qui semble tout aussi hors de contrôle que la centrale de Fukushima.

Soyons un peu compatissants. Il faut se réjouir qu’après avoir perdu leur maison ou des membres de leur famille, des centaines de milliers de Japonais ne voient pas également leur épargne partir en fumée sous les coups de boutoir de spéculateurs sans scrupules.

Il n’est pas certain que le rebond des indices boursiers depuis 10 jours relève de procédés et d’intentions plus honnêtes. Le rebond de Wall Street ressemble à un curieux mélange de potion magique et de génie sorti de sa lampe.

L’évolution des cours de Bourse semble avoir autant de lien avec le réel que le prélèvement du tiers provisionnel (ou de l’ISF) avec les phases de la lune.

L’Asie a donné le ton. Wall Street ne veut pas être en reste. Les places européennes ont pris 0,9%, les indices américains apparaissent déterminés à grimper d’autant.

Avec +0,85% à la mi-séance, le Dow Jones n’est plus qu’à 0,1% de son record annuel du 18 février dernier (12 390 points). Le S&P (+0,85%) refranchit les 1 330 points (zénith de début mars) et le Nasdaq s’attaquait aux 2 780 points.

Malgré l’absence de volume, les indices boursiers matérialisent collectivement l’ouverture d’un gap haussier. Il surgit après cinq séances de progression consécutives, sans la moindre consolidation intermédiaire.

▪ Après avoir parié sur un QE3, sur l’amnésie des marchés concernant les guerres, l’insolvabilité des Etats, la catastrophe nucléaire de Fukushima, voilà que surviennent les achats tactiques de fin de trimestre. Ils sont destinés à doper artificiellement la performance des portefeuilles.

Tout va tellement mieux dans le monde depuis le 11 mars. Chacun mesure bien à quel point tous les heureux événements que nous avons relatés depuis 15 jours constituent une opportunité historique de miser sur un avenir radieux… à quelques millions de becquerels près.

La Bourse de Paris a engrangé 0,9% à 4 024,4 points, confortablement installée dans sa tendance haussière qui perdure depuis 10 séances (dont neuf de hausse). Le CAC 40 a repris 9% depuis le 16 mars. L’Euro Stoxx 50, quant à lui, rajoute 0,88% à un cumul de gain qui avoisinait déjà 8% la veille.

La hausse de Wall Street invite à s’extasier sur la parfaite similitude des algorithmes qui pilotent les indices à la hausse de part et d’autre de l’Atlantique.

▪ Les indices n’ont pas bronché lors de la publication du rapport ADP sur l’emploi américain qui constitue une petite déception. Notons tout de même que Francfort s’envole de 1,75%.

Selon l’enquête, 201 000 postes ont été créés dans le secteur privé au mois de mars, au lieu de 205 000 à 210 000 attendus par les analystes. Et ne c’est pas tout. Le score du mois de février a été révisé en baisse de 5% à 208 000 (contre 217 000 initialement).

Mais aucun mauvais chiffre ne saurait faire reculer Wall Street. Il ne reste plus, selon d’éminents experts, qu’à attendre que les vrais acheteurs (gérants, particuliers) ne se laissent pas gagner par la peur de rater la hausse.

C’est encore loin d’être le cas. Les volumes d’échanges restent très étroits — 3,1 milliards d’euros à Paris. C’est bien peu pour un gain de près de 1%.

C’est d’ailleurs tout le paradoxe de la remontée de Wall Street depuis 15 jours. Plus les cours montent, moins il y a d’acheteurs. Pendant ce temps, les vendeurs les laissent venir et s’abstiennent de freiner la hausse.

C’est une sorte de jeu de cache-cache — ou peut-être devrions-nous dire de dupes ? — où le but ultime semble de ne pas opérer à contre-tendance. De telle sorte que le marché se vide de ses acteurs dès qu’une tendance devient trop lisible.

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Los Angeles n’est pas l’Amérique

Bill Bonner

 

▪ Nous sommes à Los Angeles, où il fait beau et chaud. Les fleurs du printemps sont en train d’éclore un peu partout.

Sur les marchés, les actions grimpent, l’or a un peu baissé.

Que se passe-t-il d’autre ?

Nous n’aurions jamais pensé que nous apprécierions Los Angeles. Mais nous pourrions changer d’avis. Notre fille Maria nous a emmené faire un petit tour hier. Nous nous sommes baladés sur Venice Beach, puis à Hollywood. La ville est bien plus agréable que dans nos souvenirs. Bon nombre des maisons, boutiques et appartements sont remis à neuf. Ils nous rappellent le quartier de Soho, à Buenos Aires — jeune, à la mode et plein d’animation.

« Ici, ce n’est pas le reste des Etats-Unis », nous a expliqué Maria. « Il suffit de conduire une heure vers l’est, tu verras ce que je veux dire. Là-bas, c’est la vraie Amérique. Ici, la ville est pleine d’immigrants… des jolies filles qui veulent réussir à Hollywood… des Russes, des Françaises, des Anglaises… toutes sortes de filles. Et il y a beaucoup d’hommes… du genre de ceux qui prennent un peu trop soin d’eux-mêmes. On les voit durant les fêtes. Ils ont un projet, eux aussi. Ils ont beaucoup de contacts. Ils ont toujours un téléphone portable à l’oreille et passent beaucoup de temps à parler. Mais il ne se passe jamais rien ».

« Mais j’adore Los Angeles. Je ne suis pas certaine de pouvoir vivre ailleurs ».

Il y a beaucoup de filles qui ont le vent dans les cheveux, ici… et beaucoup de gens qui sont ruinés.

Une petite note de la part de la Chronique : les zombies se portent tout à fait bien, merci beaucoup.

C’est le reste des Etats-Unis qui souffre. L’argent afflue ; il passe des gens qui le gagnent vers le secteur financier protégé… et les autorités elles-mêmes.

Faut-il s’étonner que les profits du secteur financier soient de retour à leurs niveaux de 2007 ? Ou que, dans l’ensemble, la dette est désormais encore plus élevée ? Ou encore qu’à Washington, les habitants de la capitale des zombies sont en fait plus riches aujourd’hui (grâce aux hausses de salaire automatiques du gouvernement fédéral, ajoutées à la hausse des prix de l’immobilier) ?

Mais les gens à Los Angeles ? Chicago ? Dubuque ou Bâton-Rouge ?

Ils sont ruinés.

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(©) Les Publications Agora France, 2002-2011

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