La Chronique Agora

La flamme de la hausse s’éteint toute seule à Shanghai ?

** La thèse selon laquelle les mauvaises nouvelles sont dans les cours remporte de plus en plus de suffrages et l’espoir — insensé ? — d’un rebond de l’activité au second semestre aux Etats-Unis commence à poindre. Les valeurs les plus sensibles à un renversement de cycle économique sont en effet plébiscitées depuis le 17 avril ou plutôt, devrions-nous dire, depuis le 17 mars dernier, alors que les places boursières occidentales testaient collectivement des planchers annuels.

Une série de trimestriels plus favorables que prévus publiés après clôture de Wall Street ces derniers jours aux Etats-Unis (successivement Intel, IBM, Google) puis en préouverture vendredi dernier (Citigroup et Caterpillar) ont dopé des secteurs de la cote délaissés depuis novembre 2007.

Le CAC 40 (+2,05%) aligne une série de quatre séances de progression consécutives pour un gain hebdomadaire de 3,41% et le regain de confiance des investisseurs se traduit par un net accroissement des volumes en fin de semaine — ce qui était un très bon signe avant le week-end.

Pas moins de 6,8 milliards d’euros ont été échangés sur les seules valeurs du CAC 40, contre 5,4 milliards d’euros le vendredi précédent. Si l’indice phare ne parvient pas à clôturer au contact de son plus haut du jour (4 976 points), il efface de belle manière la résistance des 4 940 points du 7 avril dernier et retrace ses meilleurs niveaux depuis le 27 février dernier.

** Les achats se sont effectivement concentrés sur les poids lourds de la cote plutôt que sur les valeurs moyennes. Le SBF 80 n’a gagné que 1,5% tandis que l’indice paneuropéen le plus riche en blue chips de premier plan, le DJ Stoxx 50, s’est envolé de 2,63%. Madrid et Amsterdam ont affiché des scores de la même ampleur et Zurich a bondi de 3,4% dans le sillage d’UBS.

Cette rotation sectorielle au profit des actions semble inspirée par l’anticipation d’un retournement haussier sur le dollar. La monnaie américaine a pris 1% à 1,5735/euro, et 4% face au yen, à 104,5 — tout ça en l’espace d’une semaine, ce qui traduit une réactivation du mécanisme du carry trade, lequel préfigure souvent un regain de forme de Wall Street.

** Notons pour l’anecdote que le plongeon des valeurs chinoises (-10% cette semaine) s’est accéléré à partir de mardi, alors que le yuan franchissait la barre psychologique des 7,00 contre le dollar (établissant un nouveau « record » — sous étroit contrôle de Pékin — à 6,98 $). L’indice SSE, le plus représentatif de la bourse de Shanghai, valide la cassure du plancher majeur des 3 300 points puis s’enfonce à présent sous les 3 100 points, ce qui achève d’effacer l’intégralité des gains engrangés depuis la mi-avril 2007.

Avec la crainte de nouveaux tours de vis monétaires en Chine pour contenir une inflation voisine de 8%, le SSE s’expose théoriquement à une rechute sur le palier des 3 000 points (zénith de mi-février 2007). Il ne faut pas perdre de vue que la zone des 3 030/3 060 points correspond à la division par deux par rapport au zénith historique des 6 124 points de la mi-octobre 2007.

** La thématique de l’inflation — qui devient une grande cause mondiale avec une flambée de 130% du cours du riz en un an — pourrait maintenant servir les intérêts du dollar (et paradoxalement des places européennes). En effet, les cambistes adhèrent chaque jour plus nombreux à l’hypothèse d’un abaissement symbolique (-25 points, à 2,00%) du prime rate le 30 avril prochain, la Fed pouvant à cette occasion laisser transparaître qu’elle n’a pas l’intention d’aller plus loin dans l’immédiat.

Wall Street semble appeler de ses voeux un statu quo monétaire. Les entreprises américaines s’en sortent d’ailleurs très bien sans cela : dopé par l’envolée de 21% de Google (à 545 $) puis de 10% d’Amazon, le Nasdaq grimpe de 3% et s’attaque victorieusement à la barre des 2 400 points (à 2 413). Le S&P 500, soutenu par les 8% de hausse de Citigroup (puis l’ensemble du secteur bancaire) s’adjuge 2,3% et tutoie les 1 400 points : il engrange 4,5% sur l’ensemble de la semaine et afficherait ainsi sa meilleure performance de l’année (le Nasdaq gagnerait plus de 5,3%).

Le baril de pétrole connaît des évolutions très heurtées depuis la mi-journée de vendredi : il culminait vers 115,5 $ en fin de matinée, il chutera brusquement vers 112,9 $ vers 15h30 avant de bondir à 116,2 $ (nouveau zénith historique) vers 18h30.

Mais le plongeon de l’or (-3% à 910 $) semble annonciateur d’une vague de prises de bénéfice salutaires sur les matières premières — au bénéfice du dollar et probablement des marchés actions.

Philippe Béchade,
Paris

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